AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,02

sur 533 notes
J'ai tenté une nouvelle fois de lire ce célèbre roman de Conrad, la première tentative datant d'une quarantaine d'années. Mais cette deuxième tentative s'est également soldée par un échec, j'ai lâché ce livre à peu près au moment où Jim abandonne son bateau sur le point de sombrer en s'installant (presque malgré lui si on veut bien porter foi à son récit, ou plutôt à celui du narrateur) dans la chaloupe avec le reste de l'équipage. J'ai cru à deux ou trois reprises déceler quelques phrases qui me donnaient un peu d'espoir que cette histoire allait bien finir par m'intéresser, que ma curiosité pour la vie de ce Lord Jim allait finir par être éveillée, mais arrivé au tiers du roman, j'ai jugé que la pêche était bien maigre et je suis rentré au port. J'ai comme un doute sur ce magnifique banc de dorades dont on m'avait parlé et qui pouvait surgir au détour d'une page. Peut-être que, dans quarante ans, je reprendrai la mer au large de la péninsule arabique dans l'espoir que ce Lord Jim m'indique le lieu de cette pêche miraculeuse à laquelle, ce soir, je ne crois plus.
Commenter  J’apprécie          152
C'était un jeune gentleman plein d'idéal, un gamin rêvant d'aventures dont il serait le héros, téméraire, généreux, admirable. Son heure viendrait, il n'en doutait pas, où il pourrait démontrer sa valeur. Il est devenu marin, puis officier. Son heure est venue - et face à l'épreuve, il a failli. Assez gravement pour déchoir aux yeux du monde, et le reste de sa vie n'a plus été qu'une fuite pour échapper aux échos de sa faute, une quête éperdue de rédemption, pour se racheter enfin ne serait-ce qu'à ses propres yeux.
Son histoire n'est pas de celles qui s'appréhendent d'une seule traite. Il faut, pour tenter de la saisir, croiser les témoignages, les points de vue. Ecouter toute une nuit, dans la pénombre d'une véranda, le long récit d'un homme qui l'a connu, un peu, qui l'a aidé, tant qu'il a pu, qui n'a pas honte de se dire son ami, son semblable. Suivre un procès pénible, lire une lettre, tendre l'oreille à de lointains échos. Mais aux yeux de ses amis mêmes, comme de tous ceux qui l'ont connu, qui l'ont aimé parfois, Jim restera un mystère - une légende malheureuse dont la trace va se perdre, sur une ultime fulgurance, dans les profondeurs de la jungle malaise.

Il est des romans dont on sait, au bout de quelques pages seulement, qu'on tient entre les mains un chef d'oeuvre : Lord Jim est de ceux-là, et cette première impression ne fait que se confirmer tout au long de la lecture, jusqu'à ses toutes dernières phrases.
Cela tient, peut-être avant tout, à une écriture superbe, dense et riche, quasi hypnotique parfois, d'un immense pouvoir d'évocation, capable de vous entraîner dans un long rêve éveillé et de graver toute une scène sur la rétine par la seule force d'un détail infime. Cela tient, aussi, à une narration complexe, admirablement maîtrisée, qui joue de l'allusion, des recoupements, des divergences, des témoignages, pour tenter d'appréhender, de méandre en méandre, l'impénétrable vérité de son personnage. Un grand auteur de polar ne ferait pas mieux pour entraîner son lecteur sur la piste d'un insaisissable coupable - sauf qu'ici, coupables et victimes se confondent dans l'implacable confrontation des idéaux et du réel. Cela tient à la grande richesse d'un récit où s'entremêlent exotisme, aventure et réflexion sur la nature humaine, sur les ressorts des âmes, leurs élans fous, leurs brisures, leurs étrangetés insondables.
Cela tient, par dessus tout, au personnage de Jim - romantique incurable, naïf ardent et pathétique, magnifique jusque dans ses échecs, agaçant parfois mais terriblement attachant aussi, toujours, malgré tout. Un écueil de contradictions sur lequel se brisent les vérités faciles, saisi avec assez de finesse pour être passionnant, investi d'assez de mystère pour rester jusqu'au bout fascinant.
Un grand personnage tragique, inoubliable, derrière lequel se profilent les fissures d'une civilisation trop sûre d'elle-même, le bel Empire britannique dont l'idéal glorieux dévore sans pitié ses plus ardents enfants.

Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
Commenter  J’apprécie          142
Bizarrement, quand on évoque les grands écrivains de l'ère victorienne, et spécialement les auteurs de romans d'aventure, on trouve facilement les noms de Stevenson, de Conan Doyle ou de Wells, à la limite de Rider Haggard, un peu moins connu chez nous, mais on ne pense pas à y associer Joseph Conrad. Etonnant, non ? Pourtant, né en 1857 et mort en 1924, il est tout à fait leur contemporain. Les curieux - et je sais que vous en êtes (curieux, bien sûr) - se posent la question. J'y vois pour ma part deux ou trois explications (elles valent ce qu'elles valent, je n suis pas un historien de la littérature, seulement quelqu'un qui lit, comme Jean-Claude).
D'abord Conrad n'est pas Anglais d'origine. C'est peut-être un détail pour vous, mais pour un Anglais ça veut dire beaucoup... D'ailleurs, ils ont mis du temps à le reconnaître, ce n'est qu'en 1913 qu'il rencontre son premier succès commercial britannique, "Chance", il avait déjà écrit tous ses grands romans (Le Nègre du Narcisse - 1897, Au coeur des ténèbres - 1899, Lord Jim - 1900, Typhon - 1903, Nostromo - 1904) bien accueillis par la critique mais boudés par le public. Ensuite, ses romans sont cosmopolites, se passent tout autour du globe (souvent en mer, d'ailleurs - oui je sais "en mer d'ailleurs" c'est pas très joli, mais c'est pas ma faute s'il y a plus de bateaux sur la mer que sur les montagnes). Enfin, les héros "conradiens" n'affichent aucune des vertus britanniques traditionnelles, bien au contraire, ils sont souvent complexes, désabusés, se cherchent un but, et leur courage, souvent réel, est parfois plus désespéré qu'autre chose.
Lord Jim, justement, est un héros "conradien". Il passe sa vie à expier une faute commise au début de sa carrière (il a laissé couler un bateau plein de passagers). Torturé par la culpabilité, il est écartelé entre ses envies d'héroïsme et la paralysie qui le prend au moment de l'action. C'est un profil psychologique particulièrement tourmenté, qui fait de Lord Jim un antihéros, et de Conrad un maître du roman d'analyse, doublé d'un maître du roman d'aventure. Certains critiques y verront même l'origine de l'existentialisme, en fonction de "l'étrangeté" du personnage, sa dualité, son envie de vivre constamment en conflit avec son envie de mourir...
Pour le coup, vous l'avez deviné, Conrad n'est pas Stevenson, vous ne lirez pas Lord Jim avec le même engouement que l'Ile au trésor, mais peut-être y trouverez-vous un plaisir différent, car Lord Jim, avec toutes ses contradictions, reste profondément humain, et sa quête, somme toute, est une quête du bien, et une forme de rédemption...
Au cinéma, qui d'autre pouvait incarner Lord Jim que Peter O'Toole, (qui avait incarné Lawrence d'Arabie, un personnage finalement assez proche de Jim, ne trouvez-vous pas) ? C'est dans un très beau film de Richard Brooks, réalisé en 1965...
Commenter  J’apprécie          134
J'ai arrêté ce livre, chose que je ne fais que très rarement, après un peu moins de 200 pages. de la 100e à la 200e, je ne lisais plus, je surnageais.
Conrad est à n'en pas douter un très grand écrivain, en ce qu'il manie la langue avec une noblesse et une précision qu'on ne retrouve que chez une poignée d'autres auteurs. Mais dans Lord Jim comme dans L'Agent Secret, son style se perd dans les abîmes d'une construction bien trop confuse. On peut s'extasier sur la beauté d'une phrase au début d'un paragraphe, et ne plus savoir qui parle ou de quoi il est question cinq lignes plus tard. La traduction me paraît ne pas avoir traité cet aspect, se concentrant par trop sur la langue et pas assez sur la cohérence d'ensemble.

