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EAN : 9782204143448
210 pages
Le Cerf (03/12/2020)
4.2/5   5 notes
Résumé :
D'Atatürk à Erdogan, de la caserne à la mosquée, de la nationalisation de l'islam à l'islamisation de la nation, de l'Europe à l'Oumma, de l'Otan au Califat, voici la face cachée de la Turquie.
Ce livre plonge dans les cent ans de vertiges qu'a connus la République turque née des ruines de l'Empire ottoman.
Ce livre convoque les fantômes de son négationnisme, Arméniens, Grecs, Alévis, Kurdes. Il dévoile les dessous des putschs militaires qui ont étrang... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
La sentence fait froid dans le dos : le sabre et le turban cherche à convaincre qu'il est bien vain de croire que la Turquie est gouvernée depuis sa création par autre chose qu'une subtile alternance (voire union) entre une doctrine militaire et expansionniste et une doctrine religieuse.

Jean-François Colissimo remonte aux éléments constitutifs de la Turquie moderne, qui sont selon lui l'effondrement de l'Empire ottoman et le génocide arménien "& co" pourrait-on dire, significatif d'une épuration ethnique comme socle de l'avènement d'une nation indivisible, et dont l'indivisibilité ne peut être aujourd'hui remise en question sous peine de blasphème, comme en font l'expérience de nombreux journalistes, artistes et militants emprisonnés dans un État souvent érigé en modèle par les Occidentaux.

Le sabre et le turban s'articule autour d'une comparaison entre Kemal et Erdogan, que tout semble séparer et qui sont pourtant les mêmes faces d'une Turquie ivre de puissance, quels que soient les moyens à mettre en oeuvre pour retrouver cette dernière.

L'auteur s'attarde également sur la conception bien particulière de la laïcité turque, qui ne consacre pas la séparation de la religion et de l'État, mais bien la soumission totale de la première au second, comme le montre l'intransigeance kemaliste envers les sectes.
Plus proche de nous, l'organe "Diyanet", sorte de super ministère au budget conséquent, et chargé la gestion de la religion sunnite prônée par la Turquie, sur le sol national mais aussi et surtout à l'étranger, via entre autres la gestion de mosquées.

L'éternelle question de la candidature de la Turquie à l'Union européenne est également passée au crible ; l'ouvrage tentant d'en montrer sa totale incohérence, tant liée aux profonds conflits qui subsistent entre la Grèce et la Turquie et par l'annexion et la colonisation pure et simple de Chypre, que par l'étrange situation d'une Turquie européenne qui deviendrait le pays le plus peuple, le plus religieux, et aux frontières les plus menacées par la guerre de l'Union.

On peut enfin souligner la place importante laissée par l'auteur aux minorités autres qu'arméniennes dans le long récit des exactions turques envers ses composantes : Dönme, Yézidis, Alévis, Zazas, Lazes et Assyriens...

Un livre à charge donc, mais extrêmement intéressant, et n'hésitant pas à prendre le contrepied d'une certaine tolérance accordée à la Turquie malgré ses innombrables pieds de nez aux valeurs de l'Union européenne et sa capacité de nuisance maintes fois démontrée...J'ai toutefois regretté certaines positions un peu trop radicales à mon sens, notamment celles portant sur le Haut-Karabagh, dont la situation est bien inextricable, et sur une digression portant sur le génocide arménien comparé au "peuple" juif.

Un portrait glaçant, et qui s'ajoutant à d'autres lectures tout aussi accusatrices, renforce un sentiment d'urgence face à un pays dont l'agressivité et la violence s'expriment indistinctement envers ses ennemis, ses alliés, mais aussi ses dissidents internes : parler de démocratie ou de laïcité, voire de modernité semble désormais tristement anachronique.
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C'est un essai en forme de réquisitoire, court, dense et implacable, explicite dès son sous-titre : Jusqu'où ira la Turquie ?
Jean-François Colosimo est un théologien orthodoxe dont le style peut parfois déconcerter et que je soupçonne de ne pas être totalement objectif. Il livre ici une diatribe fouillée sur le thème qui lui est cher : l'aveuglement de l'Occident devant la dangerosité de la politique agressive turque.
Comment la Turquie, souffrant du syndrome de l'encerclement, a en un siècle basculé du désir de rejoindre l'Europe à la volonté de dominer l'Oumma ? Il faut d'abord se souvenir de l'empire ottoman comme de l'empire byzantin. La conquête justifie l'instauration de l'empire : le sabre valide le turban qui vérifie le sabre.
La Turquie moderne est née du désastre de la Grande guerre* avec l'effondrement de l'Empire, puis du trou noir de la purification ethnique (Grecs, Juifs, Arméniens, Assyriens, Yézidis) organisée par Talaat Pacha à partir de 1915. Les Arméniens furent ainsi déclarés inassimilables et faisant obstacle à la jonction des peuples turcs aux confins de l'Est.
Afin de ne pas souiller la fierté nationale, Mustapha Kemal pas plus qu'Erdogan ne reconnait le génocide arménien. Avec lui déjà, toute différence est assimilée à un acte antipatriotique. Même les Kurdes, majoritairement musulmans, sont manipulés : ils réalisent le génocide avant d'être réprimés, pourchassés, niés dans leur identité, tout comme les Alévis qui pratiquent une sorte de synchretisme.
Constitutionnellement, la Turquie se déclare un Etat laïc. Mais cela signifie que l'Etat institue, gouverne, encadre, surveille et contrôle la religion. Toute divergence doit être réprimée car elle est facteur de division et de sédition.
Comme nombre d'européens, j'ai admiré Mustapha Kemal, maréchal de l'indépendance, artisan de la Nation, réformateur de l'Etat, et sa marche forcée vers l'occidentalisation. Lors de mes voyages en Turquie, j'ai été émerveillée par sa culture multiséculaire. L'armée, perçue comme le meilleur vecteur de l'occidentalisation et la première élite du pays, jouit d'une position éminente, largement confortée par la guerre froide.
La situation politique d'aujourd'hui appelle cependant à la plus grande vigilance : comme hier, Erdogan comme Kemal cherche à délivrer les anciens territoires ottomans injustement démembrés ou occupés (Chypre, au Caucase, en mer Egée, au Moyen-Orient, dans les Balkans …), il joue habilement des peurs et des renoncements du monde occidental. le constat est glaçant.
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Analyse à grand hauteur, et pas toujours dans le détail (Colosimo considère que ses lecteurs sont au fait de toutes les références historico/culturelles qu'il invoque) mais peu importe son analyse me parait extrêmement pertinente et malheureusement proche de la réalité.
Il démonte nos illusions et mauvaises compréhensions que nous européens avons eu de la Turquie depuis 50 ans, et ose un rapprochement idéologique osé entre Ataturk et Erdogan, qui surprendra même certains turcs "pro-occident". Cet état né sur les ruines d'un empire multiculturel est devenu un pays nationaliste et monolithique mulsuman sunnite, prompt à éliminer tout ce qui gêne en dehors de cette définition.
Revigorant, mais pas rassurant, d'autant que nous l'avons armé militairement à outrance comme rempart contre le communisme.


