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sur 461 notes
Une auto-biographie , quel exercice casse - gueule tout de même .Venir dévoiler son histoire intime aux yeux de tous ceux et celles qui voudront bien suivre votre destin , ce n'est jamais un combat gagné d'avance . Et puis , parler de soi , de sa famille , bonjour le dédouanement , la déresponsabilisation , le mérite de son propre personnage de s'être extrait d'une situation " à la Zola ".Bref , attirer à soi une lumière de nature à retrouver l'estime de soi en reniant le passé . C'est souvent ça , l'auto - biographie .
Et puis arrive Tonino Benacquista qui , à un âge où pointe la nostalgie , où arrive le temps de commencer le bilan , se penche sur son passé de français issu de l'immigration italienne , une immigration mal vécue par des parents dont les portraits dégagent un respect et un amour retenus et pudiques mais sans tabou .Tonino Benacquista s'est nourri de lectures - et quelles lectures ! - pour se construire une magnifique personnalité d'écrivain - et quel écrivain ! ".Loin de pleurer ou faire pleurer , de gémir ou faire gémir sur son sort , le voilà qui nous plonge dans sa réalité de littéraire méprisé par la " masse " de matheux orgueilleux et imbus de leur personne , fiers de la voie dorée qui leur est offerte , contrairement à celle , désespérée , des linguistes ou amoureux des lettres , Un régal pour le modeste paresseux que j'étais moi même .Une trés belle leçon de vie et de réussite dans un univers qui le condamnait d'emblée .Hors les maths , point de salut disait -on il n'y a pas si longtemps , et même peut - être encore , hélas , aujourd'hui ..;Certains clichés ont la vie dure dans une Education Natinale qui se revendique égalitaire !!!
Tonino Benacquista ne critique pas , la description de son approche des lettres est bien au - dessus de tout cela et j'avoue que cette humilité et cette culture m'ont touché et , sans doute , remis à la place de lecteur lambda mais lecteur transporté dans des fictions dorées à l'or fin , des fictions dont ses parents , ses soeurs , ne sont pas absents et où personne ne choisit son destin mais peut le provoquer , voire mieux : l'assumer .
J'ai adoré le passage d'"Une vie " de "mots passants " ,l'hommage aux profs de français ,la quête de compréhension des parents , les fictions de la fin et ...bien d'autres extraits , de quoi relever des citations à foison .
Commencé en milieu d'aprés- midi , j'ai lu ce livre sans m'interrompre , c'est dire . Et ce soir je me sens plus riche d'idées , plus serein , plus motivé que jjamais à aimer lire , même si cette activité ne recueille pas tous les suffrages de personnes convaincues que ce n'est là qu'une activité de...paresseux ! Oui , mais sur Babelio , on assume et avec un tel avocat , on n'a même pas peur .
Quant au style ...J'arrête et je laisse la place .Mais attention :aprés avoir lu cet ouvrage , certains écrivains ou consoeurs pourraient poser le stylo .Ce serait dommage .Personnellement , je vais rester lecteur .Pas envie d'écrire un mauvais texte quand j'ai devant moi de si belles lectures à venir .
Quel beau pladoyer pour l'écriture , mais ça , chers amis et amies , ce n'est que mon ressenti .
A trés bientôt .
Ah , au fait , avec cette lecture , je n'ai pas eu le temps de tondre ma pelouse ! mais mon épouse m'a dit que ce n'était pas grave , " qu'à trop tailler , la nature se taille " ! Chez mon voisin , c'est " tiré au cordeau " .Bof , c'est un matheux ...sympa ..mais matheux .
Amicalement .
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Un ressentiment réciproque que l'un noie dans l'alcool et l'autre dans la dépression, un naufrage parental dont les enfants sont les premiers à pâtir, voilà ce que raconte Tonino Benacquista dont l'immigration d'Italie en France de ses parents dans les années 50 n'a pas rempli ses promesses, bien au contraire. Pourtant pour le benjamin de la fratrie, le seul des cinq enfants à être né en France, si le constat est amer face à ceux qui ne lui ont transmis aucune culture, que d'ailleurs ils n'avaient pas, le salut, l'ouverture au monde passera par la littérature. Une littérature qui s'est d'abord refusée à lui, incapable qu'il était d'ouvrir un livre pendant une partie de sa scolarité, tout en aimant déjà, ce qui est pour le moins paradoxal, écrire des histoires. Des histoires qu'on ne peut qu'aimer, comme celle de sa famille, avec ses mélancolies, ses bas et ses hauts, ses hontes et ses fiertés. Parce que qu'il se livre sur une profonde dépression arrivée au moment du succès, ou qu'il réécrive l'histoire de ses parents sous un jour plus favorable pour leur rendre hommage, car dit-il : « Se livrer au plaisir de l'extrapolation, c'est se consoler du talent que la vie n'a pas eu. » Tonino est un merveilleux conteur qui par la force de son humour et la finesse de son imagination nous séduit irrésistiblement.
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Des souvenirs d'enfance d'écrivains, j'en ai lus beaucoup, et pourtant je retombe presque toujours sous le charme.
Celui-ci m'a d'abord fait penser aux souvenirs de Daniel Picouly ou d'Azouz Begag, ou comment un enfant d'immigrés quasi illettrés devient un fou d'écriture et de lecture…
Pour la lecture, ça a commencé mal et tard pour l'auteur.
Comme il n'a pas eu accès à des livres pour enfants, il s'est cabré devant les premières lectures. « La guerre du feu » le perd, « La maison du chat-qui-pelote » lui fait l'effet d'être une langue étrangère…
Et pourtant il l'aime, la langue française, mais il ne veut pas la lire, il veut l'écrire…
Et c'est comme cela qu'il apprivoisera notre langue, en rédigeant des « rédactions », des dissertations, puis en se hasardant aux nouvelles, aux scénarios, aux polars, avec le succès que l'on connait…

Beaucoup de charme donc dans cette lecture où Benacquista se livre de manière très intime, aussi bien sur l'alcoolisme de son père que sur son agoraphobie.
C'est un auteur que je suis depuis ses débuts avec « La maldonne des sleepings » et « Trois carrés rouges sur fond noir », puis « Saga » et « Quelqu'un d'autre", c'est un vrai raconteur d'histoires tendance roman noir et humour, et ça j'aime beaucoup !

Merci à Babelio / Masse critique et Galimard pour l'envoi.
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"Putain de merde" !
Voici à quoi peut se résumer toute une vie.
La vie d'un père immigré qui termine ses journées aviné, chancelant et jurant sous son nuage d'alcool.
Un père rustre, illettré, incapable d'exprimer son amour à sa famille.
Un père dont le comportement quasi suicidaire reste une énigme pour le jeune Tonino qui doit également composer avec une mère dépressive, un frère qui ne lui servira pas de modèle et des soeurs au caractère bien trempé.
La vie de Tonino débute comme celle d'un roman naturaliste, laborieuse et austère. Les livres ne sont pas ses amis. Balzac et Maupassant passent dans un premier temps pour de véritables tortionnaires.
"La guerre du feu" n'embrase pas son lecteur, elle l'aveugle.
Et pourtant, un jour il se mettra à écrire des histoires, jusqu'à flirter avec l'obsession passionnelle et en faire son métier.
Un métier rêvé mais impuissant devant les démons ataviques qui le prennent un jour par surprise.
Le phoenix à l'imagination débordante renaîtra néanmoins de ses cendres avec le soutien de guerriers à l'amitié indéfectible.
Tonino en sort blessé, marqué mais grandi. Il a compris qu'il pouvait revenir sur son passé et le marteler jusqu'à ce qu'il épouse sa conscience avec harmonie.
Nom d'un chien, il m'a touché..


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J'avais découvert Tonino Benacquista avec son roman : Saga qui m'avait plu.
Aujourd'hui, je renoue avec cet auteur avec : Porca miseria où il nous raconte avec beaucoup de tendresse et d'humour ces jeunes années.
Tonino Benacquista, comme son nom l'indique est italien, ses parents ont immigré en France. Ses frères et soeurs sont nés sur le sol italien.
Lui seul, petit dernier naît en France. Ce qui ne lui évitera pas de ne pas vivre et ressentir le statut de déracinés des siens.
Avec toutes ces questions identitaires qui en découlent, suis-je italien ou français?
Mais rapidement, il va trouver un modus Vivendi à son " italianité".
" L'Italie, c'est celle des autres.Celle de mes parents qui la portent en eux comme un regret ou un remords.. l
L'Italie appartient à ceux qui la vivent, la rêvent et l'oublient, et je ne suis pas de ceux-là. "
Une fois ce débat tranché, Tonino Benacquista nous raconte sa fascination très jeune pour l'écriture et paradoxalement son rejet de la lecture pendant longtemps.C'est en lisant Maupassant qu'il découvre le délice de lire.
J'ai trouvé très émouvant le passage, où l'âge adulte consacré et écrivain reconnu, il nous parle avec beaucoup de pudeur de cette anxiété extrême qui va lui briser sa vie, l'empêcher de se déplacer..
A sa façon, il rend hommage à son père, alcoolique invétéré mais au final peut-être qu'il a aimé ses enfants sans pouvoir leur montrer.
Tonino Benacquista dans ce roman autobiographique se livre sans fard et en toute sincérité.Ce qui m'inspire un grand respect pour ce livre!
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**[Choisi chez mes camarades... Librairie Caractères / Issy]- Lu le 27 janvier 2022

Coup de coeur pour cet écrivain que je souhaitais lire depuis longtemps ... Voilà qui est fait , avec son dernier livre, différent de ses écrits antérieurs... Puisque notre auteur, à l'aune de la soixantaine, décide de revenir à un récit plus personnel...

Une lecture étonnante, réunissant résilience et optimisme très communicatif !...Etonnante lecture , aussi, car on ressent la jubilation, le bonheur, la Liberté que le goût des mots et de l'écriture ont apporté comme force et indépendance à ce petit garçon, franchement "mal parti" !!

Dans cet ouvrage ,Tonino Benacquista , connu mondialement pour ses "policiers" publiés chez Gallimard, revient sur son enfance, ses souvenirs, son parcours atypique de fils d'émigrés italiens, des parents vaillants mais mal assortis....Cinq enfants dont le petit dernier [**notre futur écrivain ], "cancre absolu et confirmé ", détestant l'école, la Lecture même... fait le désespoir de ses professeurs [hormis une de ses profs de français ] .
Ce qui le réjouit avant tout c'est d'écrire, et de devenir selon ses mots "Fabricant de fiction "... A ce propos, je transcris un extrait irrésistible de ce miracle de l'ECRITURE, qui pour ce jeune garçon est avant tout un moyen de "Transgresser", de réparer...de se venger de ce qui le révolte dans sa condition d'enfant pauvre, émigré... ayant du mal à saisir le monde des adultes...et d'y trouver une place, même petite... !!

"Trouvez une autre fin au roman de Roger Vailland, 325 000 francs.Mme Foux et son goût pour le texte engagé. Elle nous affranchit de la lecture in extenso en nous soumettant quatre extraits qui résument tenants et aboutissants de l'intrigue. Un ouvrier en usine veut "se faire une place au soleil ".Son rêve est à portée de main? Il finira manchot. L'épilogue semble nous dire qu'on n'échappe pas à la condition de sa naissance. Mme Foux nous somme de lui donner un autre destin. À la croisée de notre sens moral et de notre imagination. le venger? le faire rentrer dans le rang ? M'affranchir? Bizarre et délicieux sentiment de transgression que de substituer à l'auteur. Dans la classe, les natures se révèlent : les conformistes, les fatalistes, les optimistes,les cyniques.Au fait,qu'enseigne-t-on dans les autres matières ?"(p.92)

Ayant réussi à éviter le destin tout tracé et peu glorieux qui l'attendait, de petit émigré peu instruit, il s'engouffrera avec talent et avec succès dans son rêve (devenu réalité): "Fabricant de fiction", réussissant à être publié dans la célébrissime collection de Gallimard, la "Série Noire"...

A cette consécration à peine imaginale surviendra une période difficile de "dépression", de "mélancolie", comme le contrecoup d'une trahison de son milieu et de ses parents. Récit qui m'a fortement intéressée et émue...
Qui m'a fait songer à un autre écrivain, interpellé par ce sentiment de culpabilité dû au changement de classe sociale; je désirais nommer Roger Vailland...

En dépit de leur couple "bancal" qui apporta à a cette fratrie de nombreux orages et amoncellement de nuages assez sombres, L'auteur rend un hommage intense et sans mièvrerie à ses parents !

Je terminerai par un extrait très éclairant sur le ressenti contradictoire du Succès tant espéré :

"Quand mon mal me laisse en paix au point de se faire oublier, j"essaie de lui donner,une fois débarrassé des terminologies cliniques, une symbolique profonde. Une piste parmi d'autres pour décrire ses raisons de me hanter : j'ai déjoué, et trop tôt, une fatalité. A l'inverse d'un personnage de Roger Vailland, j'ai échappé à ma condition de naissance.je n'ai connu ni l'échec, ni la pénibilité du labeur, ni l'obéissance aux ordres. J'ai trahi ma classe, j'ai ri aux préceptes religieux de ma paroisse,j'ai échappé à un destin tout tracé. "(p.178)
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T. Benacquista vient ici se livrer, son enfance, ses rencontres avec la langue et la littérature. Je ne peux qu'approuver, en plus, que Cyrano de Bergerac est un chef d'oeuvre, comme Little Big Man un film culte parmi sa belle liste re-mémorative. Pas toujours facile cette dualité avec ses origines, partagé entre la France et l'Italie : à la Coupe du Monde de football, va-t-il défendre l'une ou l'autre ? Il joue avec cette histoire de famille, nous laissant presque choisir celle qui nous conviendrai le mieux. C'est du très (très) beau texte. Souvent, des phrases où l'on s'arrête immanquablement. Par exemple, il nous parle de son père, italien de caractère, ouvrier émigré par choix, ivrogne de son état, et se demande comment on peut être si orgueilleux et manquer à ce point de dignité.
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"Chienne de vie", en français. Sur un ton ou plutôt avec les accents de quelqu'un s'excusant presque d'être devenu ce qu'il est Tonino Benacquista, filial et fraternel, adresse une rare et pudique déclaration d'amour aux siens, à ses profs de français, aux livres et à la littérature, dans un exercice d'autobiographie comme je les aime, mêlant drôlerie, gravité et invention formelle, qui croise le récit d'un déracinement familial et celui de sa success story inattendue d'écrivain, "l'insolente réussite" qui l'oblige à traverser ici le miroir familial. C'est l'histoire de ses parents, Cesare et Elena, Italiens installés en France en 1954 avec quatre enfants nés "là-bas", vue, racontée et imaginée aussi pour ce qu'elle aurait pu être, par lui-même le petit dernier, né à Choisy en 1961. le plus français de tous se fait l'observateur affûté, portraitiste tendre de son attachante fratrie et se penche quelquefois avec humour sur la notion d'atavisme. Son côté paternel Benacquista, ceux qui "tordent le cou des lapins et retournent leur peau comme un gant", son côté maternel Polsinelli, ceux "qui taillent des costumes sur mesure"... "qui piquent et brodent dans leur atelier de couture" (p.112), qui ne quittent jamais leur pays. Chez les Benacquista l'oncle paternel Luigi a réalisé "le rêve américain" de beaucoup d'Italiens en faisant fortune aux États Unis et rendrait plus cruelle encore "l'émigration subie" de son frère cadet Cesare en France. D'où la portée symbolique réparatrice de sa réception d'un César du meilleur scénario par Tonino, évoquée dans les dernières pages de son livre (p.183).

À l'inverse de tant d'écrivains qui s'attardent sur de précoces souvenirs de lecteurs pour raconter leur parcours d'écriture, lui doit d'abord parler de la conquête des mots d'une langue restée en travers de la gorge de ses parents et expose au contraire sa résistance peu commune aux livres, "La lecture n'est pas un refuge mais un fardeau" (p. 47), sa scolarité défaillante entre les livres qui se refusent à lui, ceux qu'il évite de lire, ne lit pas ou ne veut pas lire mais s'autorisant, suprême imposture ou culot, du collège au lycée, faute de lapin et grâce à son imaginaire débordant, à "tordre" en bon Benacquista, le sens des mots et des questions, à "broder" en vrai Polsinelli, ses propres fictions. le cinéma est et restera un attrait pour ce "résistant créatif". Après l'envolée vers la vie d'adulte de son frère aîné et de ses trois soeurs, la solitude béante, le spectacle du désarroi de Cesare et Elena ses parents mais, plus fort que tout le reste, le rêve qui va s'accomplir de vivre de l'écriture. En questionnant le rendez-vous manqué de ses parents avec la France et le sien avec eux, Tonino Benacquista montre de manière bouleversante les deux figures abîmées d'un même couple, qu'un ressentiment mutuel destructeur menant à l'ivrognerie de l'un et à la mélancolie profonde de l'autre rendit négligents du devenir de leurs enfants. Cette traversée du miroir familial, au-delà des souvenirs douloureux qu'elle ravive, prend une forme créative élégante bâtie en courts et stimulants chapitres se suffisant à eux-mêmes, tantôt narratifs, tantôt imaginatifs ou plus méditatifs où s'inscrit l'itinéraire d'un amoureux des arts (le cinéma en particulier) et l'histoire d'une ouverture salvatrice aux livres, le secret d'un passage rituel vers la citadelle littérature dont il faut aller en toute hâte découvrir celle qui lui en remit les clés ("C'est beau un colophon").

"La vie, ça n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit"
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La lecture de ce roman autobiographique m'a offert de belles émotions au travers des confessions de l'écrivain :
- Fils d'émigrés italiens en banlieue française.
- Cesare Benaquista, un père alcoolique, irascible, pleutre.
- Elena Polsinelli, une mère absente, effacée, mais qui prononcera comme une injonction ce qui a été le point de bascule de sa propre vie :  « Ne vous mariez jamais, n'ayez pas d'enfants ».
- Une grande fratrie dont, petit dernier, il sera le seul à naître sur le sol français.
- L'émigration en France où seules la misère et la honte seront une réussite.
- Ses parents ne parviendront pas à trouver leur point d'ancrage, l'Italie regrettée par la mère, la France rejetée par le père…
Pour l'auteur, le narrateur, c'est la France : « Quel autre pays aurait donné à un enfant né de parents illettrés le goût d'écrire ».

Malgré une jeunesse pas vraiment misérable mais quasiment dénuée de liens affectifs, excepté avec ses frère et soeurs, Tonino Benaquista rend hommage à ses parents déracinés; on ressent très fort sa compassion à leur égard.

Certains passages m'ont touchée en plein coeur, entre autres lorsque l'auteur raconte son agoraphobie et ses vaines tentatives d'explications; lorsqu'il s'interroge sur la légitimité de son succès : son mal être est-il le prix à payer pour avoir réussi, là où ses parents ont échoué ? Son parcours atypique de romancier est très émouvant également.

Je viens de découvrir la plume et le talent de Tonino Benaquista en commençant par son autobiographie, il s'agit pour moi d'une porte d'entrée grande ouverte que je franchirai avec joie en lisant l'un ou l'autre de ses romans, car son style, son humour et sa gravité m'ont séduite au plus haut point.

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Pour commencer cette critique, je tiens à remercier chaleureusement les éditions Gallimard et Babelio pour leur confiance dans ce partenariat Masse Critique.

Dès l'annonce de la sortie de ce livre, j'étais curieuse de voir comment Tonino Benacquista, ce romancier discret à l'esprit malicieux et aux écrits efficaces pourrait se dévoiler dans un récit plus intime. Il est peu commun pour des écrivains de se raconter de leur vivant, mais on reconnaît aussi la pudeur dans la stratégie d'écriture qu'a été celle de Benacquista. Se raconter en racontant les siens. Bien joué Tonino !

Ce qui m'a aussi attiré c'est cette expérience de déracinement et l'arrivée en région parisienne, qui a aussi été vécue par mes grand-parents un peu plus d'une décennie plus tard. Donc à travers Elena et Cesare, je pense que (consciemment ou non) j'ai cherché à retrouver mes grands-parents. Mais qu'importe, fermons cette parenthèse !

Tonino Benacquista raconte presque moins l'histoire de ses parents que sa relation complexe avec la langue française qui aurait dû être "100% naturelle" - puisqu'il est né en France, mais en réalité, le français était en concurrence avec le dialecte parlé chez lui - et l'école (l'institution qui incarne, par excellence, la langue française).
Il décrit d'ailleurs très bien comment les enfants Benacquista deviennent à la fois traducteurs et ambassadeurs de cette langue à laquelle les parents résistent comme ils peuvent , par fidélité à leur identité. Tonino Benacquista montre aussi comment l'acquisition de cette langue cristallise les enjeux de réussite et d'intégration pour les enfants de la famille. Rien n'est linéaire et beaucoup de choses paraissent contradictoires ( j'imagine, pour qui n'auraient pas cette expérience inscrite dans leur histoire familiale). Pour ma part, ce que j'ai trouvé absolument génial c'est de voir la façon dont Benacquista met tout cela en scène et nous amène à comprendre comment la cohabitation de ces deux langues, de ces injonctions contraires et les espoirs et frustrations des parents ont conditionné le sentiment de malaise des enfants :
- ils parlent français comme les autres "vrais français" pourtant leur expérience, leur enfance est différente
- parler le dialecte, la langue des parents les rattache à la terre originelle, mais l'expérience qu'ils en ont est "édulcorée"
D'autant plus qu'Elena et Cesare oscillent sans cesse entre le passé idéalisé, le présent contrarié et le futur qui angoisse. le tout, très bien écrit, ce qui ne gâche rien.

Alors, le refuge du jeune Tonino finit par s'imposer, pas comme une évidence, mais à mesure d'expériences : la lecture. C'est dans les romans ou les nouvelles qu'il finit par aimer que le jeune Tonino comprend ce que c'est d'être un citoyen du monde et un être humain. J'ai bien rit en lisant les critiques qu'il fait de certains classiques illisibles et déconnectés de sa réalité qui le "gonflent" franchement.

Les réflexions sur l'école et la lecture de cet ancien collégien (et lycéen) qui était loin d'être le premier de la classe et pas toujours aussi studieux que certains profs auraient aimé le croire, devraient être lues par beaucoup de nos enseignants de l'Education Nationale et surtout leurs dirigeants car elles sont plus vraies et plus éclairées que toutes les réformes qui passent et sont passées.

J'ai été touchée par ce récit où l'imaginaire est devenu le vrai "chez lui" de l'auteur ainsi que son expérience d'apprentissage sur la vie (à un moment où les parents ont trop de frustrations à gérer) - et j'ai déjà beaucoup conseillé ce livre.
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