Iris voulut se retirer, mais son parrain la retint avec courtoisie.
« Attendez ici que j’aie expédié le sergent que l’on vient de m’annoncer. Pour tout ce qui est dépense à l’hôtel, mon clerc se chargera de régler le compte. Il me semble, ma chère enfant, que vous n’avez pas l’air satisfait. Ma proposition vous aurait-elle déplu ?
– Comment ça,... je vous en ai, au contraire, une grande reconnaissance, mais vos rapports avec la police me font craindre que quelque danger ne vous menace. Après tout, il ne s’agit peut-être que d’une bagatelle ? »
Une bagatelle ! se dit à part lui sir Giles. Il était doué de trop de pénétration, pour ne s’être pas aperçu que l’une des lacunes de l’étrange nature de sa filleule, consistait à ne pas tenir en assez haute estime la situation sociale de son parrain. À preuve, la désinvolture avec laquelle elle venait de parler du complot en question. Or, exciter chez son insensible filleule des sentiments d’inquiétude, voire d’admiration, en jouant le rôle d’un homme de grande importance était une tentation à laquelle la vanité du banquier ne pouvait résister.
En 1881, par une matinée brumeuse et peu après le lever du soleil, Denis Howmore fut réveillé en sursaut par ces mots prononcés à voix haute à travers la porte :
« Le patron veut vous parler sur-le-champ. »
L’individu chargé de ce message connaissait à coup sûr les lieux, car, arrivé en haut de l’escalier, il s’était arrêté droit devant la chambre à coucher de Denis Howmore, premier clerc de sir Giles Montjoie, banquier à Ardoon, jolie petite ville d’Irlande.
Il se lève aussitôt, s’habille en deux temps, prend ses jambes à son cou et se dirige vers le faubourg où demeure son patron.
La physionomie de sir Giles trahissait les soucis et même l’anxiété. Sur son lit, l’on voyait une lettre ouverte ; son casque à mèche, posé de travers sur sa tête, témoignait d’une grande agitation ; oubliant, dans sa précipitation, jusqu’aux règles ordinaires de la politesse, sir Giles se borna à répondre au « Bonjour, monsieur », du maître clerc :
Denis, je vais vous charger d’une chose qui exige autant de promptitude que de discrétion.
Si un homme naît avec le coeur d’un lion, un autre peut naître avec l’esprit d’une
mule ; or, le patron de Denis appartenait à l’une de ces deux catégories...
un homme guidé simplement par la raison, avant d’arriver à une décision satisfaisante, eût pu perdre un temps précieux en tergiversations ; au contraire, une femme, obéissant au sentiment de l’amour, résolut en un instant le problème.
Un poltron est toujours plus ou moins méchant.
Bande annonce de The Moonstone (2016), mini série de la BBC et adaptation du roman de Wilkie Collins, paru en français sous le titre La pierre de lune.