AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782266337403
240 pages
Pocket (01/02/2024)
4.59/5   67 notes
Résumé :
L’histoire d’une diplômée de Sciences Po devenue éleveuse de cochons noirs dans le Gers et militante, face à l’agro-business, de l’alternative du mode de vie paysan, solidaire et joyeux.

Clément, narrateur et personnage, raconte la vie de Noémie, éleveuse de cochons noirs dans une petite communauté rurale du Gers. Devenir paysanne est un combat, contre l’hiver, les défis physiques et techniques, les craquages émotionnels. Le modèle d’élevage que Noémi... >Voir plus
Que lire après Plutôt nourrir : L'appel d'une éleveuse Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (25) Voir plus Ajouter une critique
4,59

sur 67 notes
5
18 avis
4
4 avis
3
1 avis
2
0 avis
1
0 avis
Première lecture de l'année, premier coup de coeur!
Clément et Noémie ont tous les deux fait Sciences Po à Paris, se sont perdus de vue, et se sont retrouvés une dizaine d'années plus tard, l'un installé dans une ferme "collective radicalement décroissante" dans le Béarn, l'autre s'étant reconvertie comme éleveuse de porc dans le Gers, à deux pas de là.
Ensemble, ils vont écrire ce livre sur le virage pris par Noémie et cette passion qui l'a gagnée.
Les premiers mots de Clément m'ont un peu effrayée: je me disais "ce côté néorural hypster risque de m'agacer". En réalité, lui-même se remet en question au fur et à mesure qu'il vient observer le travail de Noémie. Mais les parties les plus intéressantes, selon moi, sont les extraits de journaux tenus par Noémie au cours des années, où l'on apprend d'abord les raisons de sa reconversion (dont une électrosensibilité qui l'a sérieusement handicapée mais aussi une passion naissante pour la campagne et les cochons).
Depuis 2019, Noémie s'est donc lancée, peu à peu, se formant, tâtonnant, demandant auprès de ses voisins plus expérimentés des conseils, et surtout en se faisant confiance. On ne peut qu'admirer son courage, car elle gère seule tous les aspects du métier: choisir ses bêtes, les nourrir, les soigner, les castrer, les aider à mettre bas, mais aussi les tuer, les découper, préparer les morceaux, et les vendre sur le marché deux fois par semaine. Très vite, elle s'intègre, sympathise avec les éleveurs du coin et les clients du marché d'Auch qui sont de plus en plus nombreux à la soutenir.
Mais Noémie, aussi se questionne: comment être la plus respectueuse possible de l'animal, de l'environnement et de ses idéaux? Pas facile face aux lobbies agroalimentaire...
Pour ma part, j'étais curieuse, comme Clément, de savoir pourquoi elle se lançait dans l'élevage de porcs dans une société de plus en plus sensible à la cause animale et à l'empreinte carbone. Et puis les porcs, personnellement, représentent vraiment l'espèce animale qui me révulse, un sentiment né de ma petite enfance à la campagne et de légendes de cannibalisme. Noémie, par ses descriptions et son affection, est presque parvenue à me les rendre adorables, ce qui n'était pas une mince affaire.
Face aux critiques, dont celles de Clément sur la consommation importante en céréales, eau, électricité etc que cet élevage représente, Noémie a les mots. Des mots de colère, de révolte face aux élevages industriels tellement plus ravageurs, des mots très justes où elle remet à leur juste place la passion, le lourd travail, le peu de gain, et la réflexion des petits éleveurs comme elle qui refusent une alimentation industrielle dénaturée.
J'ai été épatée du début à la fin par les luttes autant physiques, financières que morales de Noémie, et sa rapide intégration dans le milieu paysan qu'elle défend comme si elle en avait toujours fait partie.
Le livre est aussi très bien documenté et on apprend notamment que si nous, citoyens, réduisions d'un quart notre consommation de viande, d'oeufs et de produits laitiers, la surface agricole relocalisée en France et passée en bio suffirait à nous nourrir, ce qui n'est absolument pas possible aujourd'hui.
Ce matin en allant au marché, j'ai regardé les stands locaux d'un oeil différent, renforcée dans l'idée qu'il est vital de soutenir nos paysans.
Et qui sait, peut-être passerai-je un jour au marché d'Auch ou de Samatan et la rencontrerai-je.
Commenter  J’apprécie          292
Clément et Noémie étaient camarades de promo à Science-Po Paris. La dernière fois que celui-ci a entendue parler d'elle, elle menait une brillante carrière dans le conseil entre Hong Kong et Londres. Et voici que Clément apprend soudain qu'elle a tout plaqué pour élever des porcs noirs dans une petite exploitation au fin fond du Gers. Lui qui s'est aussi installé à la campagne dans une ferme partagée est curieux du parcours de son amie : pourquoi ne pas écrire un livre à 4 mains pour témoigner de cette expérience ?