Il en ressort un livre qu'il est très difficile de suivre, et dont on se demande s'il a un cap - un comble pour un livre sur les marins. J'en garderais seulement quelques fulgurances dans les tournures, un lyrisme parfois touchant lorsqu'il tend à toucher du doigt l'universel à travers les relations qu'entretiennent le narrateur principal avec le personnage de Jim, mais guère plus.
Commenter  J’apprécie          130
Les détours, changements de points de vue, les longueurs, ont failli avoir raison de ma volonté d'aller au bout de ce livre!
J'ai apprécié la restitution par Conrad d'une atmosphère lourde, pesante, imposant un rythme lent au roman. En revanche, cette lenteur est la même pour la découverte, très très progressive, de Jim. Et même en fin d'ouvrage, cette découverte reste très incomplète. 
Certes, la connaissance de quelqu'un reste toujours imparfaite, voire très imparfaite. Mais les hésitations de Marlow (le conteur) dans ses interprétations, ces interrogations quant à la précision de ses souvenirs, son ambition d'interpréter des faits connus indirectement et donc sujets à nouveaux questionnements, représentent un défi pour le lecteur!
Finalement, plutôt que Jim lui-même, le sujet de ce récit est celui de la difficulté de Marlow à interpréter des indices faibles pour tenter de comprendre Jim.
J'ai préféré Nostromo...
Commenter  J’apprécie          110
Absorbé par la densité de rêve de ce roman romantique, romanesque et philosophique de Joseph Conrad (1857-1924). Ce roman fait partie du panthéon de Michel Déon dans son excellent Lettres de château et de celui d'Alain Finkielkraut dans son ouvrage Un Coeur Intelligent.

Ce livre nous porte au-delà de nous-mêmes vers les sources de l'existence, l'illusion de la réalité, l'imaginaire du réel.

Au-delà de la vie de Lord Jim, Tuan Jim, racontée principalement par ce tiers, Marlow, l'écriture de Conrad est envoutante, ses longues phrases rythmées impriment une force sourde qui ne manque pas de vous emporter pour autant que vous ayez le temps de vivre.


Lien : http://www.quidhodieagisti.fr
Commenter  J’apprécie          110
Un homme raconte l'histoire de Jim, "l'un des nôtres" (c'est-à-dire les hommes blancs, gentlemans qui savent agir... L'auteur écrit à la fin du XIXe siècle... Les colonies sont encore là). Comment ce marin romanesque qui ne fût pas à la hauteur de ses attentes un jour d'accident portera son humiliation envers lui-même jusqu'à sa mort, même devenu "lord" ou "tuan" dans une jungle inventée du côté de la Malaisie. Un récit lyrique, plein de crépuscules flamboyants, d'aventures maritimes et de réflexions sur le destin et la morale - se battre ou fuir ? la passion de l'imaginaire ou l'intelligence du raisonnable ?
Les vertus des hommes que l'on retrouve chez Stefan Zweig, avec du Mobby Dick...
Intéressant à découvrir, avec des phrases qui font mouche, et puis des longueurs, et dans mon cas de femme blanche du 21e siècle aucune empathie pour les personnages, peut-être parce que le narrateur lui-même a quelque chose de fatigant.
Commenter  J’apprécie          100
D'autres écrivains ont raconté des histoires émouvantes sur ceux qui font des affaires dans les grandes eaux, et ont donné des descriptions vives et pittoresques de l'océan dans ses tempêtes et dans ses calmes. Mais quand nous ouvrons un livre de M. Conrad, nous ne sommes conscients de rien de tout cela. Aussitôt survient 'un si grand appel de la mer ' que nous nous embarquons avec l'écrivain dans la grande aventure des profondeurs. Nous sentons toute l'exigence prosaïque de la vie, et, en même temps, nous sommes fascinés et retenus par l'esprit mystérieux et dominant qui couve toujours sur la mer.

Nous ressentons tout cela dans Lord Jim , mais Lord Jim est bien plus qu'un roman marin. On dit que son auteur a voulu faire un bref récit, mais qu'il s'est pris en main et a écrit une étude approfondie d'un phénomène psychique.

Lord Jim est l'histoire d'un garçon né dans un paisible presbytère anglais, mais rempli d'une soif d'aventure qui le conduit très tôt à la vie de marin. Il a ce jeune égoïsme sublime, cette jeune foi pathétique en lui-même, ce refus de croire possible que la vie puisse lui réserver une défaite ou un échec, en un mot, ce ressort et cette essence même de la jeunesse. Enfin, quand il a vingt-quatre ans, et qu'il set le second d'un navire naviguant dans une mer calme d'Orient, sous les étoiles silencieuses, avec 800 pèlerins paisibles dormant sur le pont, rapidement, effroyablement, se dresse à côté de lui 'l'opportunité voilée' , le rêve de sa vie Et il tremble devant.

