Gilbert Diatkine, psychanalyste, signe la préface de ce livre fort instructif d'
Annie Anargyros qui s'est fait la spécialité d'analyser les grands romanciers russes qui sont pour elle des clients "analysables" par excellence comme des bêtes hors concours compte tenu de la démesure de leurs profils tant du côté de l'homme que de son art
Je dois dire qu'à cerner ainsi les particularités de chacun (d'entre eux) aide le lecteur à se repérer dans l'immensité de la littérature russe du 19 e siècle. Les caractères deviennent identifiables et leurs grandes oeuvres aussi. On veut bien croire que
Dostoïevski ait enfourché le pli littéraire de
Gogol et Tolstoï se soit mesuré à
Pouchkine pour quelques idées fameuses, mais dès qu'ils prirent leur envol ces deux-là, ce ne fut surtout pas pour se confondre, mais pour, bien au contraire, se détacher l'un l'autre dans le firmament russe seul capable de donner place peut-être à leurs géants desseins littéraires, ne supportant aucune association, leur orgueil illimité était à ce prix.
Tchekhov sut cela et je pense eut à coeur de se démarquer de ses ainés comme ses ainés le firent étant absolument convaincu de sa différence et de son talent. Son fait, sa vie fut un drame .. Aucune de ces pointures exceptionnelles d'ailleurs n'eut à attendre pour se révéler, et chacune savait au fond de soi qu'un terrible défi, unique, démangé par le démon de l'écriture, se présentait à eux.
Tchekhov fit donc valoir sa différence dans ce grand feu incandescent d'artistes aux allures de challenges cosmiques. D'abord il s'enthousiasma pour le vénéré Tolstoï ; s'il ne pouvait, dira-t-il, qu'emboîter le pas dans le sillon du grand romancier russe, au demeurant, il sentit très vite que son émancipation de l'ombre géante de son aîné fut salutaire, bien qu'il lui témoignera un respect profond toute sa vie. Assez vite les premières notes de son talent tombent comme des pépites. le fardeau est lourd, immense : il supplée aux besoins de toute une famille dont le père ne l'a pas épargné, devant une mère exceptionnellement généreuse. Je ne sais pas avec quelle volonté il s'emploie à concilier ses études de médecine et sa création d'artiste, sa
poésie, ses
nouvelles, mais ce qui est sûr c'est qu'il sait que plus sa création est féconde, plus il se donne les moyens d'échapper à sa dure condition. Sa vie va enflammer son oeuvre ..