En ouvrant Plutôt nourrir (dont soit dit en passant le titre m'a bien fait rire), je m'attendais à lire un témoignage de plus sur une jeune cadre ayant décidé de se reconvertir pour un métier "qui a du sens" et d'essayer de pratiquer une agriculture plus respectueuse du vivant et de l'environnement, sujet qui m'intéresse et sur lequel on a déjà beaucoup écrit. Mais j'ai eu l'excellente surprise de découvrir que ce livre était beaucoup plus que cela ! Déjà il y a la plume de Clément, particulièrement inspirée pour raconter par petites touches le parcours de Noémie, pour nous faire partager sa vie quotidienne, nous amener petit à petit à comprendre ses choix, ses difficultés et à quoi ressemble vraiment le travail d'un éleveur. le récit a tout de suite capté mon intérêt et je l'ai lu comme un roman tant le style est agréable à lire et l'histoire bien construite. Les chapitres écrits par Clément alternent avec des extraits du journal intime de Noémie, ce qui fournit un excellent contrepoint : moins "écrits", plus bruts, ces passages viennent nous faire ressentir de l'intérieur l'aventure vécue par la jeune femme, ses difficultés dans un monde qui reste essentiellement masculin, ses galères de débutante et ses joies également. Et puis enfin pour compléter parfaitement tout cela, il y a les photos qui introduisent chaque chapitre : de beaux noirs et blancs qui nous emportent également dans ce petit coin du Gers, vues de l'exploitation ou gros plans sur les cochons.

Non seulement, j'ai passé un très bon moment en lisant ce récit mais c'est également un des ouvrages que j'ai trouvé les plus aboutis en termes de réflexion sur l'agriculture, son impact sur l'environnement, le rôle des paysans et nos choix de société face au fait de se nourrir. Loin des débats souvent stériles ou des témoignages militants, Clément Osé a su poser les bonnes questions et ouvrir des pistes de réflexion sans jamais donner de solutions toutes faites. Ainsi j'ai trouvé très intéressantes ses remarques sur la différence entre leur deux exploitations agricoles : celle de Clément, une ferme partagée pour néo-ruraux en quête de vie différente pouvant se permettre d'être belle, de travailler la nature en harmonie, puisqu'il s'agit juste de se nourrir et non d'avoir une activité qui vous fait vivre, et celle de Noémie, une exploitation agricole où il faut produire, trouver des solutions pour respecter l'environnement mais quand même gagner sa vie. le chapitre consacré à l'empreinte carbone de l'élevage de Noémie et au choix d'être végétarien ou non pour limiter les émissions de CO2 est également passionnant : alors que Clément est végétarien par conviction pour avoir un impact moindre sur l'environnement, Noémie se bat pour continuer à élever des cochons et fournir une viande de bonne qualité à tous, en traitant au mieux ses animaux et en limitant au maximum son impact carbone dans un environnement économique qui favorise à outrance les grosses exploitations.

