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La pêche à la truite en Amérique /Richard Brautigan
Si au cours de vos lectures vous rencontrez des truites à bosses chaleureuses, un chat répondant au doux nom de 208, un réveille-matin gonflable pour aller camper, c'est que vous êtes dans un roman déjanté de Richard Brautigan.
Dans ce roman qui n'en n'est pas un, complètement hors norme, l'auteur nous emmène en promenade à travers les Etats-Unis pour des parties de pêche inénarrables et des rencontres insoupçonnées. du Montana à l'Idaho en passant par le Missouri et la Californie et l'Oregon, en un vagabondage au fil de l'eau, Brautigan nous emmène là ou même on peut trouver à acheter des ruisseaux à truites d'occasion !
Ce livre, un véritable ovni m'a rappelé un peu Boris Vian dans l'Écume des jours. La poésie et l'humour en alternance sont omniprésents pour évoquer l'errance d'un couple avec enfant parti à la recherche de l'Amérique. Brautigan avide de retour à la nature nous replonge dans le monde de la génération de Woodstock avec une succession de petits textes délirants très peace & love. Les délires et délices lexicaux et les rapprochements sémantiques ne manquent pas qui nous font sourire dans ce livre complètement farfelu où la truite est un véritable totem.
Alors on aime ou on n'aime pas et les 100 premières pages sont un peu dures à avaler, allant de délires en délires. Personnellement, j'ai respecté l'auteur en allant jusqu'au bout du livre, mais je dois bien dire que j'ai eu un peu de mal à suivre ! J'ai de loin préféré « Sucre de pastèque », que l'on trouve souvent dans le même recueil et que je commente à part.
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La pêche à la truite en Amérique s'ouvre comme un album photo : un vieux cliché en noir et blanc nous montre Richard Brautigan et sa femme devant une statue de Benjamin Franklin au début des années 60. Les souvenirs personnels se mêlent ainsi à L Histoire des États-Unis. Ces deux temporalités vont s'entremêler au fil d'images où le réel se laisse emporter par l'imaginaire.

Insérées de façon parfois totalement surréalistes, les références culturelles permettent des décalages comiques. Comme le passage burlesque où l'assaut du FBI contre John Dillinger se rejoue dans un bac-à-sable. À l'inverse, un paisible berger devient un clone d'Hitler, que Brautigan nargue en traversant son troupeau de moutons dans tous les sens.

Pour nous inciter à le suivre dans ces sinuosités, l'auteur nous appâte avec sa prose poétique, fil directeur et fil de pêche. Très inspiré par Baudelaire, Brautigan nous fait apprécier le son de l'alcool avant son goût. L'odeur des moutons prend la couleur du soleil et la saveur du café. Les criques et les fleuves se déploient selon une eurythmie de la pêche à la truite, semblable à l'harmonie des lignes se balançant avec langueur dans l'eau.

Comme des ondes qui se propagent, ces transformations atteignent l'essence de l'oeuvre. À grand renfort de métaphores et de métonymies, l'oeuvre prend corps à l'intérieur d'elle-même, sous forme humaine, ou de ballet, de manifestation, de plume de stylo… Autant de glissements à décrypter pour y lire une vision douce-amère de la société de consommation et de la contre-culture des années 60. Brautigan se fait le chantre de cette dernière pour préserver la mémoire d'un mode de vie en marge, proche de la nature et ouvert aux mythes (américains ou non). Comme on le voit, les représentations susmentionnées de la pêche à la truite en Amérique ne ressemblent pas à un livre. Elles évoquent les métamorphoses mythologique de Protée et de l'Achéloos, un fleuve grec qui doit vraisemblablement comporter quelques truites.

La poésie a le pouvoir de (re)créer notre monde à travers le langage, et Brautigan l'illustre par les morceaux de réel que le livre change à son image. Au fil de cette contamination impressionniste, c'est finalement le réel dans son ensemble qui bascule dans la fantaisie (voire la fantasy) à travers le court roman « Sucre de pastèque ». La marginalité pastorale devient le centre du monde, via le hameau de iDEATH, communauté macabre à la Hamlet qui noie les cercueils de ses morts et les couvre de fleurs, tandis qu'une grande et vieille truite aux allures de Bouddha observe la vie s'éteindre. La VF traduit parfois iDEATH par PenseMORT, ce qui ne rend pas très bien l'idée de mort du « moi », ce « i » qui perd ici le caractère capital dont l'anglais l'affuble habituellement. L'écriture de Brautigan atteint là son dépouillement ultime, laissant derrière elle des montagnes d'« Oeuvres oubliées », comme pour débarrasser l'esprit de tout ce qui l'encombre et donner de l'importance à la nature. Celle-ci est célébrée par des sculptures de végétaux et cultivée en bonne harmonie, de telle sorte que le sucre de pastèque et l'huile de truite constituent les ressources principales de iDEATH, utopie noire dont la paix nie certaines lois de la nature telles que la prédation. Mais il s'avère vain de bouillir de rage face à iDEATH, car la mort fait partie intégrante de ce lieu et se retrouve apaisée par ses rites.

