Reçu dans le cadre de la masse critique Mauvais Genre, un grand merci à Babelio et aux éditions du Palémon pour l'envoi de ce roman. La maison bretonne de Jean Failer, lui-même écrivain de polars, agrandit son rayon d'action en allant enquêter en Normandie.
Gérard Chevalier a un long pedigree, avant tout scénariste depuis plusieurs décennies. Il règne en maître dans les dialogues percutants teintés d'humour et dans la recherche de personnages sortant de l'ordinaire.
Je le découvre avec ce polar qui se passe dans l'Orne, département rural peuplé d'étangs et de forêts. le héros enquêteur adopte le triptyque local, les vieilles bâtisses, la pêche et l'ornithologie.
Dès la première phrase, on est dans le bain. « Un pic mar sur la pelouse », ça ouvre des perspectives, pas de commisérations évasives, entrons dans le vif du sujet. Une enquête qui tombe à pic en quelque sorte.
Personnellement, j'en ai « marre » des entrées fracassantes sous couvert d'originalité. Chez les pics, il n'y a que les verts et les noirs à oser atterrir sur le gazon à la recherche des fourmis.
Comment ça , je cherche la petite bête moi aussi ?
Bah, quand on désire utiliser un vocabulaire original, c'est mieux de savoir s'il est approprié, voilà tout. Mar signifie moyen, car c'est le nom du pic bigarré (noir, blanc, rouge ) qui se trouve entre l'épeichette et l'épeiche en considérant la taille. Alors là, c'est effectivement moyen d'avoir choisi le mar comme entrée en matière.
Après ces quelques lignes ornithologiques ( je suis sur les réseaux zoziaux, histoire de comprendre la prise de bec en prenant la plume ), revenons au bouquin.
Style enlevé, fluide, avec des dialogues incisifs précisant bien le caractère de chaque personnage. du grand art de ce côté. Un meurtre toutes les vingt pages, j'ai eu peur d'être vite submergé, mais on sait assez vite que ça se limitera à huit maxi.
Des membres d'un comité de lecture d'une maison d'édition qui se font trucider, la même arme, le même tireur. Attention les Babeliotes, il manquerait plus que l'on soit visés nous aussi, peut-être devrais-je modérer mes propos ? Mais je ne vois pas le Gérard, fût-il breton et moi normand, s'en prendre à son âge à ses lecteurs contestataires.
Car je vais encore sortir mes griffes. 244 pages au total et à la page 161, on apprend que l'une des lectrices du comité est décédée « naturellement », de maladie. Les enquêteurs ne se précipitent pas sur le mari, pourtant bien vivant. Louche.
Cette absence de considération m'a obsédée jusqu'au dénouement, que je me garderais bien de dévoiler.
Mais voilà, un pétard mouillé, qui ne sera pas occulté par le bouquet final. J'ai là aussi trouvé le procédé, machiavélique, mais décelable pour un adepte de polar. La ficelle est un peu grosse, juste assez pour aller se faire p(r)endre ailleurs.
Sinon, l'enquête fonctionne comme dans la série « Meurtres à » du dimanche soir à la télé, le bon vieux polar rural qui termine la semaine comme un anesthésiant. Alors là, je retire le qualificatif. Non, ici, l'humour prime toujours sur les plates réflexions policières, et puis il y a les amours illicites qui pimentent le scenario, même au fin fond de l'Orne.
L'auteur a gardé un peu de Bretagne, voyage dans la famille, pour ne pas trop perturber ses lecteurs habituels. On a le droit aussi à la flicaille parisienne qui déboule illico presto avec une profileuse pas piquée des hannetons. Un grand moment lorsqu'elle est confrontée à l'assassin ! de quoi donc passer un bon moment jusqu'à la fin.
C'est frais, enjoué, tonique, mais le scenario est cousu de fil blanc. A lire entre deux gros pavés, pour une pause relaxante, à défaut d'être exceptionnelle. Histoire de découvrir les maisons du secteur, et leurs agencements décrits minutieusement. Car de ce côté, il s'y connaît le Gérard. J'en entends certains déclarer « plus qu'en oiseaux ? »
Allez, c'était une petite provoc de ma part, pas mar ? Mais si peut-être, comment savoir ce qui se passe dans la tête d'un oiseau ? On ne va pas leur faire passer une expertise médicale. Forer un pic, ce serait quand même le comble !
Dernière anecdote : le personnage du juge comparé à un héron,
La Fontaine est égalé. Vous voyez, j'apprécie.