L'écriture de
Jean-Luc Raharimanana n'est pas une écriture facile, la langue est brute, dépouillée, violente. Il faut la laisser tinter, sonner, bourdonner, tonner mais surtout résonner. "M'ouvrir la bouche, c'est dégueuler la honte, l'indignité, ma parole est noire, elle fatigue, n'ai-je pas d'autres chants qui balancent ?".
Il faut entrer, c'est difficile, il faut entrer entre :"Mes murs l'indécence mes murs sont d'obscènité d'enfants qui meurent de famine, de femmes qui se violent, de fous, de folles, de riens qui s'écrasent les uns sur les autres, entassés sous le ciment du loin et de la pensée belle." Il faut entrer et ne pas fermer les yeux. "A chaque seconde. A chaque mouvement de cil. Une autre mort encore. Tout à l'heure. le sida. La malarie. La famine. La désespérence...mes murs l'obscènité. Vous passez dans ma maison. Vous êtes mon invité. Vous êtes le bienvenu. Vous ne pleurez pas".
Mais Jean-Luc, c'est aussi la douceur, l'innocence : "Douceur est l'enfant. Que douceur. Rien que douceur. Douceur", "J'ai enfanté l'innocence et ne m'en suis pas relevé...l'enfant et ne m'en suis pas relevé."
C'est tout l'amour de son île "l'île caillou", des douleurs qu'endure sa bien-aimée, ses rêves d'enfant, qu'il nous livre sans honte avec toute la violence d'une langue épurée. Pour qu'on voit, pour qu'on sache.
Se laisser emporter n'est pas sans risque mais l'indifférence n'est pas de mise et le chant est si beau.