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sur 3136 notes
Le quatrième mur est le mur imaginaire qui sépare la scène de la salle et installe les spectateurs en situation de voyeurs. Mais les conventions n'existent que pour être transgresses et l'avare de Molière hurlant au public de lui rendre sa cassette est l'exemple le plus célèbre de ce théâtre cherchant à attirer les spectateurs dans ses rets, à les faire basculer dans sa réalité parallèle. Sauf qu'ici ce n'est pas l'auteur qui cherche à faire entrer le public dans son monde, c'est le monde réel qui abat le quatrième mur pour se déverser, tout de bruit et de fureur, sur la scène.
La tragédie est censée apporter la purgation des passions. Dans Paris occupé, Anouilh a fait renaître les enfants d'Oedipe pour donner à la Résistance la figure sacrificielle d'Antigone et faire de la mort un devoir désirable.
Foutaises, répond Chalandon. La mort c'est la souffrance, la merde qu'on répand, l'humiliation de la peur, l'orgueil des bourreaux, les ventres ouverts et les corps éclatés. Et le théâtre un rêve risible et déplacé.
George, le narrateur, étudiant prolongé et gauchiste caricatural, joue à la guerre entre fafs et antifafs. Il a l'opportunité de jouer à la paix en mettant en scène pour une unique représentation d'Antigone des acteurs venus de toutes les confessions du Liban. Miraculeusement chacun accepte car chacun voit la pièce à l'aune de ses propres convictions. Chacun se bricole son Antigone comme chaque faction s'est bricolée sa propre religion, les religions du livre sont décidément plus polysémiques que monothéistes.
Antigone est la fille d'Oedipe, autant dire sa soeur, et le Liban semble lui aussi en proie à la même fatalité oedipienne. Ennemis voués à se ressembler, les Libanais s'entretuent comme Eteocle et Polynice et le théâtre rend rapidement les armes pendant que les comédiens meurent et tuent.
Sur le théâtre de la guerre, quand le rideau tombe, ceux qui se relèvent n'ont pas de masque à ôter de leur visage car ce sont tous des gueules cassées. Ils n'ont plus rien à dire à ceux qui sont restés de l'autre côté du mur, pour qui la tragédie est un fauteuil trop dur ou la glace de l'entracte tombée dans la poussière. Oedipe s'était crevé les yeux, George échoue à devenir aveugle et préfèrera comme Jocaste tirer définitivement sa révérence.
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Paris, 1974. Georges, militant d'extrême gauche, pro-palestinien, rencontre Samuel, un metteur en scène grec, réfugié en France suite à son opposition à la dictature des colonels. Etudiant en histoire, sa vie se partage alors entre ses études, les manifestations, les bagarres de rue avec les militants d'extrême droite. Jusqu'à cette rencontre avec un homme du terrain, et avec Aurore, engagée dans le combat féministe, qui va devenir sa femme.

1982. Georges est marié et père d'une petite Louise. Alors qu'il retrouve Samuel qui est en train de mourir d'un cancer, ce dernier lui demande de réaliser son projet fou : jouer la pièce de Anouilh, "Antigone", à Beyrouth avec une troupe d'acteurs issus des divers peuples qui se déchirent : Druzes, Palestiniens, Juifs, Chrétiens...La tragédie d'Anouilh avait en effet été écrite en 1942 et jouée pour la première fois en 1944 comme acte de résistance.

Alors que la guerre impose sa tragédie quotidienne, jouer une pièce tragique en faveur de la paix a t-il un sens ? Est-il utile de laisser femme et enfant pour s'offrir en sacrifice, pour dire non et mourir ? L'histoire apportera sa réponse...

