A l'instar des autres romans de cette série,
Cécile Alix réutilise dans ce nouvel opus ce qui fait, sans doute, l'un des principaux atouts de cette collection : le recours au point de vue interne. En effet, c'est à travers les yeux de Bébert que le lecteur découvre le monde qui l'entoure. Et quel monde ! Il pourrait presque nous faire penser à un film d'épouvante. Aussi ce roman est-il une petite pépite pour parler de la peur aux enfants, non avec pour objectif de leur faire faire des cauchemars mais de prendre conscience que la peur, parfois, n'est qu'une question de point de vue. On sourit beaucoup, et on rit souvent en imaginant le pauvre Bébert aux prises avec « cette araignée » qui n'en a que le nom ou lors de ces scènes où il se retrouve confronté à diverses « représentations » félines. Triompher de la peur, c'est finalement parfois simplement être en mesure d'ouvrir les yeux et d'observer avec plus d'attention ce qui se trouve au-delà des apparences et
Cécile Alix réussit merveilleusement bien à faire passer ce joli message à son lecteur.
Je dois également vous faire un aveu : Bébert est sans doute le plus grand spécialiste de la purée. Il vous la met à toutes les sauces dès qu'il se retrouve confronté à un obstacle. Ainsi, vous découvrirez, par exemple, l'existence, parmi d'autres, de « la purée d'endives » mais aussi de « la purée d'hulottes » ou de « la purée de chacals »… Tout un programme qui ne relève pas vraiment du culinaire, je dois le reconnaître, mais qui, lexicalement, devient un véritable régal ! Toutes ces créations lexicales donnent ainsi au récit une forme de poésie pleine de fantaisie et montrent au lecteur (et plus particulièrement aux enfants) combien notre langue est d'une richesse telle que même le non-sens en devient comique et source de jeu. Finalement, l'auteur nous prouve que tout est possible avec les mots et qu'à tout âge, on peut créer des néologismes évocateurs pour tous.
Mais l'objectif du roman est avant tout de nous décrire les aventures d'une bande de hamsters, convaincus par Bébert de fuir le « monstre », l' »araignée » qui les retient prisonniers dans son antre digne d'un musée des horreurs pour « cobayes » puisqu'il est rempli de portraits de chats et d'une multitude de « chats empaillés », tous plus réels les uns que les autres. L'ensemble de l'intrigue, passé le moment où Bébert réalise que sa maîtresse ainsi que sa famille ont décidément bien disparu, se transforme en une sorte de quête initiatique où Bébert qui se contentait jusqu'alors de s'imaginer en « héros » finit par le devenir vraiment en prenant la tête, tel un Indiana Jones « gros comme une pomme de terre », d'une expédition libératrice comprenant Bolly alias « la Cherokee » (Quel doux surnom de dulcinée pour un hamster aussi valeureux qu'un cow-boy !), Wood, le dormeur toujours affamé de l'équipe, et Mozza, le gros dur qui a réglé son compte, oculairement parlant, au terrible Black Jack.
Cécile Alix illustre à travers Bébert la thématique du héros moderne, capable de prendre des risques et de revenir chercher ses compagnons d'infortune à qui il ne doit pourtant rien, afin de les sauver. Tel Steve Mc Queen dans "La Grande Évasion", Bébert prend les choses en mains pour extirper ses « amis » de l'horrible prison où il se croit condamné à finir ses jours.
Cécile Alix réussit également à créer un univers où le lecteur (et plus particulièrement l'enfant) s'identifie sans difficulté aux personnages qu'il rencontre au fil des pages. En effet, on a tous un jour éprouvé cette peur qui paralyse face à un obstacle ou face à ce qui nous est étranger. Bébert en fait ainsi l'amère expérience. Après la surprise et l'incompréhension, notre héros de hamster nous délivre une véritable leçon de courage dans la mesure où il réussit à triompher de ses angoisses et à surmonter les différents obstacles qui se dressent sur sa route avant de parvenir à atteindre son Graal : les retrouvailles avec sa maîtresse adorée. le roman illustre ainsi des valeurs positives en démontrant que peu importe son gabarit, on peut trouver une solution à toute situation et que le courage peut se révéler être , si on en a la force, un sentiment particulièrement altruiste. En effet, Bébert triomphe en faisant preuve d'empathie et surtout de solidarité envers ses condisciples, des valeurs qui, quoi qu'on en pense, devraient être plus souvent exposées aux enfants dans une époque où l'individualisme et l'égoïsme occupent beaucoup trop le haut du pavé.
Encore une fois, les Éditions Poulpe fictions réussissent ici à nous proposer un très bon roman bourré d'intelligence, qui parle aux enfants tout en leur apprenant d'une certaine façon à affronter au mieux la vie et à surmonter ses obstacles. En somme, à réaliser qu'on peut être « pépère » un jour et devenir le lendemain un héros.
Lien :
https://mespetitsplaisirsamo..