Il y aurait encore tant à dire sur ce livre que je n'ai pas pu lâcher, notamment les derniers chapitres sur la gestion de la grippe aviaire, la désinformation concernant la contagion par la faune sauvage et l'obligation faite aux éleveurs d'enfermer les volailles, obligation contre laquelle les petits producteurs se battent désespérément... Mais le mieux est encore de vous conseiller de le lire vous-même : non seulement c'est une lecture passionnante et plaisante mais aussi vous apprendrez plein de choses et pourrez vous forger une opinion sur ces sujets importants. Quant à moi, tout ça me donne envie de lire le premier récit de Clément Osé sur son expérience de ferme partagée et de me rendre au marché de Mauvezin pour rencontrer Noémie Calais et goûter la bonne viande de ses porcs noirs !
Commenter  J’apprécie          210
Une lecture passionnante, qui tient la promesse de son excellent titre !
Déjà, le principe d'écriture à quatre mains est intéressant. Clément Osé et Noémie Calais se sont connus sur les bancs de Sciences Po, tous les deux ont rompu avec leurs habitudes citadines pour s'engager dans l'agriculture. Mais là où Clément fait le choix d'une ferme collective autosuffisante, renonçant à manger de la viande en raison de son empreinte écologique, Noémie, elle, décide de vivre de l'élevage des cochons noirs dans le Gers. Clément observera donc Noémie, l'interrogera et la photographiera tandis que Noémie nous livrera des extraits de ses carnets, tout pleins de ses "mots bruts, sans filtre".
Tous deux réfléchissent de concert à l'état actuel et au devenir de l'agriculture, de l'élevage. Il y a effectivement urgence à méditer sur ces thèmes ! C'est d'autant plus intéressant de le faire dans la confrontation de deux pensées, de deux expériences différentes. La réflexion enclenchée par les coauteurs ne cesse en effet de chercher son équilibre entre deux pôles, entre deux clans, entre élevage industriel, dont les limites et la cruauté sont soulignées, et défense de la cause animale type L214, dont le positionnement caricatural est symptomatique d'une crise de la sensibilité face à l'environnement, elle-même issue d'un rapport perverti à la nature. L'une des qualités de l'ouvrage est son esprit de nuance, loin de tout militantisme obtus ou d'un manichéisme qui appauvrirait le débat.
Avant de commencer ma lecture, j'avais pourtant une réserve quant au choix que fait Noémie de l'élevage. Comment peut-on aimer ses animaux et les tuer? le choix de la viande n'est-il pas contraire à un engagement écologique ? Ne peut-on pas plutôt s'en passer? Quelques passages éprouvants plus tard qui nous obligent à faire face à la réalité de l'abattage, les réponses de Noémie, empreintes d'humanité et de mesure, ont fait changer mon point de vue. Oui, on peut aimer ses cochons et les tuer dans des conditions dignes, comme une participation réfléchie au cycle de la vie.

Outre la réflexion croisée qu'offre cet ouvrage, c'est aussi le parcours des auteurs qui rend le livre passionnant car il permet de poser un autre regard sur l'agriculture. Ce ne sont pas des paysans issus de plusieurs générations qui parlent de leur métier, mais des urbains diplômés qui ont fait le choix d'une nouvelle vie. Noémie, étudiante brillante, après un début de vie professionnelle qui l'est tout autant, décide de tout quitter. Par amour des cochons et pour calmer une « sensibilité chimique multiple » qui déclenche chez elle, à 25 ans, des symptômes de pré-Alzheimer, qui iront s'aggravant si elle ne change rien à son mode de vie.
S'installer dans le Gers la guérit. Mais ce nouveau départ va la confronter à de nombreux obstacles, d'autant qu'elle décide de tout faire elle-même: élevage, abattage, découpe, vente sur le marché. En la suivant, on ressent une immense admiration pour son courage. On découvre également les écueils de la vie paysanne : fatigue, coups du sort (bêtes malades, coulées de boue), pauvreté, difficulté de construire une relation amoureuse solide, découragement, doutes, sentiment d'incompréhension…
Dans le même temps, on comprend de manière éclatante tous les bonheurs qui sous-tendent son choix de vie radical: la solidarité entre gens de la terre, les échanges avec ses clients du marché, son amour du goût et des traditions, sa fierté de « préserver la diversité du vivant », son bonheur de vivre dans la nature, l'indépendance du mode de vie paysan, garante d'une indépendance intellectuelle à laquelle elle ne renoncerait pour rien au monde. Voilà pour la beauté de l'aventure, qui rend notre lecture lumineuse.
On voit évoluer Noémie, de plus en plus assurée dans ses gestes, cherchant toujours à préserver le vivant de son mieux en plantant des arbres par exemple, pour prévenir l'érosion des sols et permettre à ses cochons de pâturer en liberté. En fin d'ouvrage, elle a renoncé à la moitié de son troupeau, distribue moins de céréales pour accroître leur rôle de recycleurs naturels de déchets, reprend des poules, a planté des fruitiers, s'associe à un collectif. le futur est envisagé sur le mode de l'espérance, de la créativité et de la détermination.

