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EAN : 9782376419822
245 pages
Gwen Catala (06/06/2018)
3.5/5   1 notes
Résumé :
Revue poétique semestrielle dirigée par François Rannou et l'éditeur Gwen Catalá, Babel Heureuse se veut un carrefour des langues et des arts, du mouvant, écho de la parole dite. Elle ambitionne de devenir une référence de la création poétique contemporaine, donnant voix aux jeunes pousses autant qu'aux incontournables, et ouverte sur le monde, aux traductions et créations bilingues. La revue paraît en édition papier, numérique enrichie et expérience web innovante. ... >Voir plus
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Laisse ton adresse…



Laisse ton adresse, dit en rêve,
dans le train de nuit où tu somnoles,
l’ombre qui se fond, tournant le buste
en parlant, si bien que ce qui sonne
te parvient issu non de sa bouche
mais du glissement de son absence
vers une autre image et si, le pauvre,
tu te dis qu’il s’est ouvert les veines
loin, en Italie, sans que tu saches
ni pourquoi ni quand, par la brûlure
que tu sens soudain au poignet gauche,
outre la douleur fantôme, reste
cette voix autour lointaine et proche
qui te sort déjà d’une autre scène,
de miroitements sur l’eau dormante
vert-de-gris opaque, jaune et rouge,
sur lesquels la barque oscille et berce,
et, dans le halo des deux images
qui se superposent, tu n’existes,
en ouvrant les yeux une seconde
pour les refermer et voir si quelque
bribe permettrait de vivre encore
avec elle quand tu te réveilles,
plus que pour te voir en réceptacle
de son geste, te parler, la tête
vers l’arrière, pas vers toi, - un timbre
grave et de fausset ensemble,
comme à portée des mains, qui se dissipe
dès que tu l’entends – et quelle adresse
lui laisserais-tu qu’il n’ait déjà ?

                                             17 nov. 14


//André Markowicz (1960 -)
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Là-bas
Pour Anne,
qui de son regard
cloute le cuir des montagnes
extrait 1
  
  
  
  
Qu’est-ce que tu allais chercher là-bas ?

(La traversée d’un bras d’eau défiant les peurs gigantesques.)

À Vlora tu n‘as trouvé que la boue des parpaings et des inachèvements, les
traces sales des tristesses de l’exil, des espoirs déçus et du sable qui couvre
les chevilles blessées
Et brûle
Misère et hébétude d’un monde
Où l’on ne fait que se rattraper aux branches.

(Le fourgon haletant, langues bizarres, regards détournés.)



// Emmanuelle Favier France (1980 -)
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Là-bas
Pour Anne,
qui de son regard
cloute le cuir des montagnes
extrait 4
  
  
  
  
À Tirana les lumières dans le soir arrondissaient les angles, adoucissaient les
arêtes du passé. Dans le quartier autrefois réservé tu t’es mêlée à la jeunesse
Celle qui rêve de ce qui chez toi est acquis.
Pour un soir tu as fait semblant
d’être jeune
d’être de là
et de rêver toi aussi à ce qui, chez toi, est acquis
mais c’est acquis et il n’y a rien à rêver.

(Le Nord est là, il a le visage d’une citadelle, le corps d’un lac profond, l’œil
d’une hirondelle qui effleure la surface et remonte d’un trait vers la pierre
morte.)

À Shkodra, t’approchant de ce que tu croyais chercher, tu as croisé la folie et
tu l’as refusée. Tu as décidé de partir, et partir te faisait mal mais la folie te
chassait, il fallait retourner vers le Sud où les montagnes sont moins hautes,
où la folie n’a pas le visage d’une tempête de neige au mois d’août.

(Dégringoler dans le Sud après une longue ascension.)


// Emmanuelle Favier France (1980 -)
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Là-bas
Pour Anne,
qui de son regard
cloute le cuir des montagnes
extrait 2
  
  
  
  
À Gjirokäster tu as marché dans les pas des géants de là-bas et tu as senti
l’étroitesse des empreintes. Fils emmêlés, maisons en ruine, déchets, misère
et hébétude encore, de pierres cette fois et de gadgets pour touristes.

(Vertige d’une brusque prise de hauteur : le cuir des montagnes clouté
d’oliviers, vu d’en haut. Que vend ce garçon sur la route ? L’autre tient
un lapin par les oreilles, le brandit.)

À Berat tu as trouvé des pierres blanches et l’eau de prunelle qui soûle en
douceur.
Les hommes étaient maussades,
les femmes étaient vénales,
le vin sur.
Des poivrons moelleux s’alourdissaient au milieu des grillons dont le chant
venait du ciel saturé d’étoiles. Des amis se dressaient sur les pavés, aux tables
des tavernes, de ces amis qui restent le temps d’un voyage,
d’un soir,
d’un an
davantage.

(Sur les routes défoncées rouler très lentement vers un but qui s’éloigne.)


// Emmanuelle Favier France (1980 -)
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Là-bas
Pour Anne,
qui de son regard
cloute le cuir des montagnes
extrait 5
  
  
  
  
À Orikum remontant vers le ferry tu as compris
Qu’aucune réponse ici non plus
Que même les questions devenaient dérisoires
Puisque tous ils s’en vont
Toi qui viens de là où ils vont
Toi que fais-tu là ?
Qu’es-tu venue chercher ma fille ?
Un nouveau chapitre une phrase de plus le mot qui manque
Comme si chez soi ils n’existaient pas
Rentre chez toi ma fille
Rentre chez toi.


// Emmanuelle Favier France (1980 -)
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