Le théâtre d'Adamov n'est presque plus joué et c'est incompréhensible, tant il est en dehors des modes et des courants, tant il laisse de liberté aux metteurs en scène. A part son célèbre Ping-Pong, assez beckettien pour garder les faveurs du public, on ne représente plus Adamov.
J'ai gardé le souvenir ébloui d'une représentation de
Si l'été revenait à un des nombreux théâtres de la Cartoucherie, à Vincennes . le plateau était couvert de sables blonds dans lesquels marchaient les personnages, des rêveurs, et d'où émergeaient, comme les ruines d'une civilisation disparue, des ob
jets hétéroclites, quotidiens, attendrissants.
La poésie du texte, l'étrange atmosphère qui se dégageait de cette mise en espace onirique ,avaient une force poignante et désolée. Comme si on assistait à ses propres pensées, à ses propres efforts pour retrouver une mémoire perdue.
Un de mes proches est mort il y a peu de la cruelle maladie d'Alzheimer:
je ne connaissais pas cette maladie quand j'ai vu la pièce, mais celle-ci a marqué mon esprit, ma sensibilité et j'en garde un souvenir déchirant, comme si on m'avait donné un avertissement que
je n'avais pas su interpréter.
En revanche, j'avais vu la pièce quand j'ai approché de très près cette maladie qu'à présent chacun connaît et fréquente avec effroi :c'est , en tous les cas dans mon souvenir, une métaphore de la souffrance qu'il y a à interroger des ob
jets qui ne vous parlent plus, des êtres que vous ne reconnaissez plus mais qui vous demeurent étrangement familiers, tendrement proches, même si votre esprit s'efface comme les pas du comédien sur les sables mouvants de la scène.
J'ai souvent voulu relire ce texte, mais j'ai bêtement peur qu'il me déçoive et trahisse le souvenir , si fort, de sa représentation...