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EAN : 9782842639860
200 pages
Le Dilettante (21/08/2019)
3.33/5   3 notes
Résumé :
Dans ce deuxième roman, Didier Delome est amené à se remémorer, à l’occasion d’un baptême familial, d’où il vient, tout simplement, mais sans pardon, à passer les siens en revue, à tracer une ligne rouge vif sous les colonnes gains et pertes pour apurer les comptes familiaux. D’où cette chronique au long cours, cet entrelacement de témoignages à chaud et à vif, zigzaguant entre les amertumes du passé et les médiocrités du présent. Et toute la parentèle et la fratrie... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Dans ce deuxième roman, Didier Delome remonte le fil de son enfance négligée et nous dresse le portrait-mosaïque de sa mère, à qui il voue une inextinguible haine.

Tapi dans un recoin d'église, le narrateur assiste au baptême de sa petite-fille, occasion de reconvoquer les siens mais surtout sa mère, par le truchement d'un prénom et des témoignages de ceux qui l'ont connue et aimée. Oscillant entre fascination et nausée, l'auteur se garde d'une mise au point trop précise sur le petit visage, craignant que la prophétie haineuse ne poursuive la lignée en y reconnaissant l'un ou l'autre trait de sa mère.

Le roman nous embarque dans les nuits parisiennes dissolues de l'après-guerre où la belle et ambigüe Françoise capte la lumière et suscite toutes les convoitises. Elle circule en vase clos dans un monde de jet-setteurs à la fureur incandescente de jouir, shootés aux fastes et où, seules la fortune, la jeunesse et la beauté semblent cotées à la bourse des coeurs.

Une silhouette floutée apparaît peu à peu, celle d'une femme éprise de liberté, emportée dans une urgence de vivre, passant de bras en bras, de dépendance en dépendance, en quête effrénée d'une sécurité qu'elle ne peut pourtant s'empêcher de fuir.
Une mère négligente, égoïste, ravageuse identitaire, puissant dissolvant mais aussi révélateur de soi.

Vouée à une fin de vie effroyable, l'ostentation et la superbe laisseront la place au vide absolu de la solitude.

Le titre du roman contient toute la charge de son objet, à la manière d'un noyau qui comprime en lui-même la détresse qui alimente en continu la détestation. Comment aimer cette part de soi qui demeure asséchée, que l'on traîne comme un membre mort ?

"Les étrangers" est un roman fort et touchant, il nous parle d'identité, de filiation, d'une tentative de rapprochement avec cette part de l'autre incorporée en soi qu'il est parfois tout simplement impossible d'assimiler. Et dont on reste irrémédiablement orphelin.

L'écriture de Didier Delome est à la fois rêche et flamboyante. Sublime. Une voix qui n'y va pas par quatre chemins et avance en ligne droite comme un soc entre dans le sol. le narrateur nomme sans s'apitoyer, sans équivoque tout en gardant l'élégance de la pudeur. Comme il procède d'une démonstration, il conclut sur la faillite même de l'entreprise consolatrice, où toute attente n'est depuis longtemps qu'une vaine chimère.

Mais derrière l'acidité sèche de la rancoeur, on entrevoit ce qui fait toute la puissance de ce roman et celle de son écriture: l'usage des mots en lieu et place de ce qui aurait pu advenir, comme tentative ultime de vivre. En cela, ce roman est aussi un fabuleux cri de tendresse et d'amour.


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Le roman de la honte et du dégoût

«Les étrangers» dont il est question dans ce roman sont les propres parents de l'auteur, né d'une «erreur» et rejeté par une mère qui ne se souciera guère de lui. Comment dès lors se construire une identité…

