"Du plus loin que je m'en souvienne, nous avons toujours vécu dans cette maison et aucun père n'a jamais été là."
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Suzanne est une enfant qui grandit sans père, tandis que sa mère ne lui manifeste aucune marque d'affection, ni même d'intérêt. « J'm'en fous de toi » sont des mots crève-coeur que la petite entend régulièrement. Alors l'enfant tente de se construire par elle-même, et apprend très tôt à lire et à compter. Deux aptitudes qu'elle va mettre à profit pour tenir un journal. La lecture est sa seule échappatoire à un quotidien morose, jusqu'à l'arrivée d'une nouvelle famille, dans la maison voisine.
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Construit sur deux parties, le roman nous livre un fragment de la vie de Suzanne, la narratrice, de son enfance à la fin de son adolescence. le contexte dysfonctionnel dans lequel elle évolue est consternant. Une mère qui cumule les relations éphémères. Une maison mal tenue et un frigo trop souvent vide. Pour autant, le seul manque dont elle semble souffrir, c'est d'amour. L'enfant aux cheveux roux, si jeune et pourtant déjà si lucide, m'a bouleversée. Elle parle peu - avec qui de toute façon - mais semble douée d'une réelle force de caractère. Si à l'école elle est une élève brillante, nouer des relations avec ses camarades s'avère compliqué. L'arrivée de Simon, son nouveau voisin du même âge, va bouleverser sa vie.
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Sa famille apparaît comme l'antithèse même de celle de Suzanne. le jeune garçon blond comme les blés, au sourire ravageur, est aussi gentil et cool que Suzanne est introvertie et impopulaire. Il possède l'assurance de ces enfants aimés et choyés. Sa mère est de celles qui vous font des cookies à votre retour de l'école, de celles qui vous couvrent de baisers et s'assurent que vous ne manquez de rien. Claire est la mère que Suzanne a toujours rêvé d'avoir. Une mère qui n'est pas la sienne, mais qui va rapidement la prendre sous son aile, consciente de la souffrance ancrée chez la jeune fille.
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L'empathie que suscite la jeune adolescente chez ses nouveaux voisins fait écho à celle du lecteur. Mais plus le récit avance, plus l'écart manifeste entre les deux familles devient oppressant. Tout ce que nous observons, toute ce que nous apprenons, se fait au travers du prisme de Suzanne. le drame annoncé en début de prologue se rappelle alors à la mémoire, comme une tache indélébile. Une nouvelle équation, qui engendre un certain malaise vis-à-vis de la narratrice. La profondeur psychologique de ce personnage est très intense, et ses émotions sont aussi fortes qu'instables. C'est ce déséquilibre émotionnel qui a éveillé chez moi un sentiment d'angoisse.
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A la manière d'un roman noir, l'atmosphère est chargée d'une tension omniprésente, contenue par l'écriture admirable d'
Aurore Bègue. Celle-ci décrit avec habileté les fondements d'une vie, démontrant toute l'importance que l'environnement social et familial peut avoir sur son avenir.
La mère de Simon est une lecture qui bouleverse et attriste. Je vous encourage vivement à découvrir le talent de l'autrice.
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