J'ai retrouvé le texte d'une conférence que j'avais faite il y a longtemps sur
Baudelaire pour une association psychanalytique. En voici un petit résumé débarrassé de tous les commentaires psychanalytiques. Il est malheureusement impossible de citer ici ces merveilleux textes, car ce serait trop long, mais on les retrouvera facilement.
Les Fleurs du mal rassemblent la quasi-totalité de la production en vers de
Baudelaire: 163
poèmes. Leur parution valut à son auteur une condamnation pour immoralité à une lourde amende (diminuée à
l'intervention de l'impératrice) et l'interdiction de six
poèmes, qui parurent en Belgique puisque une disposition de la constitution belge interdit toute forme de censure depuis la naissance du pays. En France, il faudra attendre le 31 mai 1949 pour que la
Cour de Cassation mette fin à l'interdiction des six
poèmes.
Baudelaire fut alors soutenu par l'écrivain belge
Georges Rodenbach (
Le Figaro, 1892) et par
Victor Hugo, et ce fut à peu près tout parmi les écrivains.
Les six
poèmes interdits, et leurs vers les plus sulfureux (à vous de juger) sont Les Bijoux (Elle était donc couchée et se laissait aimer) le Léthé (Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants Dans l'épaisseur de ta crinière lourde), À celle qui est trop gaie (Ainsi je voudrais, une nuit,... Comme un lâche, ramper sans bruit,.. Et faire à ton flanc étonné Une blessure large et creuse... À travers ces lèvres nouvelles, Plus éclatantes et plus belles, T'infuser mon venin, ma soeur), Lesbos (Hymne à Sapho, poétesse lesbienne), Femmes damnées et Les Métamorphoses du Vampire. Ces
poèmes furent condamnés pour «un réalisme grossier et offensant pour la pudeur» et pour des «passages ou expressions obscènes et immorales». Pourtant, pendant ce temps,
Offenbach ne faisait pas particulièrement dans la vertu.
La plupart des
poèmes sont en alexandrins, quelques-uns en octosyllabes, et un seul, La Mort des amants, en décasyllabes. Ces alexandrins sont parfois coupés en deux hémistiches antithétiques (La douleur qui fascine et le plaisir qui tue), parfois de forme 4 x 3 (La honte, les remords, les sanglots, les ennuis) ou 3 x 4 (Tu fais l'effet d'un beau vaisseau qui prend le large; Teintés d'azur, glacés de rose, et lamés d'or).
Le style est imagé et varié, avec un mélange de vocabulaire simple et exotique, beaucoup de références à la nature, à la mer, à
Paris, à la souffrance, à la mort, quelques références à l'industrie moderne (wagon, omnibus, gaz, charbon), à l'Antiquité, au vin comme moyen d'évasion, à l'art, à la révolte, et beaucoup de références sensorielles («Les parfums, les couleurs, et les sons se répondent»).
À côté de quelques aventures de rencontre comme Sara, ces
poèmes sont surtout inspirés par trois femmes. La plus importante est Jeanne Duval, «la bête implacable et cruelle... une dame créole aux charmes ignorés», à peu près illettrée, rencontrée en 1842 dont
Baudelaire fit son héritière et sur qui il veilla jusqu'à sa mort malgré une rupture en 1856. La seconde est Aglaé Savatier, dite Sabatier (liaison en 1857) qui restera une «vieille amie» (poème La Présidente). La troisième est l'actrice Marie Daubrun, Mais on cherchera en vain dans tous ces
poèmes un seul qui célèbre un amour serein avec une jeune fille, un amour tendre et heureux comme chez
Ronsard ou
V. Hugo.
Les
poèmes les plus connus, avec les moyens de les retrouver, sont
- Spleen (4):
(Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle)
www.bacfrancais.com/texte/25-texte-spleen-quand-le-ciel-bas-et-lourd.html
-
L'Albatros:
(Souvent pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers).
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Albatros_(poème)
- La Vie antérieure:
(J'ai longtemps habité sous de vastes portiques)
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Vie_antérieure_(
Baudelaire)
- Harmonie du soir (pour Mme Sabatier):
(Voici venir les temps où vibrant sur sa tige,
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Harmonie_du_soir
- L'Invitation au voyage, mis en musique par Duparc.
(Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer à mourir,
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés...
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté).
- Et Recueillement (postérieur aux Fleurs du mal) qui commence ainsi :
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Voici quelques autres beaux vers que j'ai aimés, tirés d'autres
poèmes:
Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance.
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent (poème qui pose le principe de la
correspondance des sensations).
L'art est long et le temps est court.
Homme libre, toujours tu chériras la mer.
Comme un hameau paisible au pied d'une montagne.
Et sommeiller longtemps à l'ombre de vos cils.
J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans.
Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles.
Ô Satan, prends pitié de ma longue misère (revient 14 fois dans Les Litanies de Satan, un autre très beau poème),
https://www.unpoeme.com/charles-
baudelaire/litanies-de-satan
Que de merveilles que ce bouquet de fleurs !