Le narrateur de ce roman sans compromis vient assister au baptême de Françoise, sa petite fille. Son fils a eu la malencontreuse idée de la prénommer comme sa mère. Une mère honnie à tel point qu'il a failli ne pas se rendre à l'invitation et qu'il se fait le plus discret possible durant la cérémonie. Des sentiments dont le lecteur peut sentir la violence dès les premières lignes: «Ma mère était gouine et je ne souhaite pas à mon pire ennemi d'endurer mon adolescence auprès d'Elle. Longtemps les deux mots qui m'ont le mieux évoqué cette femme ont été honte et dégoût.» Et alors que se déroule la cérémonie religieuse, les souvenirs vont émerger. Ceux de ces années cinquante-soixante, quand les Français «avaient follement besoin de s'amuser et s'étourdir en société. Les salles de spectacle en général, et les cabarets en particulier, étaient très fréquentées. Il y en avait pour tous les goûts et toutes les bourses. Répandues à travers Paris.»
C'est plus précisément du côté de Pigalle que ses parents vont se rencontrer et que vont se jouer les destins des membres de la famille et de leurs amis, amants, maîtresses, compagnons de route. C'est du reste Loulou, l'une des figures de ce monde de la nuit qui va lui raconter comment s'est faite la rencontre entre Paul et Françoise, ses futurs parents, et combien sa naissance n'aura pas été souhaitée. En fait, Loulou servait de rabatteur pour un riche industriel, M. Limonade, et avait convié Françoise et Bruno à les suivre pour une partie fine durant laquelle chacun caressait un dessein propre assez éloigné des fantasmes de l'autre. C'est d'ailleurs autant pour éviter Loulou ou M. Limonade que Françoise et Bruno vont se retrouver en couple, même si Françoise est lesbienne. D'ailleurs très vite chacun va mener une double vie, entre trafics et petits boulots, entre prostitution ou protection d'un partenaire fortuné. Françoise va choisir de suivre Monique, de vingt ans son aînée, et laisser quelques illusions et son fils sur le bord de la route. On comprend sa rancoeur: «Lorsqu'on s'est retrouvé confronté au dégoût viscéral de soi durant son enfance; c'est un peu comme une langue maternelle qu'on vous aurait inculquée de force dans votre âme meurtrie.»
Didier Delome, après avoir raconté ses années de galère dans La dèche, son premier roman que l'on peut considérer comme le premier volet de cette histoire, ne se retrouve pas mieux loti dans ce second volume. Enfant non désiré puis rejeté, il va toutefois trouver dans la culture sa planche de salut: «Cela se manifestait, entre autres, par un inextinguible goût pour la lecture. Qui ne m'a d'ailleurs plus jamais quitté. Un point commun incontestable avec ma mère pourtant exécrée.» N'y voyez toutefois pas une bibliothérapie, il s'agit bien davantage ici d'une planche de salut, de celle qui empêche de plonger dans la dépression et le suicide que l'on sent très présents dans ce récit impitoyable où la noirceur recouvre les paillettes et où la haine recouvre la liberté sexuelle. Même si on peut lire entre les lignes une envie de réhabilitation.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Dans ce livre autobiographique, on ressent très rapidement la sincérité de l'auteur. Les paroles recueillies de Loulou, le meilleur de sa mère, sont remplies d'humour, de tendresse et de vérité. On découvre une personnalité étonnante, pleine de liberté. En parallèle, il y a le baptême, événement familial dont la mise en place est peu plus lourde. On ressent toute la distance qui existe entre le narrateur et sa famille, cette difficulté qu'il a à voir le présent et le futur. Tout le ramène à sa mère, sa femme avec qui il n'a pas réussi à vivre et exister. Cette douleur, cette déchirure, terrible et profonde, est sous-jacente mais elle ne prend une ampleur touchante qu'à la fin du livre. Une émotion très forte apparaît, comme si l'auteur parlait directement aux lecteurs. Les intermédiaires ont disparu pour laisser la place à un homme marqué à vie. La confession pleine de pudeur et de délicatesse est saisissante. Avant cela, la lecture est marquée par une certaine monotonie malgré une écriture vive, élégante et une langue spirituelle.
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critiques presse (1)
Actualitte
30 août 2019
Un roman qui se déguste : en ces temps troublés, l'intelligence et le talent réconfortent.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
INCIPIT
Ma mère était gouine et je ne souhaite pas à mon pire ennemi d’endurer mon adolescence auprès d’Elle. Longtemps les deux mots qui m’ont le mieux évoqué cette femme ont été honte et dégoût. Avant qu’un autre vocable ne s’immisce à leur place, curiosité. Revenons à la honte. Honte d’Elle. Honte d’être issu d’Elle. Ensuite le dégoût. Dégoût d’Elle. Physiquement d’Elle. Puis au fil de ma longue existence d’adulte, beaucoup plus tard, la curiosité. Car j’ai mis un temps fou, après l’avoir fuie si loin et haïe autant, pour réaliser qu’en définitive je ne la connaissais guère et savais bien peu de chose sur Elle. Mais commençons par le début.
Ils sont tous là. Ceux que je reconnais et les autres – que je n’ai jamais vus ou dont je ne me souviens plus mais qui ont sûrement entendu parler de moi un jour ou l’autre – lors de cette cérémonie de baptême dans l’église imposante et sombre que je connais bien, même si je n’y étais pas revenu depuis un bail. La plupart des insignes membres des familles respectives des parents subjugués par le rituel en train de s’accomplir autour de leur progéniture enrubannée d’une fine pellicule de dentelle immaculée. Quant à moi, je me tiens en retrait de ce public de fidèles aguerris et agglutinés que je surveille acagnardé dans la pénombre derrière une mince colonne vertigineuse, à l’abri de toute curiosité intempestive.
