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EAN : 9782277230243
252 pages
J'ai lu (04/01/1999)
2.93/5   7 notes
Résumé :
Pour un auteur de SF, le vrai défi c'est de construire un univers radicalement différent du nôtre.
La face cachée du désir présente une civilisation extraterrestre où les habitants voient la réalité non telle qu'elle est pour les Terriens (et pour le lecteur) mais telle qu'ils veulent la voir. Ici, le narrateur, Garric (qui s'efface et ne dit "je" que dans les brèves pages de ses "carnets"), est chargé de manipuler la civilisation "chulie" pour conquérir la p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Sur une planète lointaine vivent des êtres civilisés, différents de nous par quelques détails morphologiques, par la culture, par la sexualité.
Ce monde est divisé en trois grandes régions. À l'Est et à l'Ouest vivent des peuples aux coutumes différentes. Et puis il y a cette vaste étendue de glace qu'on traverse à ses risques et périls.
Les humains, de leur côté, ambitionnent de rallier cette nouvelle planète à leur vaste empire galactique. Pour ce faire, ils vont opter pour une approche en douceur, une stratégie à long terme.

Le pitch vous plait ? Alors lisez plutôt La Main gauche de la nuit, d'Ursula K. Le Guin, qui est aussi bon que le présent roman est mauvais…

Mon premier contact avec Curval n'est pas une franche réussite. Pour tout dire, j'allais abandonner cette lecture quand s'est imposé à moi le parallèle avec La Main gauche de la nuit, que j'ai lu l'an dernier. Cela m'a fourni une grille de lecture et assez de curiosité (et de motivation) pour aller jusqu'au bout du livre qui, à sa décharge, n'est pas bien gros.

J'ai déjà énoncé le pitch (identique dans les 2 romans).

Au niveau de la forme :
- Les titres sont similaires : même syntaxe, même évocation d'une dualité, même mystère quant au sens.
- L'Orrhide est le nom du désert de glace dans La face cachée du désir. La sonorité m'était étrangement familière et j'étais convaincu de l'avoir rencontrée dans le roman de le Guin. Après une recherche infructueuse, j'ai réalisé que ce nom était formé du début d'Orgoreyn et de la fin de karaïde, les deux régions peuplées dans La Main gauche de la nuit !
- Les deux romans sont divisés en trois grandes parties, chacune situant l'action dans l'une des trois grandes régions. L'ordre diffère cependant : la traversée du désert de glace ouvre le roman de Curval, tandis qu'il termine celui de le Guin.

Sur le contenu :
- Un worldbuilding mis en avant dans les deux romans, soutenu par des descriptions saisissantes allant jusqu'au contemplatif.
- La traversée du désert de glace est la partie la plus périlleuse dans les deux romans, avec ses moments de tensions, de bravoure et de larmes. Un environnement rude et isolé propice à la poursuite d'une quête initiatique (passage à l'âge adulte dans le roman de Curval, compréhension mutuelle ou acceptation de l'autre dans celui de le Guin). Dans les deux cas, l'Amour est en ligne de mire.
- Les deux romans développent particulièrement les thèmes de la sexualité, de la différence culturelle, de la perception et de la spiritualité.
- L'approche des humains pour interagir est discrète et repose sur un ambassadeur humain dans le roman de le Guin, sur deux intermédiaires autochtones conditionnés dans celui de Curval.


Voilà pour les grandes lignes. J'apprécie toujours de voir comment des idées similaires donnent lieu à des oeuvres et des choix différents. Malheureusement, ici, la comparaison fait mal, aussi je vais me recentrer sur le roman de Curval en essayant d'expliquer ce qui ne va pas.


Au niveau macro, il y a un gros problème de cohésion, avec une seconde partie qui arrive comme un cheveu sur la soupe. La rupture concerne autant la thématique que le genre littéraire, et vu la qualité de cette partie (j'y reviendrai), il aurait été préférable d'y renoncer, d'autant que les efforts d'articulation ne font que complexifier le récit.

La première partie tient plus ou moins la route au niveau de l'intrigue. le décor est planté, immersion immédiate dans l'action, en pleine traversée du désert de glace, avec des personnages qu'on cerne bien malgré des noms qui portent à confusion. On comprend petit à petit que ce voyage sert de rite initiatique au passage à l'âge adulte des jeunes hommes tels que le personnage principal de cette première partie. L'initiation et les révélations s'étirent tout au long du voyage. Tout est fait pour aboutir au dénouement logique qu'on attend fermement, le climax : le rituel du « mariage », nommé ici « capture des épouses ». Et puis, au moment tant attendu, le rituel est expédié en trois phrases et un paragraphe ! Suit une chute finale qu'on n'attendait pas, un peu obscure, et qui sauve l'intérêt de justesse.

