Ce livre, qu'il est aujourd'hui impossible de trouver hormis en bibliothèque - appel aux éditeurs ! - est un petit bijou. Se détachant de tout le fatras bouddhoïde moraliste, consolateur et superstitieux qui s'est développé au fil des siècles autour de la pratique enseignée par Gautama, il revient à l'essentiel. Il est assez amusant de réaliser, à travers ce que nous dit
Stephen Batchelor, que ce qui constituait le contexte culturel de la vie de Gautama, telle l'idée de réincarnation véhiculée par l'hindouisme, soit perçu aujourd'hui comme faisant partie intégrante de l'enseignement qu'il souhaitait transmettre.
“Les idées qui appartenaient à la représentation du monde de l'Inde du VIe siècle avant notre ère se sont figées en dogme. “
Car Gautama était un homme de son temps. Loin de vivre replié au sein de sa communauté spirituelle, il était bien obligé de composer avec les enjeux socio-politiques qui l'entouraient (aspect développé de manière plus fouillée dans “
Itinéraire d'un bouddhiste athée” du même auteur). de même, il s'adressait à ses auditeurs à travers des concepts qui leur étaient familiers. C'est cette même adaptation de la pratique ici et maintenant que nous propose
Stephen Batchelor. Il nous prend à bras le corps dans une étreinte musclée pour nous remettre les yeux en face des trous. C'est un texte percutant, lapidaire et direct, un essorage de tout ce que véhiculent habituellement les traditions bouddhistes. Une mise au clair indispensable à tout pratiquant soucieux de son intégrité et de son indépendance d'esprit, bases d'une spiritualité maturante.
Le propos est sec, mais il y a un curieux paradoxe entre l'austérité de la forme et l'amour de la vie qui jaillit du livre. Cet essai est aussi un éloge de la liberté et de l'imagination, une présentation de la méditation comme immédiateté sensuelle, plongée dans la présence au monde, création de soi.
“Le génie du Bouddha a été son imagination” (157)
“Car si les fondateurs étaient imaginatifs et créatifs, l'imagination et la créativité étaient des qualités rarement encouragées dans les écoles et les ordres qu'ils avaient eux-même fondés.” (158)