2008, la Nouvelle Orléans avec en plus le sujet épineux des délinquants sexuels, voilà un livre qui m'aurait intriguée mais que je ne suis pas sûre que j'aurais eu le courage de prendre en magasin. Et là réside l'erreur... Reçu en cadeau après un concours sur la page facebook de série noire, j'avoue que j'ai hésité un peu avant d'avoir le courage d'ouvrir ce livre. Et je ne regrette rien.
Pour ceux qui espéreraient que tout le livre couvre l'enquête qui suit les événements du chapitre d'introduction, je vous arrête tout de suite, vous serez déçus. Quelques chroniques en ligne (en anglais) signalent ça comme une déception, mais ce n'est pas mon cas. Après un chapitre qui plante le décor (malsain) qui nous attend dans cette « enquête », nous faisons la connaissance de Nola
Céspedes, jeune journaliste à la section Loisirs de son journal, qui attend l'occasion de faire enfin ses preuves et de passer aux Infos générales, chez les « vrais journalistes ».
Jeune femme d'origine cubaine, nous en apprenons plus sur elle, ses origines et la manière dont elle a grandi, dans un quartier dangereux qui rappelle les « quartiers nord » durs à ceux qui ont grandi dans ce qu'on appelle maintenant pudiquement « les cités ». Et laissez-moi marquer une pause ici, l'héroïne n'est pas une femme blanche avec un parcours classique. À ma grande surprise, j'ai marqué un arrêt quand elle a parlé d'un autre personnage en disant « un blanc ». C'est incroyable ce que la littérature a formaté mon esprit à s'attendre à ce que le héros ou l'héroïne soit blanc/hétéro/de-la-classe-moyenne (en général mais pas toujours). Et pourtant, en tant que personne faisant partie de « minorités », je devrais poser un oeil différent sur mes livres, mais j'ai mis tout ce temps à me rendre compte de cet état de fait. Et rien que pour cela, ce livre a attiré d'autant plus mon attention.
Nola est pleine d'énergie, de charisme et d'assurance, mais aussi d'incertitudes, de colère et de mélancolie. Une personne pour laquelle on a rapidement de l'empathie. Puis elle commence son enquête sur les délinquants sexuels et l'ambiance devient aussi glauque et oppressante que l'on peut s'y attendre. Mais surprise, l'auteur ne surexploite pas cet aspect. L'héroïne a d'autres préoccupations que son boulot, et nous croisons ainsi ses amies, sa mère, sa Petite soeur et toute une galerie de personnages bien définis et croqués de manière intéressante, bien que de manière pas tout à fait objective par le regard de Nola.
L'auteur, dans un style efficace, aux mots bien choisis, donne littéralement vie à la ville de la Nouvelle Orléans, qui est à mon sens un personnage à part entière du récit. Plus qu'une enquête et l'écriture d'un article, la narration nous entraîne dans les sentiers de la découverte d'une ville cosmopolite, tout en contradictions, où les effets de l'ouragan semblent avoir encore creusé les inégalités tout en diminuant certaines. Contradictions bien humaines. le récit est écrit au présent, ce qui en général me rebute car j'en vois rarement l'utilité. Mais pour une fois, j'en ai apprécié ici tout l'intérêt. Il y a une immédiateté dans les événements qui n'aurait manifestement pas fonctionné au passé. On a l'impression claire de faire le cheminement en même temps que Nola, et les pages défilent sans qu'on s'en rende compte.
L'auteur, au cours de l'enquête de Nola, qui essaie d'aborder tous les sens de la question de la délinquance sexuelle, apporte des informations de manière simple et arrive à faire réfléchir le lecteur sur cette question dérangeante sans le faire de manière condescendante, mais en donnant des faits, dont un certain nombre que j'ignorais, et d'autres que je connaissais, et laisse le lecteur se faire une opinion sur le sujet. Victimes, prédateurs, ces derniers souvent eux-mêmes victimes, avec des remords ou sans regrets... Espoir ou manque d'espoir, tout y est pour faire de ce livre plus qu'une simple lecture, en évitant comme je l'ai dit plus haut l'écueil de la violence et de la noirceur gratuite pour simplement mettre le lecteur mal à l'aise. L'oppression et le malaise sont bien présents mais ne plombent pas l'entièreté du récit.
Les événements des derniers chapitres ne surprendront pas les lecteurs qui auront prêté attention aux informations disséminées tout au loin des pages. Et la fin est une lumière hésitante vers la fin du tunnel, tout en étant elle-même pas si politiquement correcte. Un bijou.
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