Dans un article récent, l'économiste du sport, Pierre Rondeau, proposait, afin d'améliorer la compétitivité de la ligue 1, de « [...] faire de la France le pays de l'innovation, tester et expérimenter de nouvelles règles comme les points de bonus offensif et défensif, la fin des matchs nuls et l'organisation automatique de tirs au but, le changement de l'ordre de passage (du connu ABAB au ABBA voire au mystérieux ABBA BAAB), l'introduction du carton blanc, le droit à un quatrième remplacement voire, comme le désire Raymond Domenech, des remplacements illimités, etc. ».
La question de l'innovation est au coeur de Les entraîneurs révolutionnaires du football de Raphaël Cosmidis, Christophe Kulchy et Julien Momont, déjà auteurs de Comment regarder un match de foot ?, et dans lequel ils s'intéressent à quelques entraîneurs de football qui peuvent être qualifiés de révolutionnaires pour avoir transformé le jeu.
Au programme et dans cet ordre, Gustáv Sebes ou « le football socialiste », Helenio Herrera ou « le football verrouillé », Rinus Michel ou « le football total », Valeri Lobanovski ou « le football de la polyvalence sage », Arrigo Sacchi ou « le football du collectif », Johan Cruyff ou « le football des triangles » et Pep Guardiola ou « le football en réinvention permanente », le seul de la liste encore en activité et le plus connu avec Johan Cruyff, y compris par ceux qui ne s'intéressent que de loin au football.
Même si les auteurs ne développent pas de théorie particulière de l'innovation au sujet de ces illustres entraîneurs, ils sont bien tous à leur manière des innovateurs ou des révolutionnaires et décrits comme tels, contrairement à d'autres illustres entraîneurs également cités dans le livre comme Alex Ferguson ou Giovanni Trapattoni qui n'auront ni marqué ni transformé le jeu.
Selon les auteurs, « Le révolutionnaire, plus objectivement, est tout d'abord l'entraîneur qui a bousculé le football en place lorsqu'il est arrivé. Il renverse ce que l'on appelle un « paradigme », une façon commune de voir les choses, des valeurs partagées, des manières de faire dans un espace et un temps donnés.[…] le révolutionnaire n'est pas forcément l'initiateur. Il n'est pas toujours « le premier ». Inventeur ou pas, il est celui qui a fait sienne une idée innovante. Qui se l'est appropriée, en a fait le coeur de sa philosophie de jeu ou la clé de voûte de son système ». Pour illustrer cela, dans le chapitre consacré à Rinus Michel, Ernst Happel est qualifié comme « l'autre entraîneur total » même si les auteurs lui consacrent moins de place et un rôle moindre dans l'émergence du football total. de même pour chacun des portraits, des précurseurs et des suivants sont cités comme cela serait le cas dans une histoire de l'innovation.
Le livre de Raphaël Cosmidis, Christophe Kulchy et Julien Momont est une formidable plongée dans la vie de ces super-entraineurs et d'autres entraineurs également, leur philosophie du jeu et les innovations qu'ils auront apportées au football.
À noter que dans la définition désormais classique que Gary Lineker donnait du football - « le football est un sport simple ; 22 hommes courent derrière une balle pendant 90 minutes, et à la fin ce sont les Allemands qui gagnent - aucun rôle n'est accordé à l'entraîneur, c'est probablement parce que la Mannschaft n'a pas eu à ce jour d'entraineur révolutionnaire.
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Un deuxième livre de qualité de la part Messieurs Cosmidis, Momont et Kuchly qui complète de manière intéressante le premier. Ce livre a pour objectif de porter un regard sur l'évolution du football via des équipes et surtout des entraineurs qui ont marqué l'histoire. L'aspect tactique est bien exposé, peut être même mieux que dans le précédent livre.
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Si les Barcelonais savaient à l'époque qu'une révolution démarrait tout près du Camp Nou, peut-être s'y seraient-ils rendus en masse [au Mini Estadi, où l'équipe B du FC Barcelone reçoit ses adversaires]. Mais comment reconnaître une révolution ? Au radicalisme de ses idées ? À l'enthousiasme ou au nombre de ses adeptes ? À l'impact qu'elle a sur ceux qui la subissent ?
Mais les équipes qui restent dans la mémoire collective sont moins celles qui gagnent que celles qui transportent d'émotions, signe que le foot est davantage qu'un sport : un art.
Préface de Christian Gourcuff
Du génie, Johan Cruyff avait la vision révolutionnaire. Têtu, maladroit psychologiquement et tactiquement dans le match qui devait sanctifier son équipe face au style honni, il n'était pas le meilleur entraîneur, lui qui ne dura que onze ans et déléguait tant. Mais il est le fil rouge de l'évolution du jeu depuis plus de quarante ans. Et, avant d'être emporté par un cancer du poumon, il a pu voir ses idées amenées au niveau supérieur par celui qui était l'un de ses plus brillants joueurs [Pep Guardiola] - un gamin placé devant la défense alors qu'il ne savait pas défendre.
La tactique du football a, comme tous les autres domaines de la société, considérablement évolué depuis notamment les années 1950. Cette évolution a été guidée, évidemment, dans un souci d'efficacité, avec des problèmes de jeu qui changent sans cesse (dimension athlétique notamment), mais aussi par la philosophie qui guide l'action de tout créateur. Sans oublier l'influence de facteurs sociologiques, voire politiques, avec des mentalités qui elles-mêment évoluent.
Préface de Christian Gourcuff
Si le souci de l'entraîneur reste évidemment l'efficacité, la manière de l'obtenir reste très différente en fonction de la sensibilité de chacun :
- la recherche pragmatique du résultat à tres court terme sans autre considération morale ni esthétique ;
- la conviction que le résultat n'est que la résultante de l'épanouissement par l'emergence d'une intelligence collective.
Préface de Christian Gourcuff