Une conversation entre onze heures et minuit

Je ne sais pas exactement quand cette courte nouvelle a été écrite, mais elle apparaît comme un concentré de la Comédie Humaine, car on y retrouve toutes les thématiques. Il s'agit du récit d'une soirée dans un salon parisien fréquenté par de belles et grandes dames, des officiers, des artistes, des députés - oui, c'est un concentré des "Scènes de la vie parisienne". Chacun raconte un court récit, qui aurait mérité à chaque fois un développement, voire un roman, mais dont on trouve un écho dans d'autres récits de la Comédie Humaine : la violence des sentiments face à la faim, le froid, la peur et la déroute durant la Bérézina (comme dans l'Adieu), un bivouac de soldats farouches durant l'occupation française en Espagne, un médecin racontant ses rapports avec les jolies femmes, l'évasion d'un chef chouan (comme dans Les Chouans), d'autres "Scènes de la vie de province" qui évoquent les Paysans...
Oui, tout peut faire penser à la Comédie humaine, comme un condensé en trente pages des différentes milieux sociaux, des différentes thématiques. Mais la brièveté de chaque récit donne l'impression finalement d'une liste, d'une succession superficielle qui servirait à donner un avant-goût de la Comédie Humaine mais où rien n'est approfondi, tout est survolé, on ne peut s'attacher aux personnages. On retrouve donc la fascination/répulsion De Balzac pour Napoléon, ses idées monarchistes légitimistes avec son plaidoyer catholique... On ne retrouve pas en revanche son style d'écriture, notamment les descriptions - il n'a pas le temps dans une nouvelle si courte elle-même qui résume une dizaine de récits différents.
Un m'a particulièrement intéressée car je l'ai trouvé plus original dans ses thématiques car rarement abordé aussi directement dans cette première moitié du XIX ème siècle me semble-t-il : une femme prend rendez-vous chez le médecin pour se faire avorter. le mot n'est pas dit, mais on comprend bien ce qu'elle cherche, et le docteur répond franchement que l'aider serait criminel, en faisant référence au Code Civil. C'est ce récit, de quelques paragraphes, qui m'a bouleversée par sa froideur et son détachement.