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Robert Mallet (Éditeur scientifique)
Gallimard (01/01/1951)
3.5/5   2 notes
Résumé :
En l'espace de douze ans, André Gide et André Suarès ont échangé quarante-quatre lettres antérieures, pour la plupart, à la première guerre mondiale. Gide est l'auteur de vingt-deux d'entre elles et Suarès de vingt-trois. La correspondance reproduite ici commence en décembre 1908 et se termine en février 1920.
Cette collection tout entière se trouve aujourd'hui à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet qui en doit la possession à Mme André Suarès et à Andr... >Voir plus
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Que lire après Correspondance (1904-1938) : André Suarès / Paul Claudel Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Amoureux, Claudel et Suarès, quand l'un écrit : « Voilà, je vous donne ma vie simplement parce que je vous aime et que je vous préfère à moi », l'autre conquit répond : « Je ne balance même plus à vous donner ce coeur que le vôtre réclame — et qui ne se reprend jamais. Je vous le donne avec joie — et pourtant avec souci. Je ne me fais que des attaches éternelles ; et dans la joie même qui se noue, j'ai fini par redouter la douleur que le suave noeud implique. Mais il n'importe. Vous vivez et je vis ; et il y a en nous, désormais, quelque chose de bien fort qui vit pour l'autre»… Plaisanteries à part, tout cela est magnifiquement exprimé et je me sens honteux de retranscrire sans pudeur leur amitié naissante ; il eût été préférable que chacun la découvrît au fil de sa lecture et que les autres n'en sachent rien, mais je trouve ça trop beau. Il y a des déclarations d'amitié aussi belles que des déclarations d'amour.
Lucides, quand l'un se définie comme « un homme dur, violent, peu aimable, peu affectueux, foncièrement païen, follement épris de joie et de plaisir, qui vous dit qu'il n'y a de vérité que dans le reniement de tout ce qu'il aime, c'est un homme de lettres qui cautionne une religion dont le premier mot est le mépris de soi-même, c'est un homme horriblement souillé, les entrailles encore brûlantes du poison le plus noir, qui vous parle des noces virginales et de ce silence qui est au-dessus de la parole », l'autre répond, encore plus clairvoyant : « Je suis né violent et dur, moi aussi, hautain, solitaire et sauvage. Plus follement païen que vous, mon très cher. Épris de la vie et de la joie, jusqu'au délire, — oui, la frénésie de toute joie et de toute conquête. Mais je suis double, et vous l'étiez aussi. Les plus violents sont les plus tendres. » Certes, Suarès est violent, passionné, solitaire, méprisant, il est superbe. Pourtant ses élans de tendresse (qui ne trouvent pas d'issues) et cet amour de la vie, son admiration sincère pour le catholicisme, laissent à Claudel un espoir de conversion.
Ils se sont trouvés et bien trouvés, le prêcheur et le solitaire. La grande affaire de leur correspondance est la conversion de Suarès au catholicisme, Claudel ne se lasse jamais de le pousser et chaque fois l'autre lui envoie une fin de non-recevoir, pendant dix ans aucun des deux n'avancera d'un pouce sur ce sujet. Ce n'est pas que Suarès soit hostile au catholicisme, au contraire, il écrit: « si j'avais une religion, je serais certainement catholique. Je dis plus : il n'y a point de religion que la catholique », ou « Je crois à Jésus, si aimer c'est croire. Mais, par disgrâce, il n'en est rien ». Claudel n'apporte qu'une seule solution, celle de prier : « comment savez-vous que Dieu n'est pas là, si vous ne l'appelez jamais ? », ce à quoi Suarès répond: « Il ne suffit pas de se donner : il faut être pris. Mon coeur est seul, dans cet amour. J'y vois mon destin d'éternelle solitude ». Voilà, c'est tout, rien de plus.
Sauf que tout cela relève d'une vieille et féconde querelle de l'Eglise française. On pourrait dire que Claudel se trouve dans la lignée jésuite et Suarès serait un héritier des jansénistes. Au fond, Suarès croit à la grâce de Dieu, et cette grâce ne l'a pas touché, d'où son refus de se convertir, par honnêteté. Alors que Claudel, parfait Jésuite, dans le plus mauvais sens du terme, malhonnête, écrit à propos des Jansénistes : « C'étaient les précieux de la religion, avec tout ce que le XVIIème siècle a de plus froid, de plus abstrait, de plus pédant, de plus inhumain et de plus sec. Par la doctrine de la prédestination, ils se considéraient comme une petite bande, précieuse et choisie, mise singulièrement à l'écart d'un monde entièrement pervers et livré au diable qui n'était pas digne de les toucher. C'a été un vrai soulagement pour moi d'apprendre qu'à la fin de sa vie Pascal s'était écarté de ces hideux fantoches. On a bien fait de détruire Port-Royal jusqu'aux fondations. Quel dommage qu'on n'ait pu détruire de même tous les germes pestilentiels d'orgueil, de dureté, de sectarisme clérical, qu'ils ont déposés dans la terre chrétienne! » Ce qui est réellement dommage c'est qu'on ne connaisse pas la réponse de Suarès à ces attaques perfides. Les dernières lettres de Suarès n'ont pas été conservées. Puis la guerre de 14 a été déclaréé et leurs relations se sont refroidies. Cette correspondance a été publiée du vivant de Claudel, peu après la mort de Suarès.
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le feu de Suarès et la faux culterie de Claudel.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Dans le profond ennui de moi-même et de tout ce qui est humain, je pense à vous, Claudel, qui m'êtes si cher et à qui je ne le suis peut-être pas. N'importe. Cela aussi m'était dû, et je m'attendais à cela.
