Réédition de «
Rivages Maouls – Histoires d'Anabelle » publié en 1994 aux Editions Océan, cette autobiographie nous emmène sur l'ile de la Réunion dans les années 1940-50 et s'achève à Aix en Provence pendant la guerre d'Algérie.
Une vie rythmée par les cyclones qui chaque année bouleversent les biens et les vies des insulaires à une époque où l'électricité, l'eau courante et le téléphone sont réservés à de rares zones urbaines. Une enfance loin de la métropole idéalisée et de ses drames (guerre ; occupation). Une vie en quasi autarcie, dans une case, à flanc de montagne.
Une ile parcourue par le train d'autant plus apprécié que le père d'Anabelle, cheminot retraité, bénéficie de la gratuité, ce qui permet d'honorer les tombes familiales lors des fêtes religieuses qui jalonnent l'année et guident l'existence.
Une famille recomposée après le décès de la première épouse de son papa, la mort d'Antoine, l'un de ses trois enfants, le départ en métropole de René, l'ainé, qui épouse une lorraine. Anabelle est élevée par sa mère (seconde épouse) et sa marraine Armande, sa demi soeur, et ce cocon est à la fois protecteur et carcéral, car elle sort peu de sa cellule familiale.
Couvée par une famille pieuse et éduquée dans une école régie par un bataillon de religieuses plus attentives aux familles aristocratiques qu'aux familles modestes parlant créole… Anabelle s'éloigne de la foi en arrivant en France.
J'ai apprécié cet ouvrage reçu à l'occasion de l'opération Masse Critique Littératures de janvier. Sa lecture m'a rappelé le roman « Claudine à l'école » de Colette avec l'évocation de l'école primaire, sa discipline, ses châtiments et la peinture d'un monde rural traditionnel se pensant immuable.
Anne Cheynet écrit bien et n'a aucun scrupule à épicer son récit d'expressions créoles qui sont compréhensibles (phonétiquement) ou expliquées dans un glossaire annexé en fin d'ouvrage. Ces pages expriment à la fois la nostalgie d'un paradis perdu, mais aussi la révolte devant le racisme découvert à Aix lors des « événements » en Algérie.
Merci à Babelio et aux éditions du Poisson Rouge pour cet envoi qui donne envie de visiter La Réunion et ses insulaires.