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EAN : 9782360841189
250 pages
Inculte éditions (18/08/2021)
3.88/5   37 notes
Résumé :
« S'en aller » conte le récit d'une émancipation féminine au cours de la première partie du 20ème siècle. De la Mer du Nord à l'île de Java, de son engagement dans la Résistance jusqu'à ses derniers jours de femme âgée, les épisodes de la vie de Carmen sont autant de jalons sur les chemins de la liberté.

Roman d'apprentissage, hymne à l'amitié, « S'en aller» montre subtilement comment les luttes des femmes d'aujourd'hui font écho à celles de leurs aî... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Je poursuis ce mois consacré à la littérature belge avec le premier roman de Sophie D'Aubreby.

Histoire d'une émancipation féminine, dans un XXème siècle tellement patriarcal. Roman d'une révolution douce, d'une casseuse de codes à sa manière. Roman en quatre parties, chacune décrivant une période de la vie de Carmen, et qui font écho à d'autres lectures récemment faites : sa fuite sur un chalutier (je pense ici à « Ultramarins »), le voyage en Indonésie (je me remémore alors le très beau « rien ne t'appartient »), la deuxième guerre mondiale et enfin la fin de sa vie.

C'est aussi une très belle histoire d'amour entre deux femmes.

Le roman est écrit en phrases très courtes (ce ne sont pas des vers libres … ce qui m'a amené à une réflexion sur la forme des vers libres : dans quel cas privilégier cette forme ? question ouverte), toujours un peu sur le souffle. Un style très personnel, mais aussi très travaillé (le péché mignon des premiers romans ?) et maitrisé, et peut-être un peu trop parfait pour moi. J'ai besoin d'aspérités pour pouvoir m'attacher à une histoire, à un personnage.

Cela reste très belle découverte néanmoins.
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S'en aller est un roman intimiste, féministe, humaniste qu'il est difficile de ne pas lire d'une traite. La narratrice et protagoniste, Carmen, est une jeune femme puis une femme posée qui refuse les carcans de son époque, qui ne supporte pas les rôles uniques que l'on impose aux femmes : épouser un bon parti, avoir des enfants, les élever ou (comble de malheur…) rester vieille fille. Elle est déterminée et intelligente et malgré le handicap majeur de son sexe, va, pendant toute sa vie, au-delà des limites imposées par une société bien-pensante.
« Elle toise ce tissu d'épiderme, le vêtement qu'elle oppose au monde et qui l'arrange, avec ses cheveux longs, le renflement de ses seins et la finesse de ses mains, du côté féminin de la vague. Elle envisage ce sac d'attributs pour ce qu'il est : sa contribution au mythe et sa condamnation aux derniers wagons de l'existence. le compartiment pour dames. Plus étroit et moins bien chauffé que les autres. Celui à bord duquel on se marie, on éduque ses enfants. Celui à bord duquel on se soumet à l'époux à condition de dominer la bonne. »
Pour vivre comme elle l'entend, elle doit, comme d'autres avant elle à travers l'histoire, se travestir, renoncer aux apparences. Et elle s'engage sur un chalutier en tant que marin (déguisée en jeune homme) pour tenter d'oublier une double traîtrise, vit avec une femme, son amie de toujours, voyage et vit à Java, est résistante pendant la Seconde Guerre mondiale... Elle se bat toute sa vie pour la libération des femmes et la sienne.
Un texte subtil, poétique et puissant pour ce premier roman qui sera très certainement remarqué.
« Comme avant l'âge adulte. La volonté, peut-être, de ne pas se réduire à ce qu'on lui a infligé. On dément sa condition de victime à grand renfort de giclures d'encre. »
L'art (en particulier la musique, la danse, l'écriture) nous accompagne dans ce beau roman.
Une ode à l'amitié, au courage, à la différence, à la liberté de choisir sa destinée, de s'accomplir. Un souffle d'air frais et un coup de coeur !
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Échapper au triste destin tracé par les codes patriarcaux bourgeois de l'entre-deux-guerres, en fuyant sur la mer, dans la danse indonésienne ou dans la Résistance : le formidable récit d'une émancipation surprenante et exemplaire.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/08/22/note-de-lecture-sen-aller-sophie-daubreby/

Extraordinaire premier roman, le « S'en aller » de Sophie d'Aubreby, publié chez Inculte Dernière Marge en août 2021, commence comme si la pionnière Anita Conti, pour son incroyable observation participante de la pêche hauturière, métier masculin s'il en est, avait dû, dans l'entre-deux-guerres, déguiser sa véritable nature interdite. C'est ce que nous raconte Carmen, qui n'est pas en mission à bord de ce chalutier, mais bien en fuite, en échappée, d'un mariage bourgeois tout tracé qui est d'emblée sous le signe de la trahison fondamentale. En contraignant son corps pour disparaître au sein d'un équipage d'hommes, sans laisser ailleurs de traces, elle gagne précocement sa liberté. Il va s'agir ensuite de faire vivre cette liberté, contre toutes convenances et contre tous corsets familiaux et sociaux, pour vivre sa vie émancipée sans se soucier outre mesure du qu'en dira-t-on, à une époque beaucoup plus redoutable que la nôtre de ce point de vue, en apparence tout au moins.