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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Qui , dans ses frontières , confisque la démocratie , purge l'appareil d'état , réprime l'opposition , muselle la presse , embastille les artistes , persécute les minorités et entre en guerre ouverte contre des pans entiers de la population afin d'être consacré le champion de l'islam politique ?
Qui , hors de ses frontières défie l'Amérique , rivalise avec la Russie , rackette l'Europe , couvre Daesh , poursuit les kurdes au Proche-Orient , envoie des mercenaires en Lybie , traque les arméniens dans le Caucase afin d'être couronné le patron de l'internationale islamiste ?
Qui se veut un nouveau sultan , se prétend un nouveau calife , entend restaurer l'empire Ottoman afin d'être considéré comme l'un des maître du jeu planétaire ?
La diabolisation dont il est l'objet réjouit Recep Tayip Erdogan . Il la réclame et l'encourage . Sa stratégie de provocation renforce son système d'intimidation . Elle n'est pourtant que le voile d'un mal plus ancien
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En cent ans, l'État turc, qui continue à nier l'extermination de 1 600 000 Arméniens, a expulsé 2 000 000 de Grecs, forcé au départ 100 000 Juifs, fait fuir 90 000 Assyriens, chassé 80 000 Yézidis, exclu 60 000 Dönme, interdit d'existence légale 15 000 000 Alévis ainsi que 20 000 000 Kurdes, brimé 3 000 000 Zazas et 200 000 Lazes. Il a jeté en prison de 300 000 à 400 000 Turcs qui se sont insurgés contre l'une ou l'autre vague de dictature. Il a laissé impunis les 5 000 à 10 000 assassinats politiques des Turcs qui ont milité pour une Turquie ouverte.
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Dévoiler les dessous des coups d'État militaires qui, entre 1960 et 2016, ont étranglé les aspirations à la démocratie. Divulguer les compromissions de Washington depuis 1945 et de Bruxelles jusqu'à aujourd'hui, en 2020. Montrer comment la Turquie constitue le plus explosif des laboratoires bellicistes à trois heures d'avion de Paris, Berlin, Londres. Et ne pas oublier, tout du long, le cortège des Turcs qui ont été tués, emprisonnés, exilés pour avoir dit non au mensonge institutionnalisé. Qu'ils aient eu à souffrir du sabre politique, du turban religieux, ou des deux.
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La présence hellénique sur la côte terrestre de l'Égée, autour de la mer Noire et en Anatolie, vieille de 3 000 ans, est réduite à néant. Sa disparition marque la deuxième mort de l'Empire millénaire de Byzance. Elle ramène à en dessous de zéro les sacrifices consentis pour assurer une permanence qui était depuis longtemps réduite à une soumission résignée.
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La Turquie moderne naît du sombre désastre de l'Empire et du trou noir du génocide. Elle n'est en soi responsable ni de l'un, ni de l'autre. Mais l'État turc reste dépendant des deux pour avoir délibérément et assidûment pratiqué à leur égard la confusion des mémoires, l'hypermnésie pour le premier, l'amnésie pour le second.
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Videos de Jean-François Colosimo (33) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean-François Colosimo
Turquie, Inde, Russie, Chine ou encore Iran : les néo-empires accusent aujourd'hui l'Occident de tous les maux, en se présentant comme les nouveaux leaders d'un Sud global opposé à l'hégémonie du Nord. Comment expliquer la résurgence de ces puissances et quelle vision du monde, défendent-elles ?
Pour en parler et analyser la situation, Quentin Lafay reçoit Jean-François Colosimo, essayiste, directeur des éditions du Cerf.
Visuel de la vignette : Sergei Bobylyov / AFP
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