Comme des truites surnageant à contre-courant, les mots de Brautigan retiennent l'attention par leur riche simplicité, qui redonne du sens au monde.
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Comme chacun sait, tout est bon dans la pastèque. 

Son sucre, doué de formidables propriétés mécaniques, permet, après un traitement idoine, de fabriquer des tuiles, des briques, des poutres. Correctement transformé, il remplace avantageusement le verre des fenêtres. Bref, c'est un excellent matériel de construction. Remarquable aussi, le sucre de pastèque comme matière textile. de plus, mélangé à de l'huile de truite, il éclairera d'une jolie flamme votre intérieur en dégageant une subtile flagrance. Rappelons que l'encre de pépin de pastèque est 100 % éco-responsable. On en oublierait presque que certaines tribus primitives se nourrissent de ce cucurbitacée, elles en trouvent apparemment la chair délicieusement désaltérante.

C'est un peu près tout ce qu'on peut retenir du premier texte de ce volume, intitulé Sucre de pastèque.

La seconde oeuvre, le best-seller de Richard Brautigan, qui lui a valu le sobriquet de dernier des "beats", est consacré à l'activité préférée du philosophe bucolique et du baba cool désengagé : la pêche à la truite en Amérique. Ce récit est composé d'anecdotes et de choses vues glanées durant les pérégrinations halieutiques de l'auteur  à travers la Californie, l'Idaho et l'Oregon. Brautigan sacrifie à son penchant pour l'absurde, le cocasse et le nonsense.

Curieuse décision de faire précéder "l'oeuvre-phare" de l'auteur, d'un récit d'une indigence rare. La pauvreté du contenu de Sucre de pastèque, rendue plus flagrante par des pages à moitié remplies n'a d'égale que son cadre ubuesque. le lecteur échaudé par le vif sentiment qu'on se fout de sa trogne, aborde la Pêche à la truite en Amérique, qui n'est pas dénué d'intérêt certes, mais n'a rien d'absolument bouleversant, dans des dispositions rien moins que bienveillantes. On se demande ce qui vaut à Richard Brautigan la réputation d'auteur culte. 
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"I'm headed for a land that's far away
Besides the crystal fountains
So come with me, we'll go and see
The Big Rock Candy Mountains"
(Harry McClintock, poète et chanteur américain)

On peut facilement imaginer un lecteur perplexe qui referme le "Sucre de pastèque" en grommelant : "mais cette histoire n'a ni queue ni tête !". Et il n'aurait pas tort.
Il faut dire que le livre de Brautigan manque aussi d'un nombre considérable d'autres éléments anatomiques. Par exemple, à peu près vingt nez, autant de paires d'oreilles, un tas de doigts, et par-ci par-là aussi un oeil.
D'un autre côté, l'auteur nous propose quelques curiosités difficilement trouvables ailleurs.
Le sucre de pastèque, pour commencer. Puis, au hasard, les statues géantes de laitues et de carottes, Margaret, Pensemort, les tombes phosphorescentes au fond d'une rivière, une vieille truite avec une clochette dans la bouche, et même de savants et féroces tigres qui chantent à merveille au clair de lune et apprennent l'arithmétique aux enfants. Sans oublier Inboil, l'Usine Oubliée, le soleil qui change chaque jour de couleur, Margaret, Pauline et encore Margaret.
Tout cela pourrait suffire pour compenser l'absence totale de queue et de tête...

On y trouve aussi un narrateur ; cette fois il lui manque un nom, et il va même utiliser tout un chapitre pour ne pas nous le dire. Comment fait-il ? Faisons une petite expérience en découpant la phrase "XY est mon nom" en deux. Vous enlevez "XY" et vous le remplacez par ce que vous voulez. Disons par "pastèque". Ou "herbe". Ou "truite dans une rivière large de huit pouces". Ou "queue", ou "tête"... et voilà, le tour est joué : plus aucun souci avec le livre !
Bien au contraire, Brautigan nous pousse à voir son histoire comme un jouet poétique au style enfantin, une suite de tableaux surréalistes, ou comme un comics coloré où le Bien triomphe du Mal. On peut en faire ce qu'on veut... même la manger ! Après tout, elle est faite de sucre de pastèque.

