Voilà, je peux mettre ma critique à jour car j'ai enfin eu la force de terminer ce livre. Avec beaucoup de pauses nécessaires. Je ne pourrais jamais assez remercier l'auteur pour cette initiative et d'enfin briser la loi du silence. Des témoignages dignes des plus horrifiques des thrillers psychologiques, mais qui sont pourtant des histoires vraies. Certains de ces témoignages, ça aurait pu être les miens, je m'y suis retrouvée de manière effarante, je ne suis donc pas la seule. Tout ce que je n'ai jamais osé dénoncer par peur d'une évaluation négative et autres représailles, et sachant très bien que c'était inutile car l'école fermait les yeux et minimisait, ces anciens étudiants l'ont fait. J'aurai mieux fait de me casser les deux jambes le jour où j'ai arrêté de travailler pour commencer les études pour le métier qui me faisait rêver depuis toute petite, car ces quatre années d'études d'infirmière ont détruit ma vie et ma santé mentale. Et ce en toute impunité pour ceux et celles qui continueront de faire subir ça à d'autres. On a besoin de témoignages de ce genre pour que les choses bougent enfin. Les infirmières se plaignent de leurs conditions de travail dues à la pénurie (et à raison), mais pas mal d'entre elles sont les mêmes qui font tout pour dégoutter les étudiants et voient leur abandon comme une mesquine victoire. Mais on dira encore que c'est juste parce que les étudiants ne sont pas assez motivés ni courageux, parce que "les jeunes d'aujourd'hui, ils ne supportent plus la moindre petite remarque"...
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Les deux premiers tiers du livre sont des témoignages de soignant·es et d'étudiant·es en professions de santé (médecine, sage-femme et beaucoup d'école d'inf). Ils témoignent de la réalité et de l'omniprésence de la violence dans ces études en particulier dans les lieux de stage à l'hôpital.
Le dernier tiers est un ensemble d'articles, d'interventions, de "réponses" de soignant·es, psychologues, etc. qui viennent analyser les violences subies par les étudiant·es et les systèmes dans lesquelles elles sont produites (hiérarchie très marquée, dépendance pour la validation des études, absence de surveillance, de formation, de contrôle des encadrant·es; pression des gestionnaires, utilisation des étudiant·es comme personnel gratuit, etc.).
J'ai moi-même vu et vécu ces violences. Les témoignages sont encore relativement "soft", j'aurai aimé qu'il y ait plus d'analyses et surtout plus de pistes d'amélioration pour l'avenir, mais le livre est déjà très bien et j'espère qu'un jour les choses changeront enfin.
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En lisant le livre j'ai pleuré ! Je me suis souvent reconnue et ai souvent fait le lien avec mes propres expériences d'étudiante en médecine. Ce livre clame tout haut, ce que beaucoup pensent tout bas.
Des simples remarques sexistes ou rabaissantes aux réelles situations de détresses morales et psychologiques.
Ce livre dépeint ce que les étudiants en santé vivent au quotidien dans un hôpital public qui s'appauvrit et perd de son prestige d'années en années.
Il tombe au moment où de plus en plus de soignants se suicident devant la difficulté d'exercer de nos jours.
Une lecture dure mais nécessaire pour comprendre aussi la révolte des internes, les grèves et les revendications.
Tous le monde en prend pour son grade et ce livre est une réelle invitation à se rendre compte que tout le monde est parfois à l'origine des souffrances de quelqu'un d'autre.
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Des dysfonctionnements graves et institutionnels sont parfaitement décrits (...). Avec pour conséquences, la démotivation, le stress, les crises d'angoisse, les ruptures de parcours, etc. On a là une sélection non pas des meilleurs ou des plus doués, mais des moins sensibles, des plus clivés, de ceux qui supportent des "profanations de leur personnalité" (Goffman) et qui, pour la plupart, auront tendance à reproduire les mêmes dysfonctionnements les ayant adoubés par leur silence ou leur lâcheté. Ce sont là des formes d'autorisation de dévalorisation d'autrui graves, portant atteinte à la dignité de la personne et à la perception qu'il a de lui-même. Résultat: la dépression des étudiants, leur burn-out, leur découragement, leur somatisation extrême et leur décompensation, alors qu'ils ne sont pas psychologiquement plus fragiles que d'autres étudiants. C'est bien le dysfonctionnement collectif et l'ampleur de ce dernier qui les fragilisent à outrance.