Un très beau texte, qui met en opposition ceux qui se battent pour des idées et ceux qui sont au coeur des combats, le confort de ceux qui regardent les guerres à la télé en les jugeant, et ceux dont c'est le quotidien, dont la vie est menacée en permanence, pour lesquels le théâtre peut mener à la mort. A la lumière des récents évènements l'opposition est moins évidente, mais l'absurdité de ces combats fratricides reste d'autant plus poignante.
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Waouaaah ! Cette critique, ma 301ème sur Babelio, je la débute par le même Waouaaah que ma critique de Retour à Killybegs, ce n'est pas un hasard, Sorj Chalandon m'a à nouveau bouleversée !
Lors d'une interview sur le plateau de la Grande Librairie, il a déclaré : "c'est mon dernier roman de guerre". Et quel roman ! Je ne veux rien en raconter, rien dévoiler, tout ce que je veux c'est dire toute l'admiration que j'éprouve pour Sorj Chalandon, combien j'apprécie son écriture, une écriture sensible et vivante, et réaffirmer que je le considère comme un très Grand Écrivain.
Lors de mon prochain passage à la Bibliothèque, j'emprunterai l'Antigone d'Anouilh, les lecteurs du roman "Le quatrième mur" savent pourquoi !
Ma cote : toutes les étoiles !
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Cet ouvrage est pour moi la meilleure lecture 2018 à l'heure actuelle, à mettre dans toutes les bibliothèques Babéliotes.
Sam personnage grec et juif, veut faire jouer l'Antigone d'Anouilh à Beyrouth en pleine guerre civile des années huitante, avec des acteurs volontaires et non professionnels.
Le scénario est prêt, les acteurs druzes, chiites, chrétiens, palestiniens, syriens, phalangistes représentent les nombreuses factions du conflit, et feront la paix durant les courts moments des répétitions et de l'unique représentation. Une trêve qui se veut salutaire.
Et lorsque Samuel sera hospitalisé, Georges va lui faire la promesse de poursuivre l'ouvrage.
Il obtiendra les différents laisser-passer nécessaires pour circuler librement dans les zones de conflit, il va rencontrer chacun des acteurs individuellement, ils ont tous répété leur rôle. Il va les réunir. Il réfléchit beaucoup à son engagement et à sa capacité à tenir sa promesse. En France il vient de se marier et il a une jolie petite Louise, qui l'engage aussi vers un autre avenir.
Georges va se retrouver en plein coeur du massacre de Sabra et Chatila.
Sa destinée et celle des acteurs va être profondément bousculée.
Pour Georges, ce sera un traumatisme profond, il sera marqué au fer rouge par ce qu'il a vu et vécu.
Au-delà de cette expérience individuelle, l'auteur décrit très bien comment toute personne est profondément et à jamais marquée dans sa chair par un traumatisme d'une telle importance, en l'occurrence la guerre civile, et ses massacres. Les descriptions sont réelles et rudes. On ne nous dit pas « personne sensible s'abstenir ». La pièce d'Anouilh devait faire vivre un instant de paix, et le livre va basculer dans l'apprentissage de la guerre.
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Comme dans Mon traître, Georges se retrouve impliqué corps et âme dans une guerre qui n'est pas la sienne. Par amitié, par passion, par la force d'une volonté d'idéal ou d'utopie? Mais peut-on jamais dire qu'une guerre est la sienne? Une cause très certainement et les critères qui font que la cause devient sienne relèvent peut-être plus souvent de l'intime, de l'histoire que de l'Histoire...Georges, parce qu'il l'a promis à son ami mourant, s'engage à mettre en scène Antigone d'Anouilh à Beyrouth et de réunir ainsi juifs,chrétiens,palestiniens,chiites,druzes...le temps de répétitions et d'une trève de 2h00 volée à la barbarie de la guerre. Si ce roman déploie un réel romantisme dans le sens où notre héros semble bien plus porté par les sentiments que la raison et l'analyse objective de la situation,on se retrouve également en prise avec la réalité crue de la guerre et de ses souffrances. Il me semble retrouver dans ce roman quelque chose de biographique avec cette "romance" dans laquelle Sorj Chalandon a été baigné dés son enfance (comme on le découvre dans Profession du pére,avec des frontières quasi inexistantes entre imaginaire et réalité) et parallélement ce regard très impliqué et meurtris du reporter qui a partagé la souffrance et la violence de ceux qui luttent ou simplement tentent de survivre à l'impensable folie humaine.
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Journaliste à Libération pendant plus de trente ans, désormais au Canard Enchainé, le journaliste écrivain Sorj Chalandon, lauréat du grand prix du roman de l'Académie française pour Retour à Killybegs, s'était attaqué en 2013 à la guerre du Libanavec le quatrième mur , un roman paru chez Grasset.

le 4ème mur, qui a reçu en 2013 le Goncourt des Lycéens, est un roman très apprécié par tous ceux qui l'ont lu, tant ce récit d'une troupe de théâtre qui cherche à monter Antigone imaginé de ses années de reporter de guerre dans le Beyrouth des années 80 est tout en émotion et en cruauté.

