Le résumé de “
La mezzanine” de
Nicholson Baker est des plus simple : un homme casse un lacet de chaussure et décide d'en racheter un lors de sa pause déjeuner. Voilà tout, rien de plus que cette infime intrigue ne nous est raconté. Mais cet achat est l'occasion de multiples digressions sur le monde moderne qui entoure notre employé de bureau. Chaque objet est décrypté, rien n'est anodin et tout peut faire appel à des souvenirs, être source de questionnement.
Le lacet de chaussure cassé est par exemple le départ d'une longue analyse sur l'usure et les raisons de celle-ci. Notre narrateur tente de comprendre pourquoi ses deux lacets se sont cassés à deux jours d'intervalle. Cela le plonge dans la perplexité et le ramène à l'origine de la paire de souliers : “D'accord, il aurait lâché tôt ou tard : les lacets étaient d'origine et les chaussures celles-là mêmes que m'avaient achetées mon père deux ans auparavant quand j'étais entré dans cette boîte, pour y prendre mon premier boulot après mes études-cette rupture marquait donc une date sur le plan sentimental.”
Tout y passe dans cet inventaire à la
Prévert des objets du quotidien : les escalators et leur nettoyage, les sacs en papier montrant que “(…) son possesseur mène une vie riche et active, emplie de courses urgentes.”, les briques de lait qui remplacent malheureusement les bouteilles de lait livrées à domicile, etc, etc, etc…
La vie de notre employé de bureau n'est rythmé que par les objets qui l'entourent, les autres personnes ont peu de place dans son imaginaire. Les grandes étapes de sa vie défilent dans sa mémoire grâce aux objets et semblent être ses uniques repères temporels. Son passage à l'âge adulte est marqué par une découverte essentielle à l'homme moderne : comment mettre du déodorant alors que l'on est déjà habillé? La réponse est simple : il faut s'inspirer du portrait de Napoléon par Ingres et glisser sa main dans le bouton défait de sa chemise!
Nicholson Baker nous présente un monde moderne rendu absurde par la multiplication des objets supposés rendre nos vies plus simples. le cerveau du narrateur ne cesse de réfléchir sur l'utilité de chaque chose. Son esprit, ses yeux sont mobilisés en permanence par des avancées technologiques, son paysage eest totalement rempli de choses parfaitement indispensables à son bien-être. “Je comptais sur la présence des appareils comme on compte sur une haie bien taillée à un certain carrefour, ou sur une affiche aux couleurs passées dans la vitrine de la teinturerie, une nourriture visuelle sur le chemin pour rentrer chez moi.” En fait de nourriture, cela ressemble plus à une pollution visuelle qui empêche notre narrateur de penser plus sérieusement ou même de lire pendant son heure de repas.
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La mezzanine” est une oeuvre réellement surprenante dans le fond et dans la forme.
Nicholson Baker choisit de se moquer de notre monde moderne à travers cette énumération d'actes quotidiens qui peuvent sembler bien anodins. L'humour fait passer avec plus de légèreté les obsessions du héros. La forme peut également dérouter le lecteur.
Nicholson Baker utilise les notes de bas de page avec excès. Il est capable pendant 2 pages 1/2 de nous démontrer la supériorité de la mug sur la tasse classique! Il nous explique son amour des notes de bas de page par d'autres auteurs qui “(…) savaient que la vérité ne s'obtient pas en naviguant tranquillement de paragraphe en paragraphe, mais qu'il lui faut son lit protecteur de citations, de guillemets, d'italiques et de langues étrangères (…). Ils connaissent le plaisir anticipé, après un coup d'oeil d'ensemble sur la double-page suivante, de ces lignes écrites en tous petits caractères qui leur dispenseraient d'autres exemples et un nouveau savoir.”
Vous l'aurez compris, l'absurde est le maître mot de ce roman, absurde qui envahit notre quotidien sans que l'on y prenne garde. “
La mezzanine” est une charge drôlissime contre la modernité et qui nous sort de nos habitudes de lecteur. Ouvrez les yeux sur votre quotidien, il est plus foisonnant et délirant qu'il n'en a l'air!
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