De la rencontre de son amie, de sa compagne de toute une vie, de près ou de loin, jusqu'à l'apprentissage sur place, à Java, de la danse et de la musique indonésiennes, de l'entrée en Résistance durant la deuxième guerre mondiale à Paris à la torture féroce subie sous les interrogatoires collaborateurs et nazis et au camp de concentration qui s'ensuit (on songera certainement à l'immense texte de Charlotte Delbo, « Auschwitz et après »), Carmen, en quatre grands tableaux enlevés, analytiques, ramifiés et toujours puissamment charnels, nous offre une émancipation de stature presque mythologique, comme un phare dressé au large d'une côte inhospitalière pour nous indiquer le mélange secret de détermination et d'intelligence, de sens profond de l'amitié et de rejet désormais instinctif de ce qui nous emprisonne contre notre gré, en prétendant faire société alors qu'il ne s'agit que de faire vivre encore les codes usés de la domination patriarcale (et économique).

Écrit avec beaucoup d'habileté, de sensibilité et d'intelligence, « S'en aller » est d'emblée un roman qui marque, qui bouscule les corps, durement, pour inscrire son échappée belle dans le paradoxe et dans la lutte quotidienne qui n'exclut ni amour ni amitié, bien au contraire. Alors que nous avons aujourd'hui plus que jamais besoin de figures mythiques sachant rester subtiles, d'exemples réels et fictionnels dépourvus de caricature mais sources de signification, Sophie d'Aubreby nous en offre une magnifique, puissante et complice.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Un fabuleux roman dépaysant et militant pour la condition féminine, tout en subtilité. En effet, le mot qui caractérise ce livre est la minutie du choix des mots utilisés. Tout en métaphore, l'autrice nous dépeint le portrait de deux femmes : Hélène et Carmen. L'une s'est transformée en homme pour fuir sa vie de femme. Elle a dû réapprendre à vivre comme un homme, être brute, forte et prendre plus d'espace. Durant l'un de ses voyages en bateau comme ouvrière, elle rencontre cette autre femme, Hélène, et à deux, elles vont commencer une nouvelle aventure et aller jusqu'à l'île de Java.
A lire absolument !!

