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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le titre est superbe, le sujet, historique, tout autant, offrant au récit une ampleur inouïe : le vote en 1939 par l'Etat haïtien d'un décret-loi octroyant la nationalité, passeport et sauf-conduit à tous Juifs européens en faisant la demande, quelques mois avant que n'éclate la Deuxième Guerre mondiale. Comme si ce pays naît de la révolte d'esclaves avait inscrit dans la chair de son peuple le credo d'égalité et de fraternité.
Le héros, le Dr Schwarzberg, est un de ces Juifs sauvés de la barbarie nazie, devenu haïtien, patriarche de trois générations d'Haïtiens. La venue de sa petite-nièce le confronte à la mémoire de ce passé qu'il a rejeté. S'en suit alors une formidable saga piquée de romanesque : sa naissance à Lodz en Pologne, les pogroms, l'exil à Berlin, la diaspora de sa famille entre les Etats-Unis et le jeune Israël, sa déportation à Buchenwald, son embarquement à bord d'un bateau empli de migrants juifs refoulés de Cuba, Paris et le Bal nègre, et Haïti bien sûr.
Ce roman est un hommage puissant et tendre, plein d'humour et de verve à Haïti, il porte un regard nouveau sur cette île, loin des clichés de misérabiliste, une terre généreuse, d'exil et d'accueil, digne, invoquée par une belle écriture très musicale, souvent lyrique, parfois surécrite mais incontestablement riche.
Il m'a juste manqué de vibrer très fort d'émotion pour ces beaux personnages.
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VOYAGE AU BOUT DE LA NUIT DE CRISTAL.

Ouvrage lu dans le cadre du Prix du Meilleur Roman Points 2018.

Il en est de certaines destinées comme de certaines périodes, souvent noires, pour ne pas dire terrifiantes, de notre histoire commune : elles revêtent tous les aspects de l'impossible, de l'improbable, de l'invraisemblable tandis qu'elles sont pourtant grandement vraies. Enfin... presque ! Louis-Philippe Dalembert s'en est d'ailleurs expliqué dans un entretien sur France Culture le 17 Juillet de l'an passé : il n'est pas question d'un livre historique, ni même d'une biographie classique dans Avant que les ombres s'effacent, affaire de liberté revendiquée par l'auteur, que l'historien ne peut avoir à l'égal du romancier. Alors, si presque tout ici prend racine dans le réel - qu'il soit question de personnages, qu'il soit question d'histoire moderne ou d'Haïti, il s'agit bel et bien ici d'un roman, et quel !

Partie avec armes et bagages de leur Pologne natale où certains vents mauvais lui semblait devoir arriver, la famille Schwarzberg connait son premier exode - volontaire même si poussé par les événements - peu après la fin de la première guerre mondiale. Bien que Mme Schwarzberg mère entretienne une étrange histoire d'amour, essentiellement littéraire et fantasmée, d'avec la France (Paris, bien entendu), c'est à Berlin que ces petits juifs ashkénazes d'Europe centrale poseront leurs bagages pour les quelques vingt années à venir. Hélas, les vents mauvais de l'histoire n'ont de cesse de les poursuivre et si, à l'instar sans doute d'une grande partie de leur communauté toute entière, ils ont voulu faire contre mauvaise fortune bon coeur, une certaine forme de cécité inconsciente les atteignant malgré l'annonce de la nuit et du brouillard, avec cette accumulation de lois anti-juives promulguées par le régime nazi, de violences quotidiennes, de déprédations et d'exactions innommables mais peu à peu normalisées par le quotidien, ainsi qu'un certain atavisme lié à ces peuples qui ont toujours souffert, quelle que soit l'époque, quel que soit le pays, d'ostracisme, de ghettoïsation, de pogroms.

Cependant, une certaine nuit de la peur et de la honte d'une nation à l'égard des plus faibles et des plus vilipendés de ses enfants - la fameuse "Nuit de Cristal" - va en quelque sorte réveiller les membres doucettement assoupis de cette famille, laquelle, malgré quelques résistance, va programmer consciencieusement sa fuite, malgré toutes les difficultés qu'on peut imaginer. Ainsi, la tante Ruth, femme au caractère bien trempé, l'athée de la famille, et très engagé dans le sionisme va-t-elle choisir d'aller refaire sa vie en Palestine, et y promouvoir les bases du futur état d'Israël. Toutefois, l'essentiel du clan va se retrouver aux USA - bien que la politique d'immigration d'alors se fut considérablement durcie (ce que l'on a tendance à oublier aujourd'hui), conséquences de la crise de 29 oblige - où la soeur aînée de notre narrateur, le Docteur Ruben Schwartzberg, avait pu s'établir quelques temps avant avec son mari, ceux-ci ayant un permis de travail au titre d'universitaires. Tout aurait pu se dérouler sans anicroche si... notre héros malgré lui, ainsi que son oncle - un peronnage haut en couleur et jamais à cours d'une histoire - , ne s'étaient fait arrêter sur le chemin les ramenant du paquebot où ils venaient de faire leurs adieux aux parents et grands-parents. A la suite de quoi, tout va s'enchaîner à une vitesse folle - avec la mort comme équipière possible - et sans avoir la moindre possibilité d'influer sur le cours des événements : d'abord envoyés au commissariat du quartier, ils vont être expédiés dans le camp, encore récent à ce moment de l'Histoire(1937), de Buchenwald. malgré la dureté de la lutte pour la survie en un tel lieu, la formation de médecin de Ruben va lui permettre de travailler à l'infirmerie (poste tout petit peu moins horrible dans ce pays de l'horreur), où il va rencontrer un personnage stupéfiant se prétendant américain de Chