"A-t-on pitié d'un monstre?"
J'ai eu pitié, je l'avoue, de cette "criminelle en fuite", de cette empoisonneuse du XVII° siècle réfugiée dans un couvent de Liège car "condamnée à mort par contumace" en France, de cette amoureuse manipulée au passé et au présent, qui tombe dans un piège comme une souris appâtée par un trop beau bout de fromage, de cette Marquise de Brinvilliers, si douce; j'ai eu pitié sachant que "le diable aussi sait être doux" et cette pitié de lectrice sous le charme de phrases courtes et percutantes ricochant sur de plus limpides, signent le talent de l' écrivaine belge
Irène Stecyk.
Une petite femme aux yeux bleus (ed La Renaissance du livre) est son premier roman. Il a reçu le prix Rossel (équivalent belge du Goncourt ) et a été adapté en téléfilm. Tiré de faits véridiques (j'incite les lecteurs à consulter Wikipédia pour connaitre le mobile qui n'est pas traité ici), il concerne l'exil de la marquise, où "abandonnée à la solitude" alors que son amant alchimiste est mort, où "traquée par la justice", malgré sa méfiance, elle sera trahie par l'officier de police habile et ambitieux, François Desgrais, déguisé en prêtre.
Une empoisonneuse qui évoque Thérèse Desqueyroux, bien qu'elle ait empoisonné son père et ses deux frères, non son mari, et qu'ils en soient morts, mais une empoisonneuse sur laquelle l'auteur laisse planer le doute de l'innocence. Mais un policier au double "je" qui se laisse prendre au jeu de l'amour mais qu'on aurait envie de guillotiner!!! Une fort belle étude psychologique qui montre que même les invulnérables ont leur talon d'Achille.