Je reviendrai juste sur un aspect qui m'a gêné. L'autrice écrit avec un style vraiment recherché mais parfois à trop vouloir en faire, elle n'en fait pas assez ! Il manquerait quelques précisions et clarifications pour comprendre. Mais pour le coup, la litote est maîtrisée !
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"S'en aller" est le récit initiatique de Carmen qui fait le choix de s'exiler sur un bateau de pêche, déguisée en homme afin d'échapper à la vie de femme mariée qui l'attend si elle reste sur son île. Construit en trois parties, ce fabuleux roman nous dépeint les luttes des femmes portées par cette femme inébranlable. La plume somptueuse de l'autrice nous transporte à travers les époques et nous conte avec justesse les combats qui ont été mené et ceux à venir. Roman à découvrir pour les idées qu'il partage et pour suivre le grand voyage qu'entreprend Carmen à travers le monde.
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Citations et extraits (30) Voir plus Ajouter une citation
Hélène quitte la maison à l’aube. Carmen y reste, regardant chaque matin la porte se refermer derrière elle. Le rai de lumière qui rétrécit puis disparait dans l’embrasure de la porte, désormais close. Alors se déploie la tentation de la réclusion. Le bonheur des mal-taillés pour le monde. Celui qu’il y a à regarder, ce monde, par la fenêtre entrouverte.
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Par ses questions, par les réponses qu’il attend d’elle, il lui dessine un rôle nouveau. Sans intérêt la plupart du temps mais proposé avec tant d’évidence qu’elle l’embrasse sans opposer de résistance. Pour lui donner sa consistance, il fait d’elle sa conseillère, son experte. Il l’interroge sur les couleurs, sur les matières, demandant ici la confirmation que ce bleu lui correspond, vérifiant là que ce chapeau est le bon. Elle répond parce qu’elle est polie. Parce qu’on ne lui a pas appris à garder son souffle pour les choses qui importent. Elle ne sait pas qu’elle en a le droit. Elle ne sait même pas ce qui l’intéresse. Elle obéit, d’une certaine manière. Même si aucun ordre, jamais, n’est formulé. Ainsi l’entretient-il de sujets quelconques, légers. Déguisant l’absolue banalité du domestique en dilemme de la plus haute importance. Ainsi lui instille-t-il dans le crâne des pensées, des réflexions, des considérations qui lui étaient étrangères.
Elle le regarde la prendre par les épaules, enfoncer ses doigts dans la peau tendre de ses clavicules et l’asseoir en appuyer dans le moule de l’épouse. Elle le laisse faire. Les choses vont vite, elles se répètent, elle n’a pas le temps de penser, de prendre conscience, d’en concevoir une opinion. Elle répond, et ça devient une habitude.
Les sujets sont variés, mais c’est toujours à lui qu’ils se rattachent – d’elle il ne sait rien.
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Elle ne le heurte pas trop fort, pour ne pas avoir l’air de le provoquer. Mais juste assez pour être crédible. Il s’agit de ne pas éviter délicatement son contact en passant à côté de lui. Comme une anguille, comme elle l’aurait fait dans n’importe quelle autre situation. Comme on apprend aux petites filles à le faire depuis la nuit des temps. Ne pas s’écarter de l’itinéraire. Ne pas se mettre spontanément de côté. Contrefaire leur assurance effrontée. Occuper l’espace. Marcher droit. Cogner ce qui doit l’être. C’est-à-dire: ce qui commet l’erreur d’entraver sa route. Se souvenir, surtout, de ne pas s’excuser après. Ne pas oublier où elle évolue, ni qui elle est désormais. Lutter contre ses réflexes est un travail continu. Déconstruire le corset de manières cousu à même sa peau et se fabriquer, en mimant ceux qui l’entourent, une attitude autre, masculine, requiert une attention constante. À chaque seconde renouvelée. De nouvelles postures toujours à se recoudre au corps. Voûter les épaules, le dos. Dissimuler sa poitrine, bandée sous la toile. Ne rien laisser paraître de la grâce spontanée, des manières intégrées depuis toujours.
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Beaucoup de cases prévues par défaut restent vides. Le nom d’épouse. L’identité de l’époux. Le nombre d’enfants. Les normes qu’elle a passé sa vie à botter en touche lui reviennent dans ces minces feuilles de papier coloré. Elle ne s‘est jamais mariée. Elle n’a pas eu d’enfant. Voilà ce que dit l’administration de sa vie, voilà ce que le société retient. Rien du reste, rien des fiertés, rien des ruptures. Sa vie tient tout entière dans les creux qu’elle laisse sur ces formulaires. Il faut les lire en négatif, il faut tout interpréter parce que ce langage-là, le langage officiel, n’a pas prévu de case pour ses choix à elle.
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Elle prend une grande inspiration. La plus grande, la plus profonde possible. Une inspiration à s’en déchirer le diaphragme. Comme pour ériger un peu plus haut le rempart contre l’épuisement. Ravaler le sanglot qui monte.
Le sel lui rougit les yeux et la fatigue pèse sur ses mouvements. Elle s’essuie le nez d’un revers de manche. Trente nœuds. Le vent frappe fort partout où la peau s’offre. Elle se racle la gorge après avoir reniflé, en prenant soin de ne pas y mettre de voix. La salive et les glaires remontent le long de sa trachée. De sa bouche entrouverte s’élève un bruit liquide. Éboulis inversé. Un jaillissement visqueux. Crachés avec force, la salive et le mucus opaque s’étalent, s’aplatissent sur le sol glissant. Les autres s’affairent déjà autour des filets.
À mesure qu’elle approche de leurs dos épais, elle découvre à leurs pieds les harengs qui se débattent. Ils fouettent l’air, éperdus. Leurs queues minuscules reflètent la lumière grise et diffuse du ciel, que rien ne distingue de la mer. Les nuages, gorgés du soleil qu’ils cachent, obligent à plisser les paupières. Elle regarde les filets, les bouches qui s’ouvrent, rondes et agitées, les yeux qui se révulsent, les oiseaux qui s’y reflètent ; et se demande ce que ça fait, d’étouffer d’un trop-plein d’air.
Sur le pont, les filets sont pleins de ces lames argentées, secouées de spasmes. Elle bouscule l’un des dos en rejoignant le groupe, déjà occupé de toutes ses mains à alléger les poissons des colliers de tripes et des tissus mous qui pourraient précipiter leur décomposition. Deux facteurs altèrent la conservation des chairs mortes : les germes et la température. La température n’est pas un problème, on grelotte, les dents claquent, les muscles sous la peau s’actionnent sans cesse. Tout l’enjeu tient dans l’éviscération minutieuse et le nettoyage de la prise. Chaque doigt s’y applique. Le poisson doit rester consommable, c’est comme un mantra répété par tout l’équipage. Une fois au port la vente en dépend. Consommable, t’entends. Plus il se gâte, moins on est payé. On le lui dit, on le répète.
Tous, ils seront payés en fonction de la vente, peu importe l’effort, peu importe l’investissement de départ. Et bien entendu, peu importe le nombre d’heures à se faire fouetter le visage par le vent mouillé à plusieurs milles des côtes.
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Vidéo de Sophie d' Aubreby
Sophie d'Aubreby est la lauréate 2022 du prix du premier roman de la Ville de Limoges. Cette autrice Belge est récompensée après 3 tours de scrutin pour les membre du comité de lecture et c'est la voix qui compte double du président, Franck Bouysse, qui a donné le ton.
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