« Tu disais « mes fils » quand tu parlais de mes frères. « Tes filles » lorsque la conversation nous concernait, mes soeurs et moi. Tu prononçais « mes fils » avec orgueil. Tu avais une pointe d'impatience, d'ironie, de ressentiment, de colère, parfois, en formulant « tes filles ».
Dans l'Algérie où est née
Malika Mokeddem, les femmes ne comptent donc pour rien. Mais elle, qui fréquente l'école, qui est bonne élève, réfléchit et ne veut pas accepter cet état de fait comme une fatalité. Elle sera obligée d'acheter sa liberté pour pouvoir vivre à sa guise.
Malika Mokeddem nous fait voyager à travers sa vie, ses souvenirs, nous emmenant ici ou là, au fil de sa plume, sans souci de chronologie. Amour, tendresse, amitié se taillent une belle part. Mais il y a aussi tristesse, perte, désespoir, mort. Ce récit, c'est celui de la force et de la révolte d'une battante qui n'accepte pas la condition de paria, d'être inférieur qui est dévolue aux femmes dans son pays, et qui, au prix de l'exil, deviendra à la fois médecin et écrivain.
L'écriture est très belle, très poétique, avec quelques fulgurances: « Ma vie est ma première oeuvre Et l'écriture, son souffle sans cesse délivré. » « L'obscurité se referme, comme une paupière, sur des azurs hallucinés. »
J'aime beaucoup le fait que, pour elle comme pour moi, la littérature soit essentielle: « il me suffit d'un livre pour que surgissent des mers, des océans, toutes les rumeurs de l'eau. Des règnes de verdure. »
J'ai donc beaucoup aimé ce beau roman.