Un autre stage en maternité-grossesse pathologique: les infirmières n'aimaient pas avoir des étudiants et me l'ont dit dès mon arrivée. Cette fois-ci, elles me rabaissaient devant les patientes, m'obligeaient à faire les soins de manière ridicule comme purger une perfusion avec le bras le plus tendu en l'air, passer dans le poste de soin par la droite et surtout pas par la gauche,... Ce qui les faisait rire. Et si je ne m’exécutais pas, j'entendais alors que j'étais "nulle, débile", que je ne deviendrais "jamais infirmière", que je ne ferais "rien de ma vie". Les aides-soignantes m'ont soutenue, m'expliquant que c'était un jeu pour elles. J'ai pu voir par la suite une feuille avec les comptes de combien d'élèves elles faisaient craquer. Deux patientes ont écrit une lettre à la cadre pour lui parler de faits d'humiliation subis devant elles.
J'ai honte, si honte que je me tais et ne dis rien autour de moi. Même à un chien, on le lui parlerai pas comme ça. Et puis la souffrance devient étouffante les pleurs à la maison, le mal-être trop omniprésent alertent mon entourage. On me questionne, je réponds que c'est dur. Mais leur réponse est sans appel, ils ne comprennent pas: "Allez courage, il ne te reste que quelques semaines, ça passe vite tu sais".
Mais je dégringole au fond du trou. Je perds toute confiance en moi, toute estime de ma personne. J'y vais en pleurs, je rentre en pleurs, je me cache aux toilettes dans le service pour étouffer mes sanglots. J'en viens à faire des cauchemars, des insomnies, des réveils nocturnes. L'appréhension de la violence du lendemain me poursuit chaque jour et chaque nuit. Sur la route, je m'arrête, les larmes m'empêchent de voir la route correctement, les crampes d'estomac me broient le ventre. A plusieurs reprises, à l'aller comme au retour, je m'arrête pour vomir. Je suis oppressée par ce stage qui me détruit à petit feu et qui détruit ma vie à petit feu
Subir des violences verbales permanentes et des humiliations devant des patients ou le reste de l'équipe soignante fait perdre pied à l'étudiant. Il se déconcentre, ne réfléchit plus aux soins et aux tâches à effectuer mais cherche des stratégies pour échapper aux agressions. Plutôt que de se concentrer sur ses tâches au travail, il se protège de son bourreau en passant la plupart du temps à échapper à de nouvelles violences, comme le ferait la femme victime de violence avec son mari agresseur.
Conséquence: l'élève fait des erreurs médicales. Sans compter l'impact que ces agressions répétées ont sur l'apprentissage de son futur métier. Les témoignages dans ce livre montrent que les étudiants n'osent même plus s'exprimer. Ils osent à peine poser des questions à leurs pairs pour comprendre, par exemple, l'histoire d'un patient, améliorer leurs connaissances scientifiques ou réaliser un geste technique. Il devient alors impossible pour eux d'apprendre, de se rendre disponibles pour les patients et de se former aux enjeux humains de soins avec les patients et leur famille.
Le cercle vicieux s'installe et l'étudiant est considéré aux yeux de toute l'équipe comme quelqu'un d'incompétent. Le sort s'acharne sur lui. Il redoublera d'erreurs. Sa prétendue "incompétence" justifiera les violences de ses agresseurs.
Malheureusement, aujourd'hui j'ai mon diplôme. Je l'ai obtenu avec 18 de moyenne. Je suis infirmière mais une infirmière "détraquée". Je n'ai plus confiance en moi, j'ai perdu toute estime de moi. Je ressens un dégoût profond pour le métier. J'ai développé un trouble panique avec agoraphobie. Je ne peux pas travailler, je ne peux pas conduire, voir mes amis ou faire les magasins. Je suis suivie par un psychiatre. Ma vie professionnelle et personnelle est ruinée. Vous avez dit infirmière, un métier humain?