Le tintement de sa résurrection se répandit à son de cloches depuis Saint-Pierre, épicentre d’un séisme. C’est de là que fut battu le rappel pour tous les clochers qui se trouvaient dans le Ciel de Rome et au-delà et qui, interrogés, répondaient le pape est sain et sauf. Et comment ça s’est-il passé ? Alors ils racontaient à travers leurs tintements, développaient des explications, se perdant dans des ruisseaux de nouvelles harmonies et de sonnailles hors de propos car les grossières cloches d’appel au réfectoire des séminaires voulaient elles aussi dire leur mot, les timides carillons aux portes des curés s’unissaient également à cette merveille acoustique, enfin même les clochettes de messe qui accompagnent la célébration ne purent se retenir et, tintinnabulant, ourlaient à l’or fin le tintement des cloches.
On nous ordonna prêtres et nous fûmes perdus. Le chiendent du doute avait pris racine, et pourtant nous l’avions, comme des jardiniers, coupé à chaque repousse, espérant ainsi fortifier la plante qui germait. Nous l’avions compris en traversant, pour traiter les affaires du séminaire, les sacristies des christs pantocrators bénissant qui, par incurie, perdaient des tesselles d’or de mosaïque. Nous les trouvions sous nos pieds. Nous pensâmes, Dieu nous met à l’épreuve. Nous les ramassions en cachette et, lors de nos après-midi de sortie, les remettions aux receleurs du sacré. Ils nous gratifiaient en échange de petite monnaie misérable, ce qu’il nous fallait pour les cigarettes de notre vice. Au retour, nous nous sentions coupables. Pas pour ces trafics de rien du tout mais pour l’appel des femmes qui retentissait en nous au point de nous rendre indigeste l’idée même du dîner au réfectoire. Nous nous attardions devant les vitrines du soir, sur le cours, pour regarder les employées coquettes, nous contemplions leur poitrine et le dessin de leurs formes sous les tenues de travail.
Une intervention décisive s’avéra nécessaire lorsque fut livrée au Vatican une cave entière de fûts de vin qui, entassés devant les portes, rendaient difficiles entrées et sorties dans le désordre provoqué par cette erreur. Les frères administrateurs avaient beau accourir pour assurer en vain qu’ils avaient commandé quelques bouteilles de vin seulement puisque désormais, nous, les officiants, sommes les seuls à en boire de ce côté-ci de l’autel, les livreurs démontraient leur bonne foi en exhibant les bons de transport. Impossible de bloquer la livraison car cette cascade de gallons de vin était attestée par des documents, avec tampon « urgent » et rappels réitérés disant faites vite, les calices pour la communion sont à sec. Dans cette panique digne d’un miracle des noces de Cana, on chercha à éliminer les excédents dans les soupes populaires pour pauvres et les repas pour déshérités des associations de bienfaisance. Mais les plaintes des autorités exigèrent la suspension de ce type de ravitaillement : les cages des commissariats de police avaient été engorgées de vagabonds avinés et de clochards chahuteurs.
Nous nous demandions s'il n'était pas plus facile de déchiffrer la calligraphie des dessins rupestres que de découvrir la signification des mots dans ces vocalises d'oiseau égorgé.
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