Dans les années 1980, Georges promet à Samuel de monter Antigone, la pièce de Jean Anouilh, à Beyrouth en pleine guerre civile. Une oeuvre bouleversante, qui casse les clichés sur la guerre et les utopies.

Chalandon touche ici plus que jamais à l'intime et à l'universel, qui nous parle de fraternité et d'espoir tout en s'interrogeant sur la place de l'art dans la société.

L'écriture de Sorj Chalandon magnifie les relations entre les hommes, l'anodin de nos vies, la violence et l'horreur de la guerre.

Son histoire , pleine d'humanité, met la création théâtrale au firmament au service de la paix, et cherche à abolir symboliquement cette frontière de l'imaginaire.
Son texte questionne de façon brillante et pertinente la place du théâtre en temps de guerre : une tragédie sublimée par la scène, comme un ultime espoir accordé à la vie ?

Une chose est sûre : ce fameux quatrième mur peut être si habilement franchi lorsque l'écriture touche ainsi à l'intime et propose un texte aussi vibrant d'émotions pour le lecteur.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Georges est un jeune militant, engagé dans les émeutes étudiantes des années 70, passionné de théâtre et de révolution.
Entre deux manifestations, il colle des slogans pro palestiniens sur les murs de Paris, et des uppercuts dans les estomacs d'extrême droites.
Quand il rencontre, au printemps 74, Samuel Akounis, metteur en scène grec et farouche opposant à la dictature de Papadópoulos, il ne se doute pas que cette amitié va bouleverser sa vie.
Car au début des années 80, le grand frère d'armes, atteint d'un cancer, lui fait promettre sur son lit de mort de monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth, au coeur de la guerre civile qui ravage le Liban, avec des acteurs venus de factions opposées.
L'Art, comme un rempart dressé contre la barbarie, capable d'unir les peuples le temps d'une représentation, c'est le projet fou, complètement utopique, imaginé dans le coeur d'un humaniste grec en phase terminale et de son ami anarchiste.

Antigone est une pièce que j'affectionne particulièrement, parce qu'adolescente, je m'étais fortement identifié à l'idéalisme fougueux de «la petite maigre » d'Anouilh.
Elle va risquer sa vie en bravant l'interdiction du pouvoir en place d'enterrer dignement son frère, désigné traitre par le roi. Son combat peut paraître dérisoire, et on pourrait juger vaniteuse son opiniâtreté; pourtant, il y une forme de grandeur dans le sacrifice d'Antigone pour une cause qu'elle juge plus grande que son bonheur et sa vie même.
Et quand on sait que la pièce fut écrite en 1942 sous l'occupation allemande, l'histoire prend un éclairage particulier…

Des frères ennemis, du sang versé pour une terre si longtemps disputée, une soeur de sang trop idéaliste, éprise de liberté.
Sorj Chalandon replace l'histoire d'Antigone dans le contexte du conflit libanais, sans complaisance pour aucun des différents camps, ni pour son personnage principal qu'il malmène dans ses contradictions.
Georges, avec ses discours de paix outrecuidants, m'a fait l'effet d'un petit garçon naïf qui joue à la guerre.
La réalité sur le terrain des affrontements le rattrape vite. C'est très agaçant de le voir gesticuler pour une simple pièce de théâtre, alors que la mort est partout, que la peur est le quotidien des gens.
C'est très agaçant mais c'est cela qui le rend si proche d'Antigone, cet orgueil immense qu'ils ont en commun.
Ce parallèle est très bien vu et construit tout le livre.
L'écriture quand à elle est puissante, avec ce lyrisme caractéristique qui m'avait un peu gêné par moments dans Retour à Killybegs, et qui ici porte le récit, exacerbe l'horreur et l'obscénité des scènes de massacres des populations. J'ai été bouleversé par certaines pages, d'une violence insoutenable.

Le mot de la fin est laissé à Anouilh,
« Tous ceux qui avaient à mourir sont morts. Ceux qui croyaient une chose, et puis ceux qui croyaient le contraire - même ceux qui ne croyaient en rien, et qui se sont trouvés rapidement pris par l'histoire sans rien y comprendre. Morts, pareils, tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris. Et ceux qui vivent encore, vont commencer à les oublier et à confondre leurs noms. C'est fini. »
Finalement les guerres, celles-ci mais toutes les autres aussi, sont terriblement vaines. Et l'idéalisme acharné d'une Antigone ou d'un Georges n'y changera rien.
Là est toute la tragédie.
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Roman coup de poing ! Roman coup de coeur !