Cependant, le sucre de pastèque est une substance quelque peu précaire. Elle évoque tout un tas de splendides allégories, mais aussi quelque chose de faux, une sorte de pâte multicolore des farces et attrapes qui colle sur la conscience des gentils habitants de l'idyllique communauté de Pensemort (iDEATH, en anglais) comme un sirop gluant. le paisible Pensemort correspond à l'image - la plus sentimentale qu'il soit - d'une petite bourgade américaine, aux utopiques Candy Mountains de la chanson country, à une sorte de carte postale kitsch coloriée à la main. Même son nom évoque une communauté vivant dans l'anéantissement du "moi", le principe égocentrique à la source de toute violence.
Brautigan, un adepte du zen bouddhisme, était sans doute très proche de cette idée de dissoudre le "moi" dans le "tout" universel, et toute l'histoire pourrait s'arrêter là. Mais les choses sont plus compliquées que l'on ne pourrait le croire.
Presque personne à Pensemort ne se souvient plus du passé, des "temps des tigres", quand on utilisait encore de curieux objets laissés à l'abandon dans les anciennes usines. On ne s'aventure que rarement dans cet endroit, d'ailleurs. C'est dangereux, sans parler de la sale bande à Imboil qui distille (et consomme) le whisky dans les parages. Sauf Margaret, évidemment... Et tôt ou tard, on va fatalement assister à l'affrontement de la sèche rationalité avec les idéaux utopiques. Méchant et puant Inboil se soulève contre la stérilité émotionnelle de la vie dans le sucre de pastèque, et à vous de décider s'il a réussi.
Brautigan a créé une adorable pastorale américaine, il l'a entourée d'une décharge gigantesque de l'ancienne civilisation, puis il a laissé entrer dedans quelques prédateurs en la transformant en chambre des horreurs à la Nathanael West. Après réflexion, je me demande si ce n'est pas le plus terrifiant post-apo que je n'ai jamais lu, et de ce fait le livre mérite ses 5/5.

Même si la prose de Brautigan peut donner l'impression d'exister en dehors du temps et de l'espace, elle est aussi liée aux années 60 que celle de Fitzgerald aux années 20, ou celle de Kerouac aux années 50. Brautigan était jadis un auteur culte, vénéré par la génération hippie à laquelle il a prêté sa voix, tout comme Jimi Hendrix, Janis Joplin ou Bob Dylan. Mais la courte période de l'anti-culture hippie a rendu cette gloire assez éphémère. Espérons que ses récits, aussi insaisissables et amorphes qu'ils soient, continuent à trouver leurs lecteurs au-delà des modes et tendances littéraires.
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Truculent. Très bon.
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Pour qui aime l'absurde, à un niveau intersidéral
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Ma critique portera sur Sucre de Pastèque, lu en anglais et publié individuellement par la maison d'édition Vintage, qui a je crois publié tous les récits de Brautigan dans une très belle édition haute en couleur!
Dans ce monde de Brautigan, tout ou presque est en sucre de pastèque et tout est doux, intime, chaleureux. On y habite dans une communauté qui s'appelle Ideath (joli jeu de mots entre Idea et Death). le narrateur, qui n'a pas de nom (ou le nom qu'on lui donne) s'est séparé de Margaret parce que lui et Pauline sont tombés amoureux. Comme dans les récits habituels de Brautigan, il ne se passe pas vraiment grand chose en apparence, la vie se déroule en petits épisodes de quelques pages voire de quelques lignes mais il y a toujours cette atmosphère à la fois chaleureuse et triste propre à l'auteur et cette petite touche imaginaire qui nous fait voir le monde d'un point de vue totalement différent. Je n'ai en fait pas envie d'en dire plus sinon que Brautigan mérite vraiment d'être plus lu en France car l'air de rien, c'est un grand auteur.
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Par l'absurde, Brautigan montre avec subtilité, les travers de nos sociétés "modernes", prisonnières de leur prétention à dominer le monde.
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Éric Plamondon avec Mayonnaise m'avait mis sur la piste. Je ne pouvais plus reculer. Il était maintenant de mon devoir de lire du Richard Brautigan. C'est Sucre de pastèque qui m'a séduit, plus que La pêche à la truite en Amérique qui est pourtant son ouvrage le plus connu. En fait j'ai débuté la lecture de ce recueil par Sucre de pastèque et j'y ai retrouvé les morceaux d'univers éclaté que Plamondon nous avait annoncés. J'ai plongé tête première dans ce conte poétique en fragments de sucre de pastèque. J'y ai trouvé des tigres parlants qui excellent en arithmétique, de vieilles truites sages, des statues légumières et des cercueils plongés au fond du ruisseau. J'y ai trouvé une poésie surréaliste proche de l'absurde et une ribambelle de belles tournures de phrases.

En préface à l'édition française, Michel Doury tentait de décrire la tenue de plume de Brautigan. Quand on lit cette description, on s'aperçoit qu'elle aurait très bien pu concerner l'écriture de Plamondon dans Mayonnaise.
«Il procède par anecdotes, historiettes, notes que l'on imagine prises sur de petits bouts de papier retrouvés au fond des poches, et qui finissent par faire un livre, un livre avec beaucoup de blancs, des blancs qui donnent de l'air et relient ces chapitres entre eux, livre à lire en marchant, ou même en voiture aux feux rouges.» [Michel Doury en préface à l'édition française de la pêche à la truite en Amérique]
Lien : http://rivesderives.blogspot..
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poétique, farfelu a l'écriture naïve
une grosse bouffée d'oxygène et de pêche a la truite en amérique
le tout saupoudré de sucre de pastèque pour être sur
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