Pascal CommèreJoël Leick3.5/5
1 notes
Verger, etc…
Résumé :
C’est la campagne bourguignonne entière qui, dans ces notes de carnet, résonne. Neige, lacs, soleil, humeurs des saisons, femmes, hommes et bêtes qui peuplent ces terres et leurs hameaux : tous se délivrent en souvenirs, anecdotes et citations. Le langage règne, il est défenseur de l’imperceptible, de l’instant savouré et de la contemplation. Le lecteur, carnet en main, accompagne le randonneur qui parcourt ce terroir pour en saisir la substance.
Vladimir Holan…
Vladimir Holan, interdit de publication pendant des
années, refusant de se rendre à la cérémonie de re-
mise du Grand Prix national de poésie qui lui était
décerné, au motif qu’il n’avait pas de chaussures...
Papillons au ras des prés. Convalescence du jaune.
Ce qu’une couleur nous dit, sans jamais se poser.
Le vert est moins instable, a besoin de racines.
Le poème. Lettre à soi-même.
Le lac a frémi…
Le lac a frémi. Comme si quelque chose ou quelqu’un l’haranguait du bout de son bâton, ainsi qu’on fait avec les bêtes. Lui s’exécute, en vaguelettes. Vers midi, le soleil allume sa lampe de poche sur les rochers de l’une des rives, cependant que l’autre reste dans l’ombre, appuyée aux arbres.
Mais le niveau de l’eau a baissé. Au Moulin de la Ronce, on traverse à pied sec sur ce qu’il reste du parapet de l’ancien pont.
Une bien pauvre maison que celle de A., sans grande lumière, comme celles où les maîtres logeaient leurs commis.
…
Talus en fête…
Talus en fête. La viorne, ses chignons clairs dans le soleil. La brume, à peine posée. Comme si un feu, sa fumée dissipée, refusait de brûler quelque part. ou plutôt comme si, toujours, passé la ferme de Cromot, une femme en tricot rose faisait signe.
Un feu qui claire, disaient-ils. Avec raison, sans pourtant le savoir.
Souffre-douleur, qu’ajouter de plus.
Après-midi d’automne. Les murs, les pancartes des villages, les peupliers, les noyers en bord de route… L’envie de s’arrêter devant chaque chose, de demander pourquoi.
Verger, dis-tu…
Verger, dis-tu.
Certes je m’en tiens à ce qui est. Mais qu’est ce qui est ?
Ne pas en faire une histoire toutefois, ni même un semblant de.
Un pré moins encore. Rien à fabriquer de ce côté-là.
Maison en bordure du village. Accrochées au portail deux boîtes
aux lettres, un écriteau sur chacune. « Ne rien mettre dans cette
boîte, il y a un nid à l’intérieur » sur l’une, sur l’autre : « Interdit
aux oiseaux ».
L’herbe, ils ne l’aiment que parquée.
Une voiture secoue la nappe de ses phares dans la nuit.
…
Les aubépines en fleurs, les yeux des chats…
La nuit de partout est en feu.
Le poème. Pour soi, un temps au moins, rien
que pour soi.
Deux pétales blancs sur ma table ce matin.
Je n’ose plus bouger.
Poème. Pêche à la ligne. Sans carte, tenter d’en
accrocher les reflets, le dos de la rivière fourmille.