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EAN : 9782367321707
128 pages
Editions Chandeigne (01/06/2017)
3.81/5   8 notes
Résumé :
Pessoa est lié à Lisbonne, comme Kafka l'est à Prague ou Joyce à Dublin. Lisbonne imprègne toute l'oeuvre de Pessoa. Le poète habite une ville qui le hante littéralement et littérairement. Il existe malheureusement un ouvrage écrit en anglais What the tourist should see, traduit sobrement en français par Lisbonne (Anatolia, 10 :18) qui est un succès d'édition mais qui n'a, de l'avis de tous les spécialistes et surtout des lecteurs appâtés par le titre mais vite déçu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce petit livre paru en 2018 est un recueil de textes de Fernando PESSOA sur ses impressions alors qu'il arpente sa ville natale, Lisbonne, celle même où il sera emporté en 1935. PESSOA a passé son enfance sur les bords du Tage et des images fortes lui sont restées, il s'en confie ici. Certes, il a vécu en Afrique du sud de 1896 à 1905, mais cette année-là il revient dans la capitale portugaise pour ne plus jamais la quitter.

L'oeuvre de PESSOA est vertigineuse par le nombre de feuillets laissés (et retrouvés pour la plupart dans une malle à sa mort). Ce livre est un hommage appuyé à Lisbonne et à ses habitants. PESSOA observe et retranscrit à sa manière ses émotions. Nous sommes loin de son « Livre de l'intranquillité » par exemple, ici c'est un PESSOA tantôt contemplatif, tantôt empreint de nostalgie ou de son éternelle introspection, qui rédige une prose dans un style comme toujours poétique. Il signe parfois de son propre nom (sa fameuse orthonymie) mais aussi sous certains des noms des auteurs qu'il a montés de toutes pièces, ses hétéronymes, chacun dans un style qui lui est propre.

L'hétéronyme le plus proche de PESSOA est Bernardo Soares, « l'auteur » du « Livre de l'intranquillité ». Nous retrouvons dans ce recueil un projet de préface à ce livre, mais aussi un extrait de « Message », le seul publié du vivant de PESSOA et écrit sous son nom, l'hétéronyme Álvaro de Campos étant représenté avec deux poèmes. Cependant, la majorité des extraits assemblés ici sont bien signés PESSOA.

Le PESSOA qui souffre du mal de vivre, du mal de mort, n'est jamais bien loin : « J'ai envie de hurler dans ma tête. Je veux arrêter, écraser, réduire en miettes cet impossible rouleau gramophonique qui résonne en moi dans une autre maison, intangible bourreau. Je veux ordonner à mon âme d'arrêter, pour qu'elle puisse, tel un véhicule déjà occupé, continuer seule et m'abandonner. Je deviens fou à force de l'entendre. Et finalement c'est moi, dans mon cerveau odieusement sensible, dans ma peau pelliculaire, dans mes nerfs à vif, c'est moi qui suis ces touches frappées en d'incessantes gammes, ô ce piano horrible et personnel de ma mémoire. Et toujours, toujours, comme si une partie du cerveau devenait autonome, résonnent, résonnent, résonnent en bas, là-haut, les gammes de la première maison de Lisbonne que je suis venu habiter ».

PESSOA scrute « sa » ville, celle qu'il connaît par coeur, lui le casanier solitaire qui voyage certes beaucoup, mais surtout dans son esprit. « Si vous détenez la vérité, gardez-la ! ». Puis il trouve l'inspiration dans cette impasse au nom presque choisi pour lui, celle du Parle-Tout-Seul. PESSOA écrit sur les quartiers populaires et leur ambiance villageoise, il aime sa ville, pour lui c'est LE monde, nul besoin d'aller fureter en d'autres lieux, l'imagination s'en charge.

Il dépeint, lentement : « Les maisons s'inégalisent dans un agglomérat retenu, et le clair de lune, maculé d'incertitude, traîne sa nacre sur les mornes secousses de la confusion. Il y a des toits de tuile et de la nuit, des fenêtres et du Moyen-Âge. Nulle part pour les faubourgs. Une lueur de lointain flotte sur tout ce que l'on voit. Par-dessus l'endroit où je regarde, il y a des branches noires d'arbres, et je porte le sommeil entier de la ville dans mon coeur dissuadé. Lisbonne au clair de lune et ma fatigue du lendemain ! ».

Une longue et très soignée préface de Maria José DE LANCASTRE et une introduction riche de Joanna CAMEIRA GOMES viennent nous éclairer sur la chronologie de la biographie de PESSOA, la construction de son monde imaginaire, mais aussi sur les choix des extraits présents dans ce recueil. Elles nous confient également quelques éléments d'importance sur l'enfance du poète, notamment ce premier hétéronyme, le Chevalier de Pas, alors qu'il a tout juste… 6 ans ! Ouvrage paru en 2018 aux éditions Chandeigne, spécialisée en littérature portugaise, c'est aussi Michel CHANDEIGNE qui, en spécialiste de PESSOA, en a traduit ici les textes.

« Je ne trouve la sérénité que là où j'ai été ».

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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Je pense souvent à ce que je serais si, protégé du souffle du destin par le paravent de la richesse, je n'avais pas été conduit, par la main morale de mon oncle, dans un bureau de Lisbonne, et si je n'avais pas gravi les échelons, d'un bureau à l'autre, jusqu'à ce sommet à deux balles d'être devenu un bon commis-adjoint aux écritures, avec un travail qui est une forme de sieste et un salaire qui suffit pour vivre.

Je sais bien que si ce passé qui n'a pas existé avait eu lieu, je ne serais pas capable aujourd'hui d'écrire ces pages, meilleures dans tous les cas, pour certaines, que les inexistantes qu'en de meilleures circonstances je n'aurais fait que rêver. C'est que la banalité est une intelligence et la réalité, surtout si elle est âpres ou stupide, un complément naturel de l'âme.

Je dois à mon emploi de commis aux écritures une grande part de ce que je peux sentir et penser comme la négation et la fuite de ma propre charge.

Si je devais établir dans les cases blanches d'un questionnaire la listes des influences littéraires auquel est redevable la formation de mon esprit, je commencerai par le nom du poète Cesàrio verde, mais je ne l'achèverai pas sans mentionner le nom de mon patron Vasques, du commis aux écritures Moreira, du représentant Vieira, du garçon de bureau Antonio. Et je marquerai en lettres majuscules l'adresse-clé de tous : Lisbonne.

A y regarder de plus près, Cesàrio Verde comme tous les autres furent les coefficients correcteurs de ma vision du monde. Je crois que c'est par cette phrase, dont j'ignore évidement le sens exact, que les ingénieurs désignent le traitement que l'on fait subir à la mathématique pour qu'elle puisse rejoindre la vie. Si c'est bien le cas, ce fut ce qui m'est arrivé pour de vrai. Sinon, que cette phrase signifie ce qu'elle aurait pu signifier, et que l'intention supplante cette métaphore ratée.

(P107-109)

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Je rêvasse entre Cascais et Lisbonne. Je me suis rendu à Cascais payer un impôt pour mon patron Vasques, sur une maison qu'il possède à Estoril. J'ai savouré par anticipation le plaisir de voir une heure à l'aller, une heure au retour, les aspects toujours variés du grand fleuve et de son embouchure atlantique. En vérité, à l'aller, je me suis perdu en méditation abstraites, regardant sans les voir les paysages aquatiques que je me réjouissais d'aller contempler, et au retour je me suis perdu dans la fixation de ces sensations. Je ne serai pas capable de décrire le moindre détail du voyage, le moindre fragment de visible. J'y ai gagné ces pages, par oubli et contradiction. Je ne sais pas si c'est meilleur ou pire que le contraire, dont j'ignore ce qu'il est également.
Le train ralentit, voici la gare de Cais do Sodré. Je suis arrivé à Lisbonne, mais pas à une conclusion
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Impasse du Parle-tout-seul
J'ai parlé avec une autre "personne"
Elle est bien bonne!
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Vidéo de Fernando Pessoa
En librairie le 2 juin 2023 et sur https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251454054/comment-les-autres-nous-voient
Après Chronique de la vie qui passe, le présent volume vient compléter l'édition des Proses publiées du vivant de Pessoa telles qu'elles avaient été présentées au public français dès 1987 par José Blanco, l'un des meilleurs spécialistes du grand auteur portugais.
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