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EAN : 9782012160231
299 pages
Hachette Livre BNF (01/04/2013)
5/5   2 notes
Résumé :
Ce roman paraît pour la première fois dans le feuilleton de l’Écho de Paris, entre le 20 janvier et le 17 février 1891.
Dernière oeuvre du poète et unique roman.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
« Il savait qu'il la connaîtrait, qu'elle serait, qu'elle était déjà mêlée à sa vie, et qu'ils seraient emportés ensemble dans le tourbillon de quelque fatalité. Mais où et quand ? Il sentait venir cela comme de loin on sent venir le tumulte et le grondement d'un orage. Mais il ne résolvait rien, ne formait aucun projet, et lequel aurait-il pu former ? »


Une irrésistible attraction lie Daniel Mathis, jeune et brillant médecin à Marcelle Rabe, courtisane qui occupe, par son éclatante beauté et par son luxe, le premier rang dans la haute vie parisienne. Toute liaison ou fréquentation avec elle l'effraie, il ne demande qu'à la contempler mais est pourtant persuadé qu'il la rencontrera tôt ou tard fortuitement.
Une violente fièvre typhoïde atteint Marcelle qui se souvient qu'un étrange médecin l'épiait constamment et que le zèle de ce fervent admirateur serait sans doute le meilleur des remèdes.
Sauvée grâce à ses miracles, Daniel ne lui réclame rien d'autre que la permission de la voir régulièrement. Mais elle ne lui concède que son corps, elle serait incapable de partager ne serait-ce qu'une infime partie de son coeur : « Que cette comparaison, dit-elle, me soit pardonnée ! La qualité de courtisane est indélébile comme celle de soldat et celle de prêtre.
Suppose-la riche, heureuse, libre. On peut avoir oublié son passé ; mais elle ne s'oubliera jamais et ne l'a pas oublié. Elle a toujours dans son coeur l'amas de vieux fumier qui l'empuantit et l'empoissonne. »
(…)
« Ce que je vous refuse, hélas ! C'est ce que vous attendez de moi et que je n'ai pas : de l'amour, parce que le coeur d'une courtisane n'en produit pas, et il n'est pas au pouvoir de personne que ce qui a été pourri renaisse et redevienne vivant »
Peut-être rejette-t-elle toute idée de possession : «  Mais alors ; elle ne serait plus elle-même, elle serait une autre, purifiée dans la nuit de toutes les souillures, elle n'appartiendrait plus qu'à lui, son époux, son amant, son créateur, qui aurait à nouveau façonné son argile et qui l'aurait ressuscitée de son souffle à une étincelle de sa propre flamme. »

Comprenant également ce que son amour a de compromettant pour cet amant qu'elle veut respecter : « L'amour pour une courtisane est meurtrier, car il force l'amant à admettre, à adopter peu à peu toutes les ignominies dont elle est salie », Marcelle se sacrifie, tolère et encourage pour lui d'autres amours, espérant se faire oublier de celui qu'elle n'oubliera jamais.

Rien ne peut ébranler sa résolution ; elle sent que sa personnalité est une tache sur celle de l'homme qu'elle adore : « Elle s'est toute sacrifiée : cela, n'est qu'une joie et une volupté pour la femme qui aime - Mais elle t'a sacrifié toi-même, elle t'a donné, elle t'a jeté en proie à une rivale choisie et voulue par elle, et dont les baisers de braise rougie devaient brûler ton amour, en faisant grésiller et fumer ta chair. »

La curieuse rivale, Claudine, envoûte Daniel par sa physionomie angélique, une attitude énigmatique et une réputation de chasteté habilement entretenue : « Ses yeux, sa bouche fière, sa chevelure simplement relevée, trop abondante pour les coiffures, sa taille héroïque, modèle accompli de la noble grâce, donnaient l'idée d'une créature impériale faite pour fouler la pourpre, et il était facile de voir que sa chair saine et splendide n'avait pas été pétrie d'un vulgaire limon. »

C'est là encore tout un jeu de regards et d'attitude qui précèdent des pulsions honteuses mais puissantes et voluptueuses :
« Au moment même où il faut présenté à Madame Vandrenne, il sembla à Mathis que, par un long regard impérieux et tranquille, elle s'emparait de son âme, la prenait matériellement dans sa poitrine. »

Ils se consument par la pensée, et Claudine, dévorée, rongée de culpabilités, se jette désespérément à ses pieds :
« Aussi, dit-elle, vous m'avez perdue, flétrie, et tout le monde le voit et le sait ; votre méchant désir s'est posé sur ma pensée qui était pure, et la déchire. Moi, innocente, j'appartiens à votre cruel espoir, et sais-je comment vous m'avez entraînée dans ce vertige de folie ? Aidez-moi, fuyez, séparons-nous pour jamais, dites que vous ne vous êtes pas emparé de mon misérable coeur. Car plutôt que de vous le laisser, de vous le donner, j'aimerais mieux me déchirer avec mes ongles et l'arracher de ma poitrine. Ah ! Continua-t-elle, perdue ! Perdue ! Mais voici la délivrance, et je sens dans mes veines les glaces de la mort. »