On a envie de la remercier, elle et tous ces gens qui font du bien à la nature, qui défendent une vision respectueuse et intelligente de l'agriculture en plongeant les mains dans la boue, dans le sang et le lisier. Ils le font pour nous et pourtant, nous ne les soutenons pas. le livre se clôt sur l'invitation que Noémie lance à ses lecteurs à la rejoindre dans sa ferme, dans un vibrant "appel à nous libérer des dépendances qui nous enchaînent à la production aveugle". Elle a besoin d'espérer un rapport plus harmonieux au vivant, et plus encore, d'espérer que la société s'ouvre à son point de vue et reconnaisse l'utilité de son action. En cela, cette lecture ne nous invite pas qu'à la réflexion: nous pouvons agir aussi, en changeant nos habitudes alimentaires et en soutenant des actions comme la sienne. Parfois, lire nous enjoint à agir !

Lu dans le cadre du Grand Prix des lecteurs Pocket 2024.
Commenter  J’apprécie          82
Tout quitter pour devenir éleveuse de porcs noirs dans le Gers !
C'est le choix qu'à fait Noémie. Elle n'était pourtant pas destinée à ça. Des études brillantes à Sciences Po puis un job à Hong Kong et enfin un poste dans un cabinet de conseil à Londres. Elle se rend compte qu'elle fait fausse route et décide alors de redonner du sens à sa vie. Elle s'inscrit dans un lycée agricole du Gers, elle crée son élevage, elle apprend à maitriser chaque étape du métier qu'elle a choisi : le soin aux animaux, la découpe de la viande, la vente...

En choisissant le cochon noir, et non pas le cochon rose, Noémie n'effectue pas un simple retour à la nature. C'est un choix militant. Cette race rustique se reproduit moins, prend plus de temps pour arriver à maturation ; en résumé elle n'est pas « rentable » pour les industriels. Ce livre n'est donc pas une énième histoire de citadin choisissant la ruralité. Certes on suit le quotidien de Noémie avec les difficultés qu'elle rencontre mais le plus important c'est sa parole complexe sur le monde rural et sur la finalité du métier d'éleveur. Les choix que l'on a fait pour l'agriculture ont transformé les paysans en esclaves de l'industrie et aujourd'hui travailler autrement est une nécessité pour redonner du sens à ce métier. Elle nous amène à regarder en face les questions d'élevage, de bien-être animal, de notre rapport au vivant et à l'alimentation, une genre de tête à tête avec ce qui est dans notre assiette. Un livre aussi qui nourrit le débat sur l'indépendance alimentaire, sur la distribution de la terre entre petites et grosses exploitation, sur la façon dont on traite l'écosystème.
Commenter  J’apprécie          110
Diplômée de Sciences Po, Noémie Calais est devenue, pour des raisons de santé, éleveuse de cochons noirs dans le Gers, dans un modèle biologique et en circuit court.
Dans ce récit émouvant et poignant, habité, elle nous livre son témoignage, ses luttes. Où la vie et la mort des animaux sont indissociables de celle des humains et où se forment d'autres manières de vivre.
En lisant ce livre, j'ai pleuré
J'ai pleuré plusieurs fois.
J'ai pensé à mes grand parents, paternels et maternels, qui étaient paysans parce que c'était ainsi de père en fils, à qui on n'avait rien demandé ; et dont les fils n'ont pas ‘'repris'' ; trop dur.
Dont le métier n'avait pas de nom parce que, simplement, ils étaient la majorité.
Les autres : martelod (marins) et dont les fils n'ont pas repris : trop dur.
Je me souviens de « l'an 01 » la BD des années 1970 : « On arrête tout » et « Après un temps d'arrêt total, ne seront ranimés – avec réticence – que les services et les productions dont le manque se révélera intolérable. Probablement : l'eau pour boire, l'électricité pour lire le soir, la TSF pour dire Ce n'est pas la fin du monde, c'est l'An 01, et maintenant une page de Mécanique céleste »
Et Noémie lutte :
« Et la boue, la boue, la boue, sous un soleil absent, ciel gris, bas et lourd, comme le moral »
« Un corps à corps avec la nature, avec l'animal, avec les charges lourdes, avec mon propre corps et les limites qu'il impose parfois »
Ce livre creuse une réflexion sur les enjeux de l'élevage dans notre pays. Une façon d'aborder ces questions de façon plus nuancée que les nombreuses polémiques qui « animent » le débat public.
« L'acte de mort n'a pas été le couperet définitif auquel je m'attendais, mais il a profondément modifié mon rapport à la viande et à l'animal. le moment de tuer est d'une intense solennité. J'aimerais que chaque consommateur de viande fasse l'expérience de la mort de l'animal qu'il souhaite manger. Pas pour le culpabiliser ou le mettre au défi, mais pour qu'il prenne la mesure de ce que c'est que de prendre la vie, pour qu'il ressente les soubresauts nerveux de l'être vivant qui meurt, qu'il voit les paupières se fermer, qu'il palpe le pouls qui s'en va et sente le sang chaud sous ses doigts. Sinon, il mange de l'ignorance, trois fois par jour. »
Et les agriculteurs : « on gagne une misère pour vous nourrir pendant que vous êtes au chaud derrière vos écrans, alors ne venez pas, en plus nous dire qu'on pollue ou qu'on travaille mal »
Et Noémie réfléchit et lutte.