Ennui ! Vous n'ignorez pas ce que ce mot noir veut dire. Vous en avez pénétré les puissantes ténèbres. Le désert infini et l'inutile richesse. Un soleil noir, puisqu'il y en a. Ce n'est point le vide de soi-même, comme ils l'entendent, ni le froid intérieur, ni le coeur sec où ne sourd plus une parole. Mais au contraire, c'est l'abondance vaine, et le feu qui ne sert à rien ; l'entretien sans réplique, le chant à l'oreille de l'immensité muette. Tel est l'ennui, l'espace de la solitude sous le ciel du silence. Je suis étrangement haï de tout le monde. Je les prends comme ils sont, ou à peu près ; nul ne me prend comme je suis. J'ai une passion égale et terrible d'être et de ne plus être, de vivre et de mourir.
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Moins la honte, ce monde-ci est le vestibule de l'enfer. Et certes, l'enfer c'est la haine.
Je suis avec vous, si vous sentez ainsi. Voyez, ceux de l'autre parti, les amis de l'Église qui osent se moquer de Jésus-Christ, les misérables qui se flattent de mépriser Notre-Dame et l'Évangile au nom de leur Maison Carrée, de la Raison Carrée aussi, sans doute, et d'on ne sait pas quoi. Je ne trouve en eux que haine, et rhétorique de la négation. Il faut que ces gens-là s'en prennent à la Révolution, pour que je me donne l'air de la défendre. Croyez-le : ils sont de la race qui l'a faite. La méchanceté est en eux. Le dieu Pion est le leur. Si quelqu'un ressemble à ce maudit rasoir de Robespierre, c'est Maurras.
Je cherche à tout élever : voilà mon excuse de passer sur l'horreur. Je ne puis plus supporter cet abaissement infini de tout. Je vois partout des gens : si on leur ôtait une occasion de haïr, ils perdraient toute raison de vivre.
Et vous avez bien compris, du reste, qu'une ardeur m'emporte où je ne dois point aller : ces lieux bas de la politique, je n'y mettrai plus les pieds, j'espère. Et enfin, je peins, le plus souvent, cherchant, comme fait le bon peintre, dans la laideur même du modèle, ce qui la justifie.
Vous ne pouvez être de parti. Je ne le peux pas plus que vous. Et c'est là le seul parti.
Dans les camps les plus ennemis, ceux qui haïssent le plus se ressemblent le plus. Ils ont le même caractère. Rien ne les sépare que le cri. Voilà le dernier mot du chaos.
Nous ne sommes pas du chaos. D'où qu'il vienne, nous ne nous servons pas de l'esprit pour mentir à la nature. La règle, pour nous, n'est pas un grimoire de justice. Nous ne vivons pas de papier noirci.
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Je sens en catholique, et je pense en païen : voilà tout le mystère. Mes raisons sont celles d'un païen. Nous sommes ce que nous sentons, vous le savez. - Soyez donc ce que vous êtes, me direz-vous. - Non, pas au sens où vous l'entendez : car ma raison repousse ce que mon coeur accepte. Il m'est impossible de dire: Je crois et je sais. L'enfant récite le Credo sans savoir ce qu'il dit. Credo, pour l'homme, est la plus grande affaire. Je ne puis croire uniquement parce que j'aurais du bonheur à croire. Le bonheur ne dépend pas de moi. Ce serait un grand mensonge. Il faut croire sans le vouloir : quelle joie ! Il faut vouloir pour croire, soit encore. Mais vouloir n'est pas croire. Que puis-je contre ma pensée ? - Je la hais de ne pas m'obéir. Combien peu d'hommes en sont capables.
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Paul Claudel à André Suarès.
Villeneuve, 27 septembre 1905.
Oui, mon cher frère, je tâcherai d'être pour vous tout ce qu'il faudrait que je fusse, mais je m'attends à vous causer bien des déceptions, il ne faut pas me prendre pour autre chose que je ne suis. Deux hommes s'épuisent si vite s'ils n'ont qu'eux-mêmes à donner. Mais je sais que ce que vous aimez en moi, ce n'est pas moi-même, mais cette immense vérité de joie dont je suis, comme tout chrétien, dépositaire. Puissé-je vous donner un jour cet ami que l'on ne peut tarir!
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J'ai eu l'autre jour un long entretien avec un naturaliste, homme fort intelligent et bien doué. C'est une chose admirable : il n'a pas besoin de Dieu, le moins du monde. L'impuissance des savants à rien comprendre — m'effraie. Voilà l'abîme entre les savants et les artistes.
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Vidéo de Paul Claudel
https://www.laprocure.com/product/1525906/chevaillier-louis-les-jeux-olympiques-de-litterature-paris-1924
Les Jeux olympiques de littérature Louis Chevaillier Éditions Grasset
« Certains d'entre vous apprendrez que dans les années 1912 à 1948, il y avait aux Jeux olympiques des épreuves d'art et de littérature. C'était Pierre de Coubertin qui tenait beaucoup à ces épreuves et on y avait comme jury, à l'époque, des gens comme Paul Claudel, Jean Giraudoux, Paul Valéry et Edith Wharton. Il y avait aussi des prix Nobel, Selma Lagerlof, Maeterlinck (...). C'était ça à l'époque. C'était ça les années 20. Et c'est raconté dans ce livre qui est vraiment érudit, brillant et un vrai plaisir de lecture que je vous recommande. » Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
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