L’ambiance générale est recueillie et plutôt distinguée. Il fallait s’y attendre au sein de ce cloaque bourgeois et catholique. Mon regard s’attarde sur Antoine. À son tour revenu d’Amérique. Et marié avec une Française. À l’inverse de moi ayant dû jadis épouser une Américaine. Sa mère. Bien obligé si je voulais alors obtenir ma carte verte. Le sésame afin de demeurer aux USA. À l’origine ce mariage n’était pas destiné à durer. Même si j’avais joué le jeu du mari modèle vis-à-vis des services si tatillons de l’immigration US. Au point d’ailleurs de produire ensemble ces deux magnifiques bambins. Antoine et son frère, Pascal, son cadet d’un an. Tous deux élevés par leur admirable mère. Sur la côte Est. Tandis que je m’installais seul à l’Ouest. En Californie. Sans jamais néanmoins couper les ponts entre nous après notre divorce à l’amiable. Et je dois dire qu’elle s’est toujours montrée à la hauteur pour éduquer sans moi nos deux adorables garçons. En vraie mère juive. Cent pour cent juive mais athée. Ou plus exactement : non pratiquante. En tout cas ni Antoine ni Pascal n’ont été baptisés à mon initiative. Pas plus d’ailleurs qu’ils n’ont fait leur bar-mitsvah. Je ne me souviens même plus s’ils ont été circoncis. Et j’avoue ne jamais avoir eu l’occasion de le vérifier de visu. Mais ils doivent l’être comme la majorité des petits Américains. Du fait d’un diktat hygiénique local et non pas d’une barbare hoirie. Peu importe, j’ignore pourquoi Antoine, mon aîné, a ainsi décidé sur le tard de se convertir au catholicisme en sacrifiant au rituel du baptême juste avant de venir s’installer en France. À Paris. Sans doute afin de mieux nous retrouver tous les deux. Comme si cette conversion récente pouvait nous aider à nous rapprocher. Ou me plaire. Sous prétexte que de mon côté nous sommes de très ancienne obédience chrétienne, et que j’ai moi-même été baptisé après ma naissance, puis dûment envoyé suivre mes cours de catéchisme avant d’effectuer en grande pompe ma communion solennelle. Ici même. À Saint-Jean de Montmartre. À une époque où je vivais à côté d’ici. Chez ma mère qui n’en avait rien à cirer de la religion mais avait suivi les traditions par principe en organisant une petite fête à l’issue de cette cérémonie à laquelle elle avait convié une partie de notre parentèle.
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La vie nocturne parisienne, après-guerre, jusqu’à la fin des années cinquante, et même au début des années soixante, battait son plein de manière trépidante. Les gens sortaient le plus possible. La télévision ne les avait pas encore alpagués pour les maintenir calfeutrés chez eux. Ils avaient follement besoin de s’amuser et s’étourdir en société. Les salles de spectacle en général, et les cabarets en particulier, étaient très fréquentées. Il y en avait pour tous les goûts et toutes les bourses. Répandues à travers Paris. Y compris dans les beaux quartiers. Et de Montmartre à Montparnasse. Mais Pigalle et ses alentours concentraient une bonne partie des établissements noctambules un peu coquins exhibant à la fois des filles nues et disposant d’hôtesses accortes chargées de faire danser, et surtout consommer, la clientèle masculine. Parisienne, provinciale, voire cosmopolite, ainsi que tous les michetons en maraude venus s’aventurer seuls ou en groupes, et même parfois en couple, y compris mariés, accourus de toutes parts pour s’encanailler dans le quartier réputé le plus chaud de la capitale.
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Ta mère n’a jamais eu la fibre entrepreneuriale. Se la couler douce de son côté sans rien devoir à personne, cela a toujours été son truc, vois-tu. Et elle était aussi douée pour les petits trafics juteux en tout genre. Sauf bien sûr les trucs illicites réservées aux mafieux ou aux vrais truands. Même si tout comme moi, pourquoi le nier, elle en a aussi beaucoup croisé à l’époque. Entre nous, mon Chou, dans ce quartier nous n’avions guère d’autre choix qu’entretenir des rapports, les plus cordiaux possible, aux ceux qui y tenaient le haut du pavé, si nous ne voulions pas nous heurter frontalement à eux à un moment ou à un autre. A nos risques et périls, si tu vois ce que je veux dire.
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Lorsqu’on s’est retrouvé confronté au dégoût viscéral de soi durant son enfance; c’est un peu comme une langue maternelle qu’on vous aurait inculquée de force dans votre âme meurtrie. Alors baptiser ainsi sa fille unique Françoise, de la part de mon fils Antoine, c’est comme s’il épelait à tue-tête dans mes oreilles ma pire exécration. Ma mère m’a dégoûté des autres. Physiquement des autres. Et, plusieurs décennies après son décès, j'en souffre encore. Comment ne pas lui en vouloir? p. 252
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Très tôt, l'art et la culture m’ont aussi empêché durant cette sinistre période de cohabitation forcée de trop désespérer de ma vie. Une soif de connaissances s’est mise à enfler en moi pour me protéger de son insatiable curiosité et m’aider à patienter jusqu’à ce que je gagne enfin mon ticket pour la liberté. Cela se manifestait, entre autres, par un inextinguible goût pour la lecture. Qui ne m’a d’ailleurs plus jamais quitté. Un point commun incontestable avec ma mère pourtant exécrée. p.203
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