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EAN : 9781022601451
Editions Métailié (15/01/2015)
3.62/5   68 notes
Résumé :
Comment peut-on survivre lorsqu’on a été prénommé Hannibal par un père historien ?
Vaincu dès le départ, notre héros, lui aussi historien, n’a jamais été à la hauteur des rêves de son géniteur. Chassé de l’université, il a sombré dans l’alcoolisme et la lamentation paranoïaque. À la mort de son père, il hérite de trois boîtes au contenu hétéroclite.
Au milieu des journaux intimes et des souvenirs de l’enfance se cache le début d’un plan machiavélique... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (34) Voir plus Ajouter une critique
3,62

sur 68 notes
« Scipion » est composé d'un mélange subtil d'érudition, de tendresse, de noirceur, le tout enrobé de beaucoup d'humour. Voilà un livre dont le déroulement énigmatique maintient jusqu'au bout le désir de découvrir le fin mot de l'histoire. Une histoire simple mais complexe dans son déroulement à l'image de l'esprit torturé d'Annibal.

Le narrateur Anibal Brener est le fils d'un historien émérite, spécialiste de l'Empire romain qui a écrit 32 ouvrages, entre autres, « En lisant Gibbon » et « Histoire et déclin de la chute de l'Empire romain ». Il entretient, depuis son enfance, une relation conflictuelle avec ce père dominateur, séducteur, imbu de lui-même qui l'écrase et l'a toujours regardé avec condescendence. Lui-même devenu un historien raté, est tombé bien bas, devenu alcoolique, vivant dans une pension où il loue une chambre qu'il partage avec un vieillard.

Le roman débute alors qu'Anibal qui n'a pas revu son père depuis des années et n'a même pas assisté à son inhumation deux ans auparavant, doit retourner dans la maison familiale pour récupérer et ouvrir trois boîtes qu'il lui a légué. L'ouverture de ces boîtes va l'embarquer dans une grande aventure intérieure et extérieure.

« Dans la penderie de la chambre jouxtant la bibliothèque, je laisse pour Anibal trois boîtes contenant des éléments que j'ai jugés pertinents pour son développement » p13

A l'ouverture de la première de ces boîtes il retrouve un costume d'étrusque qui lui avait été confectionné pour la fête de fin d'année de l'école. Il avait alors onze ans et s'était senti ridicule.
Puis une note de son père qui lui indique qu'un testament l'attend chez un certain Maître Manzini. A partir de là Annibal et le lecteur vont se trouver pris dans un tourbillon, bien en peine de démêler le vrai du faux.

Annibal va tout au long de son récit parvenir à relativiser ses vieilles blessures en les disséquant au gré d'évènements et de rencontres parfois surprenantes. En lui semblant avoir été programmés, ils vont malgré tout, au fur et à mesure de l'avancée du récit se révéler formateurs.
Cet adolescent qu'est encore Annibal à la quarantaine va se rapprocher de son père pour lequel il ressentira progressivement une réelle empathie. En découvrant le journal de ce dernier, où le professeur Wolfgang Brener alias Scipion vainqueur d'Hannibal apparaît sous un tout autre jour, il finira par se rendre compte qu'il lui ressemble jusqu'à secréter la même ambivalence.
Et une inondation mémorable va lui faire redécouvrir la perception de son corps et lui permettre d'enfin grandir.
«  J'observai l'eau un instant, le regard dans le vague, comme si son alarmante proximité du toit où nous étions ne comportait pas de véritable risque, mais pouvait même être considérée comme belle et bienvenue.
(…) avec ce plongeon dans la rivière …je venais de retrouver la sensation d'avoir un corps au-dessous du cou, un corps dont l'histoire frémissait sur toute l'étendue de sa peau. Cette nouvelle perception corporelle tenait peut-être à ce que mon escarmouche avec la mort avait eu lieu sur un plan nettement physique, étranger à mes doutes et mes obsessions habituelles. » p 206
Annibal Tesino Brener Gomez va alors retrouver le visage et le souvenir des caresses maternelles qui s'étaient effacés, retrouver cette mère qui avait fui l'emprise de son mari pour vivre sa vie.
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De l'influence du prénom sur la destinée.
Anibal a grandi aux côtés de son géniteur, l'éminent historien Wolf Brener, spécialiste des civilisations antiques et auteur du retentissant En lisant Gibbon. Affublé de ce prestigieux prénom, il a voulu marcher dans les pas d'un père exigeant, perpétuellement insatisfait, maniant l'érudition et les bons mots comme des armes. Hélas Anibal rate sa carrière universitaire, sombre dans l'alcool et la précarité, et se retrouve à 38 ans, ostracisé par sa famille ainsi que par la bonne société. Deux années après la mort du patriarche, il reçoit en legs trois boîtes poussiéreuses dont l'inventaire à la Prévert le laisse tout d'abord dubitatif, puis prend connaissance d'une nouvelle clause testamentaire qui va bouleverser son existence.
"Me revint en mémoire une citation de Marc Antoine, reprochant à Octave de n'avoir aucun mérite que celui d'être le fils De Cesar. O puer, qui omnia nomini debes. "Oh enfant, qui doit tout à son nom". Comment était-il possible que durant toutes ces années je n'aie pas associé cette phrase bénie, lue et relue mille fois, aux inutiles études que j'avais entreprises sous l'influence de mon patronyme?"

Scipion est le récit brillamment mené d'une quête, une réflexion sur la filiation, la construction de l'identité et les choix d'une vie.
Pablo Casacuberta narre les errances et les souvenirs d'Anibal mais ce n'est pas lui qui donne son titre à l'ouvrage, c'est Scipion, le père tout puissant qui même après sa mort pousse son fils dans ses derniers retranchements. Car il n'y a pas de Scipion sans Hannibal, ni d'Hannibal sans Scipion. Comme dans les livres d'Histoire, l'un obtint les honneurs et la gloire, l'autre connut le bannissement et la pauvreté, mais les deux figures masculines de ce roman iconoclaste sont bien plus liées qu'il n'y parait. Pablo Casacuberta nous offre un texte érudit, émaillé ça et là de références à l'histoire antique, pétri d'humour et de cruelle ironie, et qui ne manquera pas de susciter chez le lecteur des interrogations quant à sa propre filiation. le premier prénom est souvent celui auquel on voudrait voir l'enfant ressembler. le destin de notre héros aurait-il été autre si Tesino, son second patronyme avait pris le pas sur le premier, et si le père n'avait pas projeté de folles espérances en baptisant ainsi son rejeton?
J'ignore tout de la littérature uruguayenne, j'avoue n'avoir lu que Horacio Quiroga et deux romans noirs de Rafale Courtoisie, et je remercie la Bibliothèque hispano-américaine des éditions Métailié, pour la découverte de Casacuberta déjà auteur de cinq romans.
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Pablo Casacuberta est un écrivain ,cinéaste,artiste visuel uruguayen.Scipion est son cinquième roman,le premier à être traduit en français.
C'est le récit d'un règlement de compte posthume entre un pére et un fils,tout deux historiens,le premier ayant réussi(?),le second ,tout raté.
Le narrateur Anibal Brener doit la vie à un historien mondialement connu"le professeur".Il lui doit aussi son prénom,hommage à l'un des plus grand vaincu de l'histoire:Hannibal Barca,seigneur de guerre carthaginois mis en échec par le général romain Scipion,et condamné à finir son existence"borgne,humilié et seul".Anibal ne sera jamais à la hauteur des rêves de son pére.A la mort de ce dernier,qu'il apprendra à la télévision,les ponts étant coupés depuis longtemps,il hérite de trois boîtes qui lui sont destinées.Véritable boîte de Pandore ,cet héritage piégé va être sa résurrection.On se retrouve au centre d'un imbroglio incroyable,accéléré par les événements,dont des métaphores brillantes.
C'est un splendide roman trés riche et profond dominé par les monologues intérieurs à l'humour décapant du narrateur.Et la fin est romanesque et elle me plait!
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Aníbal réconcilié avec son Histoire.

Mortifié d'avoir toujours été en-deçà des attentes de son historien de père, éminent spécialiste de l'histoire antique et grand séducteur, d'avoir toujours été en butte à son mépris et à sa dérision pour n'avoir pas su se forger un destin de vainqueur, son fils Aníbal Brener a tout laissé tomber – son poste d'universitaire, sa carrière d'historien, les liens avec son père – pour se consacrer exclusivement à la boisson. "Pauvre comme un moine et endetté jusqu'au cou", il survit dans une pension minable, partageant sa chambre avec un vieillard aigri et revanchard.

Éloigné depuis des années de ce personnage écrasant dont il a appris le décès à la télévision, Aníbal réussit néanmoins, après une longue empoignade juridique avec sa soeur Berta, à revenir dans la maison paternelle pour récupérer trois boîtes qu'il lui a léguées.

«Dès l'instant où sa main avait actionné le pêne, j'avais été assailli par l'odeur caractéristique du vestibule, cette puanteur de renfermé, de torchon humide, de médicaments, que chevauchaient les innombrables poussières pelucheuses des livres, telle une horde de cavaliers invisibles, et ces vieux relents de pourriture et de parfum, de teinturier et de sueur, de fruit gâté et d'anis, bref : l'odeur inimitable du professeur.»

Le contenu des boîtes peu à peu dévoilé, et les dispositions testamentaires tordues qu'Aníbal y découvre, l'entraînent dans des aventures rocambolesques, en compagnie de l'avocat douteux de son père, de la riche épouse infirme et hystérique de celui-ci, et de deux femmes séduisantes. Au cours de cette quête de son héritage matériel et psychologique, la névrose paternelle d'Aníbal prend tout son relief, certains épisodes exceptionnellement drôles évoquant le meilleur de Woody Allen.

«Ce froncement de sourcils, si aigu et si féminin, qui accompagnait son interrogation, me permit de constater une fois de plus que c'était une jolie fille. Mais tout de suite je pensai que cette expression "jolie fille", aurait plutôt été celle du professeur. Je rencontrais souvent dans mon discours intérieur des vestiges de sa personnalité, des traces que je tentais d'acculer dans un coin et de cribler de balles comme s'il s'agissait de rats de terrain vague, car chacune de ces découvertes ranimait en moi l'ancestrale indignation que son influence m'inspirait.»

Narrateur narcissique et surtout très peu fiable, tenaillé entre ses désirs de récupérer ou bien de renoncer définitivement à l'héritage, Aníbal exhibe lui-même les traits de caractère paternels qu'il stigmatise, et en particulier cet «incorrigible penchant à fabuler les pensées d'autrui». Tourneboulé par ses mésaventures successorales, il en vient peu à peu à faire preuve d'empathie envers ce père découvert à titre posthume, et réussit à le voir non plus comme un personnage haïssable mais comme un être humain, forcément complexe.

«Je baissai de nouveau les yeux sur le texte. Il y faisait une description froide, quasi clinique de notre pacte d'hostilité, tout en regrettant l'inutile gaspillage de nos efforts respectifs. Ce paragraphe ne laissait pas de m'incliner à la compassion car il révélait la conscience qu'avait mon père d'avoir ruiné ma vie professionnelle sans que cette lucidité ne l'arrêtât un seul instant, mais au moins laissait-il entrevoir un brin d'humanité et l'aveu de sa propre incompétence. Jamais je n'avais reçu de lui un tel témoignage et en relevant les yeux de la page, je ne pus que sourire amèrement, envahi par une double sensation d'appartenance et de perte.»

En refermant cette tragi-comédie qui restitue parfaitement combien les perceptions humaines peuvent être tronquées et mouvantes, on rêve que tous les autres livres de l'uruguayen Pablo Casacuberta soient aussi brillamment traduits en français, pour notre plus grand bonheur (Scipion, traduction de François Gaudry pour les éditions Métailié, janvier 2015).

Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/03/30/note-de-lecture-scipion-de-pablo-casacuberta/
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Deux ans après la mort de son père, Anibal est convoqué dans sa maison natale où l'attend une étrange surprise. Son père, qu'il a terriblement déçu, lui lègue trois mystérieuses boites.

"L'auteur semblait plus enclin à suggérer une idée en dix pages qu'à la formuler directement en une phrase".

Voilà ce que l'on peut lire à la page 324 de ce livre. Est ce de l'auto dérision ?
Parce que le moins que l'on puisse dire est que l'auteur ne va pas à l'essentiel, du genre:
-"Comment allez-vous"
trois pages
-"Bien"..
Vous voyez le style. Et pourtant du style, il y en a . Fabuleuse plume, où la métaphore est à propos et non pas échouée là comme par hasard pour créer un effet comique. La langue est velouté, je ne sais pas si cela se dit, mais elle donne cette impression de douceur , la sensation de porter le lecteur au grès des mots.
Pour l'histoire, bien sur la reconquête du fils par le père mort est belle, présentée de façon originale et dans une ambiance tragicomique, mais tout cela est très long,lent, plein de digressions.
C'est d'ailleurs un des reproches fait par le père à son fils : "des détails, des détails, des détails..."
Voilà, les longs moments où l'intrigue se perd dans la tête du narrateur sont compensés par la beauté de l'écriture. l'histoire en elle même et sa trame aurait pu tenir en 50 pages , mais le tout est bien ficelé.
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critiques presse (1)
Telerama
11 février 2015
L'entreprise éditoriale d'Aníbal Brener, qui le conduira à se plonger dans le passé et à rencontrer de forts curieux personnages, ménage un suspense digne des plus savoureux romans policiers. Racontée avec un humour à l'anglo-saxonne, cette quête fait du roman de Pablo Casacuberta un pur régal, de bout en bout.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
A trente ans et quelques, sous cette lumière et cet angle, mon père n'était qu'une joyeuse et robuste version de ma personne. Il avait, pensai-je, le visage que j'aurais eu si je n'avais pas été piétiné, écarté et détruit, justement par lui-même. Sans lui, j'aurais peut-être une expression similaire à la sienne, un sourire épanoui, publicitaire, et la même lueur de sapin de Noël dans le regard. L'instant d'après, je corrigeai. Sans ton père, tu n'aurais aucune expression, ni triste ni heureuse, car tu ne serais même pas venu au monde. Je devais au moins au professeur cette contingence, et lui nier quelque mérite sur ce plan était décidément mesquin. p 105
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Je descendis d'une centaine de pas une petite butte et trouvai enfin la rivière.
Elle ne faisait que quelques mètres de large, mais paraissait cacher une profondeur irrégulière, à certains endroits considérable car l'eau formait des tourbillons et coulait agitée et discontinue. Sur les deux berges, le feuillage et les racines de palétuviers entraient dans la rivière pour la traverser, donnant à la rive une allure sauvage qui contrastait avec l'aspect aride du chemin d'accès à la propriété. J'étais intrigué que Manzini ne m'ait pas recommandé plus chaudement la promenade vers cette rivière. L'endroit était pourtant idyllique, propice à la réflexion et à la méditation. Le murmure de l'eau, la présence du martin-pêcheur — dont je pus enfin repérer la silhouette sur une branche basse — et le bourdonnement de deux libellules qui se poursuivaient dans les broussailles rendaient ces parages incomparables, peuplés de troncs tordus, de feuillages et de plantes qui grimpaient sur les escarpements. C'était saturé d'odeurs, vibrant de vie. Je m'efforçai de ne pas perdre de vue l'oiseau qui sautait de branche en branche comme si les lieux lui appartenaient et que je devais lui demander la permission de l'observer. Si j'avais connu sa langue, je n'aurais pas hésité à le faire.
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Comment j'allais ? Mais comment diable pouvais-je le savoir, alors qu'il y avait au moins six ans que je ne tendais pas mon oreille interne, ne serait-ce que pour ausculter au moins un peu ce murmure ténu, à peine audible, qui se charge de nous dire "ça oui, ça non, cela si je le souhaite, mais pas ça, cet acte trouve un écho en moi, mais pas cet autre", et qui garantit, quand on le perçoit, qu'on ne trahit pas l'enfant qu'on a été, qu'on n'oublie pas complètement ce stade primordial où on ne faisait qu'un avec soi, où on mangeait la terre des pots de fleurs, parlait d'égal à égal avec les chiens, aimait notre mère comme la seule femme concevable et où on s'endormait sans culpabilité.
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Je cessai un moment de réfléchir à ce qui serait passé si mon pére s'était arrêté à temps,s'il avait renoncé à la tutelle de fer qu'il avait exercé sur moi et avait songé à partager une fois avec moi,pour prendre un exemple,un après-midi comme celui-ci,allongés dans l'herbe à parler de la vie ,comme le font les pères et les fils..........Vu l'éventail trés varié des paternités,dans lequel la contemplation du paysage se présentait comme une circonstance assez rare,je compris que ne pas nous être donné l'occasion de contempler les pâquerettes d'un champ dans un êtat de méditative harmonie était toute somme une peccadille.Nous étions juste coupables de ne pas savoir vivre,à peu près comme tout le monde.p.121
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Ce froncement de sourcils, si aigu et si féminin, qui accompagnait son interrogation, me permit de constater une fois de plus que c'était une jolie fille. Mais tout de suite je pensai que cette expression "jolie fille", aurait plutôt été celle du professeur. Je rencontrais souvent dans mon discours intérieur des vestiges de sa personnalité, des traces que je tentais d'acculer dans un coin et de cribler de balles comme s'il s'agissait de rats de terrain vague, car chacune de ces découvertes ranimait en moi l'ancestrale indignation que son influence m'inspirait.
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