Et pourtant j'ai entamé cette lecture avec un certain a priori : en général je me méfie de ces romanciers qui sont aussi, et souvent avant tout, des journalistes. Mais là je dis bravo, Monsieur Chalandon. J'ai littéralement dévoré ce roman, totalement prenant, cet hommage à la pièce d'Anouilh, Antigone et au pouvoir politique du théâtre. Pouvoir de provoquer le dialogue entre les acteurs, les spectateurs et éventuellement l'auteur. Et pouvoir d'amener plus de compréhension, plus de connaissance de l'autre, et par là, le théâtre comme arme de paix …

C'est aussi un grand roman sur l'amitié, entre un Juif pacifique et idéaliste et un Français révolté contre l'inégalité et le rejet de l'autre, un homme fragile, vacillant, qui sombre peu à peu dans l'horreur, subjugué par la violence et happé par la guerre.

Tout simplement époustouflant.
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Incursion terrifiante dans la guerre du Liban en 1982.
Autant le dire tout de suite : si n'étiez pas particulièrement au taquet sur la guerre civile au Liban, vous n'en saurez pas beaucoup plus à la fin de ce livre : il ne s'agit pas d'un document d'histoire contemporaine, il s'agit là plutôt d'une incursion au coeur du conflit
, de la terreur, de l'horreur, des émotions qu'elle provoque… Une expérience de l'attraction inexplicable qu'exerce la guerre sur l'homme, une expérience de l'adrénaline sur le champ de bataille et de la loi du Talion.
Lorsque George part à Bagdad pour remplacer au pied levé son ami metteur en scène qui est mourant, c'est pour entreprendre un projet fou, la mise en scène et représentation unique d'Antigone au coeur des combats avec comme comédiens, des représentants de tous les belligérants . Malgré sa peur et ses réticences, il sera rattrapé par une fascination morbide pour cette guerre qui décime hommes, femmes et enfants autour de lui.
Si je n'ai pas été convaincue par le projet théâtral (comment peut-on envisager un truc pareil au milieu des tirs de rocket… ?), j'ai été moi aussi fascinée par la façon qu'a l'auteur de plonger son lecteur au milieu des snipers et des tirs de mortier…
Une démonstration implacable de l'absurdité de la guerre.
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Bouleversant! Très gros coup de coeur...
Georges, 24 ans, est un étudiant militant maoïste très engagé; Aurore, 22 ans est une militante féministe. En 1974, tous deux rencontrent Sam, metteur en scène grec, résistant, réfugié en France après le coup d'État de 1967 en Grèce. Ils apprendront plus tard qu'il est juif et que toute sa famille a été exterminée pendant la guerre.
Tous trois sont réunis par leurs convictions et par leur goût pour le théâtre car Georges est aussi metteur en scène et Aurore comédienne de théâtre. Les trois amis militent ensemble, font du théâtre ensemble, Georges épouse Aurore, ils ont rapidement une petite fille.
Sam a toujours voulu monter Antigone d'Anouilh dans une zone de guerre en offrant un rôle à chacun des belligérants. Il veut associer les différentes communautés dans un même rêve de paix. le Liban s'offre à lui pour réaliser ce rêve avec les palestiniens, les chrétiens, les chiites et les druzes, il veut donner aux adversaires, grâce à cette trêve de quelques heures, l'occasion de se parler, de travailler ensemble autour d'un projet commun.
Lorsque Sam, son ami, son frère, tombe gravement malade et lui demande de prendre sa suite dans la réalisation de son projet, Georges part au Liban pour exécuter les dernières volontés de son frère mourant.
Son séjour au Liban changera sa vie à jamais, mais impossible d'en dire plus pour ne pas dévoiler l'intrigue....
Sorj Chalandon retranscrit magistralement l'atmosphère de guerre, il nous emmène au coeur d'un repaire de snipers, nous fait vivre de l'intérieur l'attaque de Beyrouth du 6 juin 82 par l'armée israélienne et surtout le massacre en septembre 1982 des réfugiés palestiniens des camps de Sabra et Chatila. Beaucoup de réalisme, des moments insoutenables dans ce roman servi par une très belle écriture, très puissante.
Le thème est original et riche.
Un livre qui restera inoubliable et qui mérite amplement d'avoir été récompensé par le Goncourt des lycéens.
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