Conrad commence alors son étude d'une âme. Il raconte son histoire non pas de l'intérieur, mais de l'extérieur, le mettant dans la bouche d'un observateur intéressé qui ne peut pas s'arroger le privilège d'omniscience du romancier. Il tâtonne, pas à pas, le long des chambres obscures de ce jeune coeur embrumé et grossier, qui sent toute la signification, la tache ineffaçable de son moment recroquevillé, et pourtant qui parvient, d'une manière ou d'une autre, à reconstituer la foi brisée en ses hautes potentialités.

Conrad poursuit une situation jusqu'à son dernier retranchement ; il soumet une émotion à sa dernière analyse. Il tourne un problème encore et encore, jusqu'à ce que nous le voyions sous cent feux - mais jamais, par un heureux hasard, il ne le résout. le cas de Jim - c'est le motif de l'histoire. À quoi cela ressemble-t-il pour Jim lui-même? A quoi ressemble un homme d'honneur ? Où est l'espoir pour l'avenir de Jim ? Quel est son point de salvabilité ? Mais il n'y a, après tout, aucune conclusion. On s'enchaîne, on s'enchaîne, d'une subtilité délicieusement posée après l'autre, jusqu'à ce qu'en vérité, on commence à sentir, et on a honte de ressentir, juste un peu las de tant d'analyses, de tant de perplexités finement dessinées. .

Pourquoi, nous demandons-nous, ne pouvons-nous pas saisir quelque chose de précis ? Et à quoi, après tout, revient toute cette théorisation ? Nous ne savons pas que nous sommes appelés à nous asseoir sur le siège du jugement, pesant jusqu'au dernier scrupule l'intention du pauvre Jim par rapport à sa performance, et alors pourquoi un tel avenir ? Ne serait-il pas simple pour son ami serviable de dire : 'Tu es terriblement tombé, mon garçon, tombé, peut-être, à cause de tes propres rêves pleins d'assurance. Releves-toi et éssaye à nouveau. Pas d'esquive, pas d'évasion ! Vis cette chose, humblement et avec espoir, à la lumière du jour.'

Il y a des compensations de profondeur et de beauté à chaque page. Jamais le bonheur de la phrase et le charme de l'atmosphère de M. Conrad n'ont été plus évidents que dans Lord Jim.

Dans l'état actuel de la littérature - à quelques exceptions près- un livre de la rare qualité littéraire de "Lord Jim" est quelque chose à (re)prendre avec gratitude et joie.

Et que dire de Peter O'Toole, si parfait dans le film de Richard Brooks...
Lien : http://holophernes.over-blog..
Commenter  J’apprécie          93
Quand idéal, honneur et orgueil riment avec égocentrisme, aux dépends de l'équilibre et du pragmatisme, la vertu tourne à la catastrophe. Lord Jim est un personnage complexe dont les exigences sont comme des TOC ( troubles obsessionnels compulsifs). Il a un sens exacerbé du devoir, et supporte difficilement le regard des autres. Toute son intelligence et sa probité en sont paralysés. le personnage et son histoire en forme de roman d'aventure sont très intéressants et j'ai passé à cette lecture un très bon moment.
Commenter  J’apprécie          80
La beauté de cette oeuvre se situe peut-être dans ses longs silences nocturnes et dans la chaleur immobile de ses paysages mentaux. Une façon pour Joseph Conrad de saisir les tourments de l'Homme, ce qui l'anime et le pousse à des actions insensées. La pensée profonde de Tuan Jim, celle qui décide de son destin, est dissimulée par la parole et les gestes. Elle est simplement entrevue par tous les protagonistes qui croiseront sa route, le juge et capitaine Brierly, Dain Waris, Brown, Stein, Joyau et bien sûr Marlow. Tous chercheront à percer l'âme du jeune romanesque, sans y réussir tout-à-fait. Car Lord Jim est le roman d'un mystère. Un mystère universel qui demeure jusqu'à son terme.
Commenter  J’apprécie          82




Lecteurs (1524) Voir plus



Quiz Voir plus

Le miroir de la mer

Quel est ce personnage qui fuira toute sa vie la honte d'avoir quitté un navire menaçant de sombrer

Lord Jim
Demian
Coeur de pirate
Kurt Wallander

10 questions
66 lecteurs ont répondu
Thème : Joseph ConradCréer un quiz sur ce livre

{* *}