La seconde partie est un massacre ou, selon le point de vue, une expérience créative en mode freestyle ou bien une lecture à réserver pour une soirée éméchée entre amis !
Des personnages de la première partie, on ne conserve que l'oncle Polonius (un autochtone) qui est chargé par les humains de convertir son peuple au mode de pensée humaine et, pour ce faire, à la religion chrétienne. Ben oui ! On oublie donc tout ce qui s'est passé jusqu'ici et on suit Polonius-Jésus répandre la parole de Dieu dans le pays de l'Est. Pour le motiver dans cette tâche difficile, il peut compter sur sa souris-robot, un doudou mécanique presque vivant fabriqué par les humains !
Polonius part donc vadrouiller dans la forêt et convertit successivement trois ou quatre autochtones de sa race. On pense au Petit Prince de Saint-Exupéry pour la forme. Pour ce qui est du contenu, il faut quand même se forcer parce que ça va assez loin dans le délire, je ne m'attarde pas trop dessus…
Après une transition assez artificielle, la seconde partie se termine par une séquence en intérieur qui ressemble à une fable et fonctionne comme une mini nouvelle autonome, assez bien construite, il faut dire. Mais bon, on se demande ce que cette fable vient faire dans le roman, car il n'y est question que de… gastronomie !
« Les deux Chulies attaquaient maintenant le premier ragoût, fait de tripes délicatement ciselées dont les blanches chairs de velours et de soie créaient des remous imprévus dans la sauce d'un brun profond, constellées de pigments roses. ».
Si vous appréciez ce genre de descriptions sensorielles, vous allez vous régaler : il y en a comme ça pendant douze pages (oui, 12) presque sans interruption... C'est ce que j'appelle un délire !

La troisième partie reprend la trame principale de la première (entretemps les personnages qu'on suivait sont retournés dans le pays de l'Ouest). Cette partie n'a pas de structure claire. Je l'ai trouvée brouillonne, mais elle a le mérite de clore quelques intrigues et d'apporter quelques réponses.


L'écriture est vraiment bancale dans ce roman (et spécialement dans la partie 2) :
- Les descriptions ne sont pas maîtrisées. On sent bien la verve de l'auteur, qui est exceptionnelle je dois dire, et ce n'est pas limité au domaine culinaire : la forêt luxuriante, par petits ou par gros paragraphes s'insinue partout !
- À quelques exceptions près dans la première partie, il n'y a pas d'effort pour créer des scènes fonctionnelles. Par exemple, quand le personnage qu'on suit (généralement un seul à la fois) doit parler à un autre personnage non déjà présent, celui-ci apparaît comme par magie, et souvent la discussion démarre sans autre forme de politesse.
- Pas beaucoup d'effort pour rendre les choses crédibles. Je ne parle pas de l'univers ni des moeurs, qui ont bien le droit d'être profondément exotiques. Je ne parle pas non plus des passages délirants ou loufoques. Je parle de choses comme rendre les durées, les distances. Juste un exemple, Polonius ne met qu'un ou deux jours de marche à travers la jungle épaisse pour gagner les Mers du Sud du Pays de l'Ouest. Globalement, j'ai l'impression que Curval accorde beaucoup d'importance à rendre les aspects sensoriels de son monde tout en négligeant – peut-être à dessein – la logique et la logistique.
- Les dialogues aussi manquent de crédibilité. Certains sont vraiment naïfs, notamment dans la partie 2.


Sur le thème de la sexualité, qui est fort dans ce roman, il y a certains aspects qui m'ont gêné :
- Je préviens, le rapport sexuel parent-ado est bien présent dans ce roman. Esquissé dans la première partie, il semble célébré dans la dernière partie lors d'une scène toute frénétique. Curval s'en sort par quelques subtiles pirouettes : les moeurs des Chulies ne sont pas celles des humains (mais que figurent les Chulies ?) ; dans la pratique décrite, c'est l'enfant qui est actif (mais la mère est demandeuse). Une forme d'érotisme gratuit ? D'après ma lecture, cet aspect est parfaitement dispensable.
- Plus légèrement, il y a dans ce texte une fixette certaine sur les seins des femmes Chulies... Les amateurs apprécieront. Je crois savoir qu'une certaine SF d'une certaine époque a fait de l'érotisme l'un de ses marqueurs. Je suis peut-être tombé dedans !
- Enfin, le rite de passage a l'âge adulte raconté dans la première partie est assez évocateur, très cru et finalement peu original. Aucun problème. Mais il est intéressant d'observer que dans La Main gauche de la nuit, Le Guin réussit le tour de force de présenter une proposition infiniment plus audacieuse sur la question de la sexualité, tout en faisant preuve d'une grande délicatesse.


Finalement, il y a le thème principal développé. Je ne suis pas sûr d'avoir parfaitement compris le message, mais je pense qu'il s'agit de creuser le questionnement autour de la réalité et de nos perceptions de cette réalité. Certaines pathologies mentales provoquent chez ceux qui en souffrent des distorsions de leur perception de la réalité. Et si cet effet cessait d'être une pathologie subie pour devenir une puissante capacité de notre cerveau ? Une sorte d'autosuggestion puissance mille.
Des réflexions passionnantes à coup sûr. Malheureusement dans ce roman, le propos, noyé dans un onirisme débridé et une philosophie naïve, est resté bien trop flou à mes yeux pour que je puisse m'en emparer vraiment.
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