Que tout soit à la joie /
Emmanuelle de Boysson
Juliette, venue d'Alsace où vit sa famille, vient de s'installer à Paris. Elle a dix-neuf ans. Fille de bonne famille, entre la prépa pour
Sciences Po et les cours de théâtre, elle essaie de trouver sa voie.
Elle fait connaissance de la famille Dumontel, dont Solange, la mère est une amie de sa mère. La famille Dumontel fait partie de ce qu'on appelle les familles « lancées », bourgeoises et quelque peu snobs. le mari est mort dans un accident d'avion et les quatre enfants font bloc autour de Solange.
. Nous sommes dans les années 70 et mai 68 est encore dans toutes les mémoires. Juliette connait ses premières amours et ses premières déceptions. Dans la famille Dumontel, on parle volontiers de philosophie avec Bergson, de littérature avec
Kundera et d'astrologie. On aime aller skier à Courchevel et bronzer à Saint-Tropez, dîner chez Lipp ou Ledoyen. Juliette observe leurs regards, brillant tantôt d'une pointe de suffisance, tantôt d'une insolente indifférence qui révèle leur conscience d'être d'un certain milieu, mettant entre eux et les autres une invisible frontière. Ils ont le sentiment de faire partie de l'élite. Pendant ce temps Juliette a l'air d'une provinciale endimanchée face à leur aplomb d'enfants gâtés. Elle se sent comme illégitime en ignorant les codes et les traits d'esprit qui donnent accès aux clubs des Parisiens de bonne famille.
Juliette est amoureuse de Jean-Michel Dumontel, le fils doué, polytechnicien. Et l'oncle Paul, frère de sa grand-mère maternelle, prêtre, est son confident, lui que l'on appelle le cardinal Dantec, qui la fait valser entre la Compagnie de Jésus et le jansénisme de Pascal et qui l'encourage déjà à écrire.
C'est alors qu'un scandale va éclabousser sa famille : la mort dans des conditions équivoques de l'oncle Paul ! L'événement sonne la fin de l'insouciance et Juliette se lance dans une quête éperdue du bonheur et de l'amour.
Des années plus tard, Juliette mariée et devenue mère de famille, rêve toujours de devenir écrivain et va tenter de démêler ce scandale familial à travers l'écriture, essayer de découvrir la vérité concernant cet oncle Paul qu'elle a tant aimé et admiré. Mais explorer le passé de Paul ne fait pas l'unanimité au sein de la famille. Soutenue par son époux, Juliette persiste et tente de faire face à tous les obstacles.
Ce roman retrace dans un style sobre l'itinéraire d'une femme aspirant à s'affranchir des conventions quand il s'agit de retracer la vie d'un homme respecté, admiré mais ami des prostituées comme le fut jésus si proche de
Marie-Madeleine. Et Juliette de poser la grande question : peut-on être homme de Dieu et homme de chair ?
Que tout soit à la joie retrace l'épanouissement d'une femme privilégiée mais aspirant à élargir les horizons étriqués qui lui sont réservés. Une plongée délicieusement nostalgique dans la France des années 1970, qui explore le sujet tabou de l'amour des prêtres.
Personnellement, je distinguerai deux parties dans ce roman : une première un peu longue établissant le cadre de vie de familles bourgeoises et une seconde qui débute quand Juliette se consacre entièrement à l'écriture de l'histoire de son oncle Paul, abordant ainsi le vif du sujet.
Il faut savoir que
Emmanuelle de Boysson est la petite nièce du cardinal Danielou, (Dantec dans le roman) décédé en 1976 dans des lieux que la morale réprouve selon l'expression de l'époque.