Certaines personnes sont socialement reconnues, on se demande pourquoi. Prenez Adler, psychanalyste qu'il se dit. Voilà t'y pas qu'un patient entre dans son bureau qu'il fulmine déjà en pensant qu'encore une fois, on lui a filé entre les pattes un torturé dont le « niveau social n'est pas très élevé » et sans doute « trop gâté étant enfant ». Se prenant pour Caïn levant le bras sur Abel, il se retient d'abattre le couperet sur la nuque de son patient seulement pour ne pas finir en tôle. C'est absurde de se faire psychanalyste alors qu'on déteste les enfants gâtés. C'est un peu comme si on allait à une soirée open bar chez des amis minutieusement choisis pour leur prodigalité éthylique et que ceux-ci nous signalaient en entrant qu'au fait, il faut sortir sur le palier si on a envie de fumer une clope, des fois qu'en plein coma éthylique, on pense encore à préserver son capital poumons.
Non seulement Adler n'a rien compris au plus noble objectif de la psychanalyse mais en plus, c'est un salaud. Un genre de docteur Gachet, dont
Antonin Artaud accuse, dans son rapport avec le van Gogh, la « jalousie aussi consciente qu'inavouée ». En effet, personne n'aimerait être médecin plutôt que fou –l'idéal étant bien sûr de cumuler les deux insignes en même temps. Plutôt que de vendre le petit local où il exerce et de le refiler à quelqu'un de plus méritant, se reconvertissant dans la foulée pour exercer un boulot bien vache qui l'empêchera de se la couler douce en écrivant des torchons, Adler continue malheureusement à se vanter psychanalyste. Selon lui, ses patients sont des cons. Pourquoi sont-ils cons ? Parce qu'ils tiennent trop à leurs névroses et leur insociabilité et qu'ils mettent en péril le fragile équilibre de notre communauté humaine. Ainsi, selon Adler, il serait temps que les névrosés et autres asociaux cessent de s'intéresser à leurs problèmes d'Oedipe pour contribuer aux grandes
oeuvres culturelles et artistiques. C'est vrai, mais on s'en fout. Je veux dire, on s'en fout des
oeuvres de l'humanité. Mais non, Adler croit que c'est important et que l'humanité, avec ses petites croûtes, va vraiment faire bander le cosmos. Pauvre baby, il croit que le groupe de l'humain, en vertu d'une hypothétique théorie de l'évolution bientôt périmée, doit étendre son hégémonie sur la planète pour des siècles et plus encore si le monde est vraiment con. Il résume son programme frelaté de la façon suivante : « le but de l'âme humaine est le triomphe, la perfection, la sécurité, la supériorité ». C'est bien médiocre. On pourrait pourtant faire mille fois pire.
Je balance le livre par la fenêtre, assurée qu'il y aura plein de crottes de chiens pour en assurer la réception vingt mètres au-dessous. Puissent tous les sens de la vie connaître fin aussi glorieuse.
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