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Arno Camenisch (Autre)Camille Luscher (Traducteur)
EAN : 9782374911380
112 pages
Quidam (10/11/2020)
4.2/5   10 notes
Résumé :
Un été à l'alpage, à l'Alp Stavonas au pied du Piz Sezner dans la Surselva aux Grisons, c'est ce que nous dépeint, avec toutes ses contradictions, ce récit détaillé. Les protagonistes en sont le personnel de l'alpage, donc le maître fromager ou armailli, son adjoint et deux bouèbes, mais également les visiteurs, indigènes et touristes, qui montent de la vallée et, bien sûr, les bêtes, la nourriture, le vent et le temps qu'il fait. Le berger qui vole en parapente suf... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Pourquoi idéalisons-nous autant ? Un lieu, un ami, un travail, un livre. On en chante monts et merveilles. de ceux qu'on convainc de s'y plonger, certains y trouvent la même magie, d'autres se demandent pourquoi on leur a fait perdre leur temps. Voir expriment leur déception en termes si crus qu'on les trouve franchement blessants. A tous cela nous est arrivé.

Il y a une quantité invraisemblable de choses que je sais que j'idéalise. Un bon paquet d'opéras, tout Tolkien, mon boulot précédent et un tas d'autres trucs. Mais il n'y a sans doute rien où cela va aussi loin que mon petit village d'été en Haute-Savoie, que ses montagnes, et plus que tout le reste que ses alpages.

Rien de tel pour me le rappeler que ce petit livre à l'écriture à l'écriture linéaire et totalement déstructuré, sorte de collection d'anecdotes racontant un été, de l'emménagement, dans l'alpage suisse près du pic Sezner, en Suisse grisonne. Oui, je sais ! En vrai, un alpage c'est bien quand on y reste une nuit ou deux ; quand la pluie ne confine pas tout le monde dans dix mètres carrés, quand le soleil brille, quand les bêtes ne sont pas malades ou blessés ! Oui je sais, dans un alpage il n'y a pas de douche, et des WC de campagnes !

Merci de me le rappeler, petit livre. Je sais tout cela. Et je les aime quand même.
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Lire Arno Camenisch c'est étreindre la vie même. Un bel escompte hyperbolique du futur pour les jours sans, un remède anti confinement. Sur le piédestal d'une littérature hors norme, un diapason naturaliste s'élève. Cet écrin est une échappée toute en pudeur et en majesté. Haut les coeurs ! Ecoutez le rythme comme une farandole en haute montagne. Cette simplicité verbale qui délivre le summum de l'authenticité. Douce, allouée aux gestes humbles. L'écriture, telle une dictée d'antan que l'on apprenait par coeur pour l'après. Ce livre est le pain pour la faim, l'eau pour la soif. Quatre hommes, en plein été, dans les alpages sur la surselva des Grisons. Labeur et certitude, volonté et endurance, le travail est puissance. Il arrime ces hommes, ces simples à l'épiphanie des cimes salvatrices. Dans ce temps entre monde, empreint de rectitude, à mille mille du modernisme. Ils sont là, altiers et ténébreux, taiseux et persévérants. L'été des amplitudes dans cet essentiel de trois cents proses où l'herbe est regain, le lait source, la sueur, une vertu. Ecoutez Arno Camenisch le sachant d'un terroir dans sa plus juste exactitude. « Les paysans viennent le dimanche, quand ils viennent. Alors ils restent plantés entre le chalet et l'enclos des cochons, mains dans les poches, et brissagos coincés dans la barbe, et regardent le troupeau. » L'armailli, l'aide-armailli, le vacher, le porcher, cordée aux heures amplitudes, chaque regard étonne ou dérange, apaise ou somme l'autre. « le soir, le porcher est assis dans la brouette derrière l'étable. La brouette a un brancard cassé. le porcher a un Rössli dans la bouche. Il regarde le Trunpiv en face, et lance des ronds de fumée dans la paix du soir de l'Alpe. » Ce récit régionaliste, pictural est un hymne au terroir. On est en transmutation dans le Sez Ner, sur les cimes, happé par ce récit fondamental qui forge les sens et approuve le microcosme. « Sur la pointe du Sez Ner se dresse le Cairn, l'homme de pierre. Dans le ventre du cairn, il y a le livre. » « Sez Ner » est magistral, culte. Lisez cet écrin des alpages, le temps d'un été qui est multitude, ce futur classique de la littérature à l'instar de Giono, Bosco, en puissance mille. Traduction (revue) de l'allemand (Suisse) par Camille Luscher. Publié par les majeures Editions Quidam éditeur.
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Belle découverte que cet auteur des Grisons, Arno Camenisch, qui écrit dans une langue de la famille du romanche (le sursilvan, quelques 15 000 locuteurs dans ces montagnes suisses qui oscille en Italie et Autriche) ou en allemand.

Sez Ner, c'est une montagne et un alpage. Un alpage où passe quelque touristes mais surtout où vivent, le temps d'une saison de production, les bêtes et les hommes qui en ont la garde. le plus important, c'est l'armailli, celui qui fait les fromage, secondé par son aide. Après, car il y a une vraie hiérarchie entre ces montagnards, il y a les vachers, avec leurs chiens, et puis les porchers qui ne s'occupent que des cochons, les bouèbes. Un monde rude où l'on parle peu, où l'on est pas tendre envers les autres. Un monde où il faut être de ces touristes armés d'appareil photo et de tenues de randonneur pour y trouver le charme poétique et bucolique. L'office du tourisme fait d'ailleurs le nécessaire pour que les image de cartes postales puissent être faites, en fournissant les tenues traditionnelles ad hoc.

Sur l'alpage de Sez Ner, on peut aussi croiser des soldats qui s'entraînent très sérieusement à la guerre. Une tradition aussi solidement ancrée dans le quotidien des montagnes helvétiques.

Tout cela prend des couleurs à la fois rudes et absurdes, avec parfois des échos de haikus presque involontaires (ou de presque haikus volontaires). Une écriture où résonne le rythme d'une parole rare, qui ne se gaspille pas en parlotes ou figures de style inutiles. Ça râpe, ça sent fort, ça résonne de silences, de gestes et de regards. Admirable travail de la traductrice qui nous donne à entendre la langue de ces hommes là, une langue qui semble accrochée à la montagne et aux bêtes autant qu'aux hommes.

Arno Camenisch est allé voir et entendre ce que les touristes ne voient n'y n'entendent car ils ne regardent pas de ces côtés, n'écoutent pas les silences autour des mots. Il nous livre des tranches de vie, des images où la vraie beauté n'est pas toujours bien belle, pas bien propre et certainement pas aseptisée. Des mots nous échappe quand on n'est pas du cru où que l'on est jamais passé par là-bas, des mots que vous ne trouverez pas dans un dictionnaire standard (qui se réfèrent parfois à des marques de cigare ou de voiture... parfois au parler local).

Sans doute ne faut-il pas prendre ces fragments de récits en leur attribuant une trop grande valeur documentaire, voire ethnographique. Il y a plutôt quelque chose des personnages de Beckett chez tous ces personnage qui défilent sous la plume d'Arno Camenisch. Sez Ner a d'ailleurs fait l'objet d'une adaptation au théâtre par le Bergtheater en 2013.

Une littérature que l'on peut éventuellement qualifié de montagnarde, mais qui est assez éloignée des oeuvres d'un Giono ou d'un Ramuz, même si les liens de parenté peuvent exister dans l'importance du travail de la langue, de la phrase et de son rythme. Chez Camenisch aussi y a bien plus que du pittoresque: de l'humain avec sa dureté, ses violences, ses absurdités, son ironie, ses lumières et ses ombres.

Une réelle découverte à faire.
Lien : http://www.filsdelectures.ne..
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L'alpage des Grisons transformé le temps d'un été en savoureux et puissant miroir de toute une humanité taiseuse et débridée. du grand art inclassable.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/01/21/note-de-lecture-sez-ner-arno-camenisch/

En trois centaines de petites proses sèches et néanmoins d'une richesse et d'une faconde incomparables, Arno Camenisch, avec ce « Sez Ner » publié en 2009 et traduit (depuis le suisse allemand bien particulier, entrelardé de romanche ou de suisse italien, qui caractérise l'auteur) par Camille Luscher, aux éditions d'En Bas en 2014, et désormais chez Quidam éditeur, en 2020, pose les formidables fondations d'une vallée qui est aussi un pays à part entière, pays qu'il explorera à hauteur d'enfant dans « Derrière la gare » et dont il zoomera sur un crépuscule transitoire dans « Ustrinkata », pour réaliser une véritable trilogie des Grisons, savoureuse et emblématique.

Sans aucun commentaire superflu de ce qui se noue et se dénoue à chaque instant dans la simplicité apparente des gestes centenaires, revus et corrigés par une forme insidieuse d'air du temps, par de menues idiosyncrasies développées par chacun des protagonistes infra-ordinaires, par beaucoup de non-dits et d'ironies hautement rentrées, une énorme tendresse est à l'oeuvre. Une nature omniprésente, minérale, végétale et plus encore animale (vaches, cochons, poules, chiens), s'efface à chaque instant pour laisser toute sa place à l'humain qui vit en osmose inconfortable avec elle, même si cet humain est tour à tour futile ou grandiose, savourant en toute sagesse instinctive le plaisir du bon mot et de la parole, même rare, même discrète. Un grand art du langage transformant un terrain hautement improbable en un étonnant miroir d'une humanité entière.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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La vie, là haut sur les alpages, ses fragments brillants, douloureux, l'occupation des instants par leur elliptique disparition. Dans une langue sonore, distanciée, Arno Camenish reconstitue, toujours avant leur disparition annoncée, les derniers sursauts d'un mode de vie. Sans folklore ni condescendance, Sez Ner nous fait toucher du doigt l'âpre rusticité d'une saison dans les alpages, entendre tous les cruels non-dits de ces hommes entre eux.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
La cave à fromage se remplit. Plus l’été est long, plus il y a de fromages dans la cave à fromage, plus l’armailli est gros. Les bouèbes sont assis derrière l’étable dans le crépuscule et s’inquiètent parce que l’armailli a encore grossi. Le vacher dit que si ça continue comme ça, on devra démonter la Justy de l’armailli. Il tend au porcher le cigare Rössli qu’il a échangé avec le paysan contre un peu de beurre d’alpage. Le mieux serait d’enlever le siège avant, pour que l’armailli puisse conduire sa Justy depuis le siège arrière. Le porcher hoche la tête et tire sur le cigare.
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Ils se la coulent douce aujourd’hui, dit un des paysans après que le vacher est sorti de la chambre. Avant c’était autre chose. Il reverse à boire, il se souvient d’un alpage où un bouèbe avait été castré. Les paysans tournent leur tête vers celui qui parle sous le crucifix. Juste une couille, dit-il en remuant son café, avec deux tuiles, tchac, et loin la couille. Aujourd’hui encore il se balade avec une seule couille. Ah ça, y a pas de comparaison avec les alpages d’aujourd’hui, ça, de nos jours, c’est des vacances, comparé à l’ancien temps. Le vacher revient avec la cafetière pleine dans la pièce enfumée, voilà comment c’était. De la discipline, crénom, et ils feraient pas tout le temps des conneries. Il tend sa tasse vide au vacher.
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Le bélier, avec ses bandes plâtrées, est couché à côté de l’aide-armailli derrière l’étable sur le couvercle en bois de la fosse à purin. L’aide-armailli lit dans son livre : Depuis toujours, les Romanches ont eu coutume de partir à l’étranger. Certains par plaisir, d’autres par nécessité. Les ressources du pays romanche ne suffisaient pas pour tout le monde. Et seuls quelques-uns trouvaient leur subsistance sous un autre toit dans leur village natal ou même quelque part à l’intérieur des frontières du petit pays romanche. L’aide-armailli écrase sa Select, la laisse tomber entre les fentes dans la fosse à purin.
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Clemens, cette vieille trompette, est tombé amoureux. Il ne fait plus que traîner à la pinte, reluquer les cuisses de la serveuse. Je l'ai prévenu, le Clemens, tu vas te donner mal au ventre, dit le Gieri. Lui, des maux de ventre, il n'en a eu qu'une seule fois, ça fait des années en arrière, alors il avait avalé sept escargots vivants et rincé avec trois 'Ave Maria'. Depuis, plus question de maux de ventre.
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Sur la pointe du Sez Ner se dresse le cairn, l'homme de pierre. Dans le ventre du cairn, il y a le livre.
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