Elle feint de s'évanouir, se ressaisit soudainement et l'agrippe vivement : « Mais tout à coup, semblant obéir à une force tyrannique irrésistible, pareille à une branche souple qu'on ploie en deux, elle se jeta au cou de Daniel, le serra dans ses bras à l'étouffer, et le baisa mille fois. »
« Celle qu'il tenait contre son sein, agile, tordue, caressante, qui l'enivrait de baisers fous, qui l'enveloppait de sa chevelure dénouée, qui le ravissait de ses jeux divins et féroces, qui lui faisait savourer l'ambroisie de sa douce chair, c'était une louve altérée, une furieuse de volupté, subtile cruelle, impatiente, avide, ouvrière et créatrice de formidables joies. »
(…)
« Extasié, terrifié, anéanti, Daniel voulait parler à Claudine, lui dire au moins : je t'adore ; mais il ne le pouvait pas, n'avait pas le droit de respirer, de se sentir vivre, et la féroce amante, acharnée sur sa proie, le terrassait dans la joie des ravissements et des supplices. Elle était le soldat qui pille et saccage dans une ville prise, et lui, jouait le rôle de la femme outragée et violée.
(...)
"Il errait parmi les murs de basalte et les cavernes d'or, dans les flamboyants enfers où une Ange devenue pour lui démone, le baisait au milieu des flammes, tandis que mille autre démones échevelées les enchantaient de leurs odes enfiévrées et de leurs danses lascives."
(…)
« Toujours continuait la tempête, le frémissement, l'anéantissement, que Daniel eût souhaité plus complet encore ; car en lui le désir renaissait plus irrité et plus furieux tandis que Claudine, fraîche et embrassée comme une rose, semblait en être toujours au tressaillement du premier baiser. »

Le mal obsessionnel a été substitué par un amour plus énergique encore et Daniel se complait même à salir Marcelle pour accroître ses furieuses passions avec Claudine.
Cette frénésie de chair et d'adulation pour son étrange déesse l'anéantit progressivement : « Titubant, l'oeil égaré, ne se tenant plus debout que par respect humain, il vivait par la seule Claudine, et loin d'elle était comme un homme soûl qui défaille et tombe, dès qu'il ne boit plus d'alcool » Ses actions semblent plutôt le résultat du somnambulisme que celui d'une libre volonté.

Il pressent cependant en elle une attitude suspecte : « Une femme énigmatique, tantôt ignorante, inconsciente, et l'instant d'après mordue par les plus cruels aiguillons de la chair, tenait maintenant dans ses bras une femme d'une seule pièce, parfaitement définie, une vraie femme dont la furie ne s'arrêtait pas et qui, à chaque instant, sans repos ni trêve, voulait être violentée, caressée, traitée en courtisane éperdue. »

Elle n'avait pas qu'un air de courtisane puisqu'elle l'était également à sa manière.
L'honorable et chaste Claudine, femme mariée et respectée, dissimulait plusieurs amants réguliers dans les salons qu'elle tenait, et, le jour où elle fut surprise par Daniel en compagnie d'un autre amant, elle n'eut pas la moindre compassion pour sa victime : « L'idéale Claudine ne fut nullement honteuse ni embarrassée - indignée seulement. Ce fut la Diane irritée et farouche, foudroyant de sa colère le mortel impie qui la trouble dans ses plaisirs. »

Réveillé, encore assommé par toute cette lascivité passée, Daniel se re-consacre avec dévouement à sa vie cartésienne de médecin mais revoit, telle une apparition divine, Marcelle, qui lui parle une dernière fois avec un aplomb impressionnant : « Comprends-moi bien, tu me vois aujourd'hui et tu ne me reverras plus jamais (…) Par une ardeur de mon âme qui m'a toute consumée et brûlée, j'ai voulu être toi, devenir toi-même, je l'ai été et je le suis. Je me suis si bien détachée, isolée, arrachée de tout, que j'ai obtenu cette grâce suprême d'exister hors de moi, et en toi seulement. Non, je n'ai jamais été loin de toi, ni séparée de toi. Sans nul obstacle, je suis où tu es, tu me pénètres, je te possède, et c'est si nous nous voyions, au milieu des mensonges et des lâchetés de la vie, que nous serions vraiment séparés. »

Daniel l'a doublement guéri : du corps et de l'âme, mais il ne doit plus la revoir, ce serait la souiller et dissoudre le lien qui les attache.
« Ah ! Nous avons passé, avec la boue jusqu'au cou, en des marais croupis et pleins d'ombre où grouillent des hydres ; car tout ce que tu vivais, je le vivais, et je souffrais tout ce que tu souffrais. Mais te voilà délivré ! Assez écoeuré et abreuvé de dégoût pour ne plus vouloir retourner à ton vomissement. » (...)

C'est une oeuvre raffinée, faite d'intuitions délicates, de rêves fous et de passions voluptueuses et charnelles. On aimerait citer la moitié du roman tant les belles métaphores sont nombreuses, tant la pensée est tortueuse mais exquise en cette plume si étincelante !…
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