Les amateurs de roman historique, et plus encore, de roman historique « antique » connaissent peut-être le nom de
Gillian Bradshaw. Cette romancière américaine, née en 1956, pas des plus connues chez nous, nous a pourtant gratifiés, dans le genre qui nous intéresse, de plusieurs beaux romans, dont trois traduits en français : «
le phare d'Alexandrie » (1986) (Ephèse et Alexandrie, au IVème siècle après J.C) ; «
Pourpre impériale » (1988) (Empire Byzantin, Vème siècle) et «
L'Aigle et le dragon » (1998) (l'extraordinaire épopée de cavaliers Sarmates en Bretagne, au IIème siècle).
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le Phare d'Alexandrie », avant toute chose, est un superbe portrait de femme. La jeune Charis a la médecine dans la peau. Mais cette discipline, comme beaucoup d'autres, est interdite aux femmes. le seul moyen d'arriver à ses fins, c'est de se travestir en homme (en eunuque, en l'occurrence) et d'étudier à Alexandrie, plate-forme, dans toute l'Antiquité, de la culture universelle. C'est le début d'une extraordinaire aventure, où Charis (rebaptisée Chariton pour les besoins de la cause) va connaître bien des malheurs et bien des bonheurs, qui vont lui faire parcourir l'Empire romain jusqu'au pays des Barbares.
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le Phare d'Alexandrie » est un roman remarquable à tous points de vue : d'abord c'est un superbe roman historique. La documentation, particulièrement sérieuse et bien adaptée (ce n'est pas toujours le cas) donne à l'action un cadre solide et très vraisemblable, et nous, lecteurs et lectrices, nous apprenons beaucoup de choses sur cette période moins connue (et moins illustrée par les romanciers) que l'époque julio-claudienne. Ensuite c'est un grand roman d'aventures : l'épopée de Charis/Chariton est d'autant plus remarquable qu'elle ne devrait pas exister, tant la condition des femmes à cette époque était loin de ce qu'elle est à la nôtre (et de ce qu'elle sera demain). C'est un beau roman d'amour : comment dire à Athanaric qu'il est l'homme de sa vie ? C'est aussi un documentaire intéressant sur les sciences en général et la médecine en particulier, à une époque pas si barbare que ça dans beaucoup de domaines. Ce n'est pas le moindre intérêt de ce roman (et de quelques autres) de faire tomber les idées reçues véhiculées par des siècles d'ignorance. Enfin répétons-le, c'est un magnifique portrait de femme que nous offre
Gillian Bradshaw : volontaire, décidée à accomplir sa destinée en suivant ses propres choix, Charis est une femme de caractère, qui connaît aussi des moments de doute et de faiblesse, son métier de médecin lui donnant à la foi la force d'âme, la capacité de résistance et aussi la compassion devant le malheur. Peut-être la vision du « féminisme » de Charis est-elle plus contemporaine que voulue par l'époque, qu'importe, après tout, cela n'enlève rien au roman, ni son attrait, ni son rythme, ni son charme.
Voilà un roman que vous n'êtes pas prêts ou prêtes d'oublier, et une héroïne qui vous accompagnera longtemps, dans vos rêves et vos pensées, sinon sur votre table de chevet….