Noémie, en plus, parcourt la France, pour convaincre et essaimer.
Chère Noémie,
Que la joie lui demeure !

Ps : Collectif Fermier Les Arbolèts : https://www.facebook.com/profile.php?id=100063614828406&sk=friends_likes

Commenter  J’apprécie          70

Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
En France, il y a 29 millions d'hectares de surfaces agricoles utilisées [...]. Si notre régime alimentaire reste le même et si la production est intégralement relocalisée (contrairement à aujourd'hui) et passée en bio, ça déborde : il faut 42 millions d'hectares pour nous nourrir. Si, en revanche, nous baissons d'un quart notre consommation de produits animaux, ça marche, il ne faut plus que 27 millions d'hectares pour nourrir tout le monde. Si on la réduit de moitié, 19 millions d'hectares suffisent. A condition de modifier nos habitudes et de manger moins de viande mieux produite, sortir de l'agriculture industrielle ne signifie pas plonger dans la famine [...]. En gardant le scénario de la relocalisation bio avec un quart de produits animaux en moins, la simulation [application PARCEL] dit qu'il faudrait un million cinquante-six mille paysans pour faire tourner les fermes [...]. En 2022, il y a quatre cent mille agriculteurs exploitants en France. [...] qui va nous nourrir ?
Commenter  J’apprécie          80
Depuis sa création, en 2003, Terre de Liens a acheté entre deux cent cinquante et trois cents fermes. Chaque semaine sur la même période, un nombre équivalent de fermes a disparu. L'association maintient une ferme pendant que mille s'éteignent. C'est dérisoire. Pourtant, dossier après dossier, l'idée du financement citoyen des terres agricoles fait son chemin, et de jeunes agriculteurs hors cadre familial s'installent sans contracter les dettes qui les rendraient dépendants de volumes de production démesurés. Noémie me dit que posséder collectivement le foncier grâce à l'épargne solidaire, c'est comme signer un contrat social entre citoyens et agriculteurs pour préserver la terre et la mettre hors d'atteinte des logiques spéculatives ou capitalistes qui fragilisent les installations de paysans. C'est un outil décisif pour contrer le sourd accaparement des terres pour les projets mortifères des multinationales.
Commenter  J’apprécie          80
Ce lien quotidien à l'animal renforce ma sensibilité au vivant, mais il me rend aussi, peut-être, intransigeante sur les incohérences de certains discours urbains ou véganes qui méconnaissent la sensibilité des éleveurs. Je refuse de me laisser emmener dans ce discours manichéen qui rangerait les éleveurs du côté des méchants, des tueurs, des sans-cœur, et les urbains véganes du côté des gentils qui respectent la vie. Le vivant, justement, est plus complexe que cela. Choisir la vie, c'est choisir la mort. Je le répète comme un mantra. Il m'est insupportable de recevoir des leçons de personnes qui s'achètent une bonne conscience en décidant de s'extraire du rapport à l'animal plutôt que d'oser le regarder en face, dans sa complexité et son ambivalence. Les produits non animaux, issus de circuits longs, conventionnels, industriels, portent aussi leur lot de mort, celle qu'ils occasionnent aux sols, à la biodiversité, à leur écosystème, et la mort de nos idéaux : les monopoles de rente, le désastre social qui advient lorsqu'on délègue à quelques-uns le pouvoir de nous nourrir tous. (p 178)
Commenter  J’apprécie          40
(à propos des cochons) Depuis peu, je les emmène enfin pâturer sur la colline. Ils me suivent en trottant, les oreilles rebondissant sur leurs yeux, attachantes boules de poil. Quand ils ont assez mangé, assez couru, ils rentrent d'eux-mêmes dans leur cabane. C'est dans ces moments de lien à l'animal, de confiance mutuelle, de drôlerie, que je trouve tout le sens de mon métier d'éleveuse. Mes animaux sont beaux, passent leur journée à manger, à marcher, à jouer et à dormir. Ils cherchent l'interaction avec moi et sont sereins. Je crois qu'ils vont bien. (p 177)
Commenter  J’apprécie          70
Je refuse de me laisser emmener dans ce discours manichéen qui rangerait les éleveurs du côté des méchants, des tueurs, des sans-coeur, et les urbains véganes du côté des gentils qui respectent la vie. Le vivant, justement, est plus complexe que cela. Choisir la vie, c'est choisir la mort. Je le répète comme un mantra. Il m'est insupportable de recevoir des leçons de personnes qui s'achètent une bonne conscience en décidant de s'extraire du rapport à l'animal plutôt que d'oser le regarder en face, dans sa complexité et son ambivalence. Les produits non animaux, issus de circuits longs, conventionnels, industriels, portent aussi leur lot de mort, celle qu'ils occasionnent aux sols, à la biodiversité, à leur écosystème, et la mort de nos idéaux: les inégalités, les monopoles de rente, le désastre social qui advient lorsqu'on délègue à quelques-uns le pouvoir de nous nourrir tous.
Commenter  J’apprécie          20

