À la recherche d'Alésia

Le nom d'Alésia témoigne d'une histoire plusieurs fois millénaire, cependant pleine de lacunes: les périodes d'oubli et d'inconnu ont submergé les événements réels ou légendaires. La trame en est légère, détendue. Et il s'en fallu de peu, à plusieurs reprises au cours des temps, que tout souvenir de ce passé glorieux s'évanouisse à jamais. Les récits de voyage des aventuriers grecs ont disparu, en même temps que les ouvrages plus savants de leurs contemporains, dans l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, dans le pillage de celles de Rome ou la coulée de lave qui engloutit celle de Pompéi. Les oeuvres de Pythéas le Massaliote, de Timée de Taormina, de Poseidonios d'Apamée, qui ont écrit sur la Gaule et sûrement sur Alésia pour les deux derniers, sont désormais réduits à l'état de fragments. Par bonheur, Strabon, Diodore de Sicile, César, entre autres, les avaient consultées; ils en ont retenu de rares informations qui elles-mêmes ont de peu échappé aux ravages du temps. Ces ouvrages ont par chance été laborieusement copiés par les moines mérovingiens, souvent imparfaitement et il fallut bien plus tard les corriger; les parchemins sommeillaient dans des abbayes qui, dans leur grande majorité, ne résistèrent pas aux invasions normandes [...]

L'essentiel des vestiges datant de l'indépendance gauloise se situe en effet dans la zone du forum, au centre du plateau, par conséquent en un secteur fortement remanié pendant tout l'Empire romain, secteur qui, de plus, a fait l'objet de fouilles les plus importantes au XIXème siècle. Or, à cette époque, les recherches étaient menées sans grande méthode et le mobilier gaulois était très mal connu, donc non reconnu pour ce qu'il était. Les vestiges qui ont résisté aux agressions des maçons antiques et aux maladroits fouilleurs se trouvent donc en petit nombre et dans un état ne permettant guère les fines analyses chronologiques.

C'est ainsi que les Gaulois rencontrèrent les Romains et commencèrent avec eux, aux environs de 390, une relation perpétuellement conflictuelle. La puissance de Rome était naissante; les Gaulois faillirent lui donner un coup d'arrêt définitif. Ils prirent la Ville - ce fut la seule fois au cours de son histoire antique - et ne l'abandonnèrent qu'au prix d'une considérable rançon. Les Romains ne le pardonnèrent jamais aux Gaulois. Trois siècles et demi plus tard, quand il pénétra en Gaule, César avait encore en tête, entre autres, l'idée de venger ses lointains aïeux.

Mais, au fond, ces détails comptaient peu aux yeux des défenseurs de la nouvelle Alésia. L'important était d'offrir à la Franche-Comté le grand site antique qui lui manquait. Si cette nouvelle attribution pouvait se faire au détriment de la Bourgogne, rivale ancestrale, un double but était atteint.

Alésia n'avait pas été détruite par César et l'oppidum gaulois s'était naturellement mué en une ville gallo-romaine à l'architecture orgueilleuse. (p.205)