Le Baal Shem Tov

Jean Baumgarten est un historien spécialiste du judaïsme d'Europe orientale : il a accès aux sources juives en hébreu et en yiddish, et a déjà écrit deux livres importants, "La naissance du hassidisme" et "Le peuple des livres". Ce bref essai paru en 2020 introduit le lecteur à la connaissance d'une figure importante du Hassidisme, Israël ben Eliezer, dit le Baal Shem Tov, né vers 1700 et mort en 1760 en Podolie. L'auteur tente de reconstituer, en l'absence de sources bien fiables, le lieu et le temps troublés où son personnage est né, et comment, après sa mort, il finit par faire figure de fondateur du Hassidisme. On donne ce nom à la révolution religieuse et nationale (c'est la même chose dans le judaïsme) qui, du XVIII°s au génocide allemand du XX°s, a marqué la vie spirituelle et intellectuelle des masses juives d'Europe centrale et orientale. Ce renouveau est apparu en réaction aux désastres provoqués par deux faux messies, Shabtaï Tsvi et Jakob Frank, et à la vague de massacres antisémites qui balaya l'Ukraine et la Pologne au milieu du XVII°s. Entre les tueries ukrainiennes et celles des Allemands, le Hassidisme a été la vie même du peuple juif.

Jean Baumgarten cherche à mesurer la part et le rôle joués par Israël ben Eliezer, le "Baal shem tov", ou "Maître du Bon Nom". Pour ce faire, il doit analyser critiquement la tradition orale empreinte de merveilleux et de miracles, pour retrouver et réécrire la prose de sa vie. Son héros a exercé le rôle de "baal shem", à savoir d'homme pieux et érudit, versé dans la Cabale, magicien et guérisseur. Il est proche du peuple par ses pratiques magiques et curatives, mais aussi en relation plus ou moins facile avec le rabbin et les autorités académiques officielles, par sa connaissance des textes canoniques. Ce rôle de pont, de passeur entre deux rives, le Baal Shem Tov l'a joué sur une grande échelle, car son influence et celle de ses disciples, ont fini par réconcilier les élites rabbiniques et le peuple des simples Juifs pieux, en associant à la science des uns, la ferveur des autres. A la fin de cette lecture, en voyant le tableau offert par le judaïsme vers 1700, on se demande s'il aurait survécu jusqu'à nos jours sans le Hassidisme.

Sur Akadem, site internet de culture juive, Jean Baumgarten citait cet adage traditionnel sur le Baal Shem Tov : "Celui qui croit à ses miracles est un idiot, celui qui n'y croit pas est un mécréant." Cela fit rire le Hassid, héritier du Baal Shem Tov, qui discutait fraternellement avec lui de ce livre si universitaire.