Video de Clément Osé (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Clément Osé
Correspondant du journal le Monde en Bretagne, Nicolas Legendre vient de publier Silence dans les champs (éd. Arthaud). En 331 pages, il résume sept années d'enquête sur le système agro-industriel breton. Une investigation fouillée qui l'a hanté jour et nuit.
Dans ce livre, Nicolas Legendre met en lumière l'avènement d'un productivisme acharné en Bretagne au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, qui a contraint les petits paysans à s'endetter pour faire toujours plus de volume et enrichir une minorité. Il y décrit l'omerta que peu ont osé briser, sous couvert de progrès économique, les pressions parfois violentes subies par les rares "kamikazes". Il détaille la connivence des banques, des firmes agrochimiques, des fabricants d'équipements, des coopératives, du syndicat majoritaire, de la grande distribution, et de certains élus.
Dans cet épisode, Nicolas Legendre décrypte ces mécanismes, leurs causes et leurs conséquences. Il évoque aussi la manière dont il a travaillé pour mener cette enquête au long cours.
Après l'entretien avec Nicolas Legendre, Michaël, Mathilde et Romain, libraires à Dialogues, nous conseilleront quelques ouvrages pour compléter la réflexion.
Bibliographie : - Silence dans les champs, de Nicolas Legendre (éd. Arthaud) https://www.librairiedialogues.fr/livre/21909519-silence-dans-les-champs-nicolas-legendre-arthaud
- Algues vertes, d'Inès Leraud (éd. Delcourt) https://www.librairiedialogues.fr/livre/15460416-algues-vertes-l-histoire-interdite-ines-leraud-delcourt
- L'Âge de la colère, de Pankaj Mishra (éd. Zulma) https://www.librairiedialogues.fr/livre/20335238-l-age-de-la-colere-une-histoire-du-present-pankaj-mishra-zulma
- Plutôt nourrir, de Clément Osé et Noémie Calais (éd. Tana) https://www.librairiedialogues.fr/livre/20925965-plutot-nourrir-l-appel-d-une-eleveuse-clement-ose-noemie-calais-tana-editions
- Paysannes, d'Anne Lecourt (éd. Ouest France) https://www.librairiedialogues.fr/livre/21910014-paysannes-anne-lecourt-le-breton-editions-ouest-france
- Reprendre la terre aux machines, de l'Atelier paysan (éd. Points) https://www.librairiedialogues.fr/livre/18641948-reprendre-la-terre-aux-machines-manifeste-pour--l-atelier-paysan-seuil
- Notre pain est politique, de Mathieu Brier (éd. de la Dernière lettre) https://www.librairiedialogues.fr/livre/15652892-notre-pain-est-politique-les-bles-paysans-face--mathieu-brier-editions-de-la-derniere-lettre
+ Lire la suite
autres livres classés : élevageVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (205) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1710 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..