Nantes coloniale et négrière : Quelle mémoire ?

J'ai passé la plus grande partie de ma vie à Nantes et à la Toussaint 2023 j'y ai vu l'exposition " mémoire[s] dé coloniale[s] #3" au château des Ducs. Aussi avais je sélectionné ce livre lors des précédentes masses critiques et j'ai vraiment été très heureuse de le recevoir.
Merci beaucoup à Babelio et aux éditions Locus Solus.

Déjà je tiens à souligner la qualité " physique" du livre,pages bistres,papier de belle qualité, impressions claires( dans le sens de "aérées"),grande qualité du choix iconographique.

Je souligne aussi le choix des auteurs de ne pas exposer le sujet de façon polémique, expliquant certains choix ( noms de rues par exemple) et restant aussi neutres mais aussi précis que possible dans leurs recherches de la vérité historique pour amorcer des réponses aux questions : quelle (s) mémoire(s) De Nantes coloniale et négrière ? Comment ces deux spécificités prennent leur place dans le Nantes d'aujourd'hui et pour en faire quoi?

Ce livre montre comment la traite négrière qui a fait la richesse économique De Nantes
,après avoir été encensée ( les bons Blancs contre ces sauvages arriérés de... Noirs, d'Arabes,de Jaunes....) ou jugée normale ( la supériorité des Blancs et ses naïfs de Noirs ..) a subi une sorte de chape de silence sans jamais tomber tout à fait dans l'oubli . le livre traite aussi de la dernière actualité en matière de travail de mémoire et comment Nantes rend hommage à cette mémoire longtemps endormie et/ ou déviée suivant le contexte politique du moment.Les auteurs espèrent que la ville s'engage sur un devoir de mémoire aussi peu lacunaire et aussi exigeant que possible.
Noms de rues,traces dans les cimetières,traces architecturales, restes industriels, vocabulaire,mais aussi apports culinaires, musicaux,culturels,nous montrent comme la ville reste imprégnée par son histoire et comment la municipalité mais aussi les associations diverses s'engagent pour que L Histoire ne disparaisse pas. Certes ça n'a a priori jamais été tout à fait le cas mais des indices étaient tronqués,exposés hors contexte ou hors explications. Et à défaut de continuer à mentir" en toute bonne foi" le fait de decontextualiser n'a pas aider à faire vivre les réalités coloniales dans nos mémoires.
J'avoue avec une gêne immense et un sentiment de culpabilité que c'est en lisant ce livre que j'ai compris que le Hangar à bananes se rattache non pas aux constructions maritimes fin 19 ème s. Mais bien à la traite négrière et au pillage des ressources africaines et que les anneaux de Buren représentent les anneaux des esclaves en soute...et pas seulement un beau point de vue photographique sur le port et la Loire.
J'aime croire, comme les auteurs,que cette histoire a accoutumé Nantes à une pluralité de cultures et que la ville continuera cet élan d'intégration pluri- ethnique qui lui est particulière.

Merci aux éditions Locus Solus de m'avoir permis de découvrir ce livre dans le cadre de la Masse critique de Babelio.

Le titre de ce livre est un peu trompeur. Il est bien précisé que ce n'est pas un livre d'histoire sur Nantes dans la colonisation et dans la traite négrière, mais il me semble que ce n'est pas non plus un livre sur sa mémoire (sauf peut-être un tout petit peu à la fin, lorsqu'il est question de l'exposition sur Les Anneaux de la mémoire). Pour moi, la mémoire est quelque chose de vivant, de mouvant, c'est la façon dont on choisit, individuellement et comme société, de se souvenir (ou d'oublier) une page d'histoire. La mémoire se construit à partir de choix plus ou moins conscients, de symboles, d'actes et de moments clefs. Alors que dans ce livre, il me semble que la question est plus de savoir quelles traces de la colonisation et de la traite négrière on trouve aujourd'hui à Nantes. Des traces, donc une sorte d'héritage qui perdure sans action consciente des individus et de la société.
Les deux premiers chapitres (soit la première moitié du livre) sont consacrés aux noms de rue. Puis on passe aux autres traces, explorées un peu tous azimuts : les tombes et monuments aux morts dans les cimetières, les macarons sur les maisons de négociants (un incontournable De Nantes), les traces olfactives (le magnolia des jardins, introduit en Europe par le port De Nantes), gustatives (les divers ingrédients de notre petit déjeuner) ou sonores (les festivals de reggae et autres De Nantes)… Etrangement, peu ou pas de trace économique (les entreprises type Beghin Say ou les hangars à bananes étant depuis longtemps en perte de vitesse, voire ayant changé d'usage).

Cela donne un livre à la fois très factuel (telle rue, tel endroit, etc.) mais avec un propos qui manque parfois un peu d'honnêteté. Un exemple qui porte peu à conséquence, c'est cette évocation du petit déjeuner comme héritage colonial. Certes, c'est vrai, mais ici, rien de spécifique à Nantes. Ou bien n'est-ce pas un peu tiré par les cheveux de voir dans l'existence d'une scènes reggae à Nantes un héritage colonial : la scène rock est aussi pas mal développée à Nantes, alors est-ce un héritage colonial ou un environnement propice à l'émergence de groupes de musique ? Très souvent le livre manque un peu de perspective historique pour comprendre en quoi la mémoire coloniale à Nantes est particulière, différente (ou non) du reste de la France ou des autres ports négriers.
Pour moi qui ne suis pas Nantaise (et qui connaît seulement un peu cette ville), ce livre s'est donc révélé d'un intérêt assez limité. Mais une personne qui en arpente plus régulièrement ses rues sera peut-être plus intéressée que moi, à condition aussi de savoir quoi attendre de ce livre, qui est plus une lecture (assez partisane) de la ville, et non une réflexion historique ou historiographique sur l'état actuel de la mémoire dans une ville négrière et portuaire telle que Nantes.

Une essai très intéressant qui invite à la réflexion, tout en se lisant comme un roman. Il faut bien lire le titre et l'introduction pour comprendre qu'il ne s'agit pas d'un livre retraçant le passé négrier De Nantes, mais bien d'un essai sur les traces qui subsistent dans la ville et la mémoire collective du passé négrier et colonial de la ville. le point de vue peut déstabiliser quelque peu puisqu'il s'appuie en premier lieu sur les choix de noms de rues opérés au 19ème siècle, pour ensuite remonter le temps et évoquer notamment les choix plus récents d'expositions relatives à l'esclavage dans les musées locaux. L'ensemble est bien mené et illustré par des pages en couleurs. Il captivera d'autant plus les lecteurs qui connaissent bien Nantes et qui ne la regarderont plus tout à fait de la même manière à l'issue de leur lecture.