Ce roman situe l'action en Béarn, du côté du gisement quasi épuisé de gaz de Lacq. Deux amoureux, Toni et Djamila, échappent de justesse aux flammes d'un incendie , criminel peut-être, dans une grange. Une mystérieuse secte nommée “ La main verte ” semble se donner pour mission de remettre l'homme à sa vraie place de bénéficiaire de la Nature, lui qui s'ingénie à la détruire pour son profit immédiat. Mais de multiples et redoutables événements se produisent qui sont à tort attribuées au groupe activiste. Quand on trouve un mort dans la forêt, la police s'intéresse de près à Toni, toujours un peu dans les parages sur son scooter.
Les événements prennent une tournure catastrophique, jusqu'à la résolution de l'enquête, bien sûr grâce à l'intervention des amoureux et de Jean-Pierre, leur ami baba cool, pétri de bonnes idées progressistes et militant contre tous les abus de pouvoir.
Un livre agréable, d'une lecture aisée, aux bonnes intentions. Simple et tranquille pour une soirée d'été...
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Djamila freina. Elle coupa le moteur et poussa son scooter dans l’entrée d’un pré. Toni l’imita. « On n’a qu’à les laisser là. Derrière les ronces, personne ne les verra. » dit-elle en passant les doigts dans ses cheveux aplatis par le casque. Elle mit son sac de toile à l’épaule puis, en souriant, elle prit la main de Toni et ils continuèrent à pied. On était fin octobre mais les arbres avaient à peine commencé à perdre leurs feuilles.
Les merisiers et les robiniers étaient déjà nus, déshabillés par un coup de vent la semaine précédente. Les chênes, bien verts, ignoraient royalement le changement de saison. Les châtaigniers et les noisetiers qui faisaient une voûte au-dessus du chemin, avaient changé de couleur sans vraiment se dégarnir. Ils étaient seulement un peu plus transparents, laissant passer la lumière. Vu d’en-dessous, leur feuillage semblait briller de l’intérieur. Le vert lumineux se mélangeait au jaune pur. Les quelques feuilles sèches étaient dorées, caramélisées. « Comme un croissant chaud sortant du four » se dit Toni. Il baignait dans une douce chaleur, serrant dans sa main les doigts fins de Djamila, admirant ses longs cheveux bruns balayant sa nuque.
Tandis que le chemin continuait en remontant doucement jusqu’à l’entrée de Lagor, sur la droite, s’ouvrait une cour encombrée de machines agricoles. Un grand hangar aux poutres métalliques, ouvert sur trois côtés, se dressait là. Tout autour, les champs descendaient en pente douce. Le hangar semblait échoué comme un cargo sur une dune. De gros rouleaux de paille étaient empilés dessous presque jusqu’au plafond. Ils remplissaient tout le bâtiment, ne laissant vers le milieu qu’une étroite ruelle dans l’énorme masse de fourrage.
Djamila traversa la cour poussiéreuse en courant et pénétra dans ce canyon sombre. Elle entraîna Toni jusqu’au fond. Des barres de métal soudées sur un des poteaux faisaient comme une échelle. Djamila lâcha la main de Toni et se mit à grimper. Toni la suivit. Arrivée en haut, elle quitta l’échelle et se glissa sur le dessus des piles de rouleaux.
Vers le fond du hangar, entre la paille et le plafond, on avait tout juste la place de se mettre à quatre pattes. Mais le toit en tôle ondulée était en pente et, en avançant, on pouvait presque se tenir debout.
Toni se dit « voilà la vraie magie de Mourenx ». Poussée là en 1958 pour loger d’un coup tous les ouvriers du gaz de Lacq, la ville avait une sale gueule. De longs blocs de béton avaient été balancés au hasard sur un coteau béarnais, comme une poignée de morceaux de Lego. Certaines barres étaient restées debout, plantées dans le sol, refusant de s’allonger sagement avec les autres. Au milieu de ce labyrinthe pour géants, on avait fait serpenter une ou deux routes et c’était fini. Le résultat était moche, même si à l’époque tout ça passait pour l’avant-garde de la modernité. Mourenx n’avait aucune chance au concours du plus-joli-village-de-France avec des maisonnettes en pierre rassemblées autour d’une mignonne petite église du XIIIe siècle. Mais au moins, avec son habitat compressé, la ville ne prenait pas de place. Grâce à cette architecture MP3, elle faisait tenir 7000 habitants dans un mouchoir de poche. Au pied de la dernière barre, les champs commençaient aussitôt. La vieille blague de construire les villes à la campagne s’était réalisée.
Toni savait bien qu’il rêvait. Cette magnifique journée, le ciel bleu, la douceur de l’air, cette balade mystérieuse guidée par Djamila. Ça ne pouvait pas être réel. Ce n’est pas que Toni se trouvait trop laid pour espérer séduire une fille. Il se savait quelconque mais pas sans charme, les cheveux noirs, les yeux bruns et le nez droit, assez grand, pas très épais mais cette légère maigreur passait pour de la sveltesse. Ce n’est pas non plus qu’il était trop complexé pour aborder une fille qui lui plaisait vraiment. Comme les timides, il pouvait se lancer d’un coup oubliant toute peur, et faire l’intéressant devant une foule entière. Il parlait alors avec facilité. Il pouvait même être drôle.
Il n’y a personne : ils récoltent le maïs. Et d’en bas, on ne peut pas nous voir.
Puis elle ajouta en montrant le paysage :
‒ Regarde. C’est pour ça que je t’ai amené ici.
Toni quitta Djamila des yeux. Avec son plancher de paille et son toit de tôle si bas, leur abri était une cabane suspendue dans le ciel. Loin en-dessous d’eux, une large vallée s’étirait de l’est jusqu’à l’ouest, où le Gave de Pau déroulait ses méandres paresseux