L'auteur est passé maître dans l'a rédaction de biographie concernant de grands théologiens français. Songeons à celle consacrée au père Congar, celle du cardinal Tisserant ou du père
Varillon, par exemple.
Ici, le sujet lui a donné du fil à retordre, comme on dit, car contrairement à son collègue et ami, le père Congar, ses papiers n'étaient pas aussi bien ordonnés et classifié et pourtant historien lui-même, ne pensait guère à sa postérité. Pourtant, bien que de dix ans son aîné, le père Chenu a connu un peu les mêmes déconvenues que le père Congar.
Ces biographies sont vraiment importantes, dans le sens où elles rendent compte d'une époque, celle d'une formidable émulation intellectuelle, d'une culture solide, aujourd'hui difficilement égalable, comme récapitulée dans cette maison de formation dominicaine inclassable qu'était le Saulchoir. Cet ouvrage rend compte également des années de plomb des pontificats de
Pie XI et
Pie XII ou le soupçon et même les dénonciations n'ont pas épargnés ces grands théologiens français. Et pourtant, on leur doit tant ! Pas moins qu'une formidable réflexion qui donnera l'architecture des grandes constitutions dogmatique du concile
Vatican II. Pour cela, il fallait des hommes de foi, d'une foi chevillée au corps et au coeur. Nous suivons ainsi le père Chenu au travers de ses difficultés avec l'Ordre dominicains et la congrégation pour la doctrine de la foi.
Ainsi, cet optimiste incurable, n'en restera pas moins marqué comme « suspect », jusqu'à la fin de sa vie, mais cela ne l'empêchera pas de rester en alerte et expérimenter des chemins nouveaux lorsque certains se ferment devant lui. Je ne résiste pas à citer l'ouvrage l'auteur, à la fin du livre : « Vivant, le père Chenu demeurait suspect et infréquentable dans bien des cercles catholiques ; mort, il est soudain paré de toutes les qualités qu'on lui refusait auparavant : un grand théologien et pilier de l'Eglise conciliaire notamment. La solennité de ses funérailles et le concert de louanges qui les entourent valent pleine réhabilitation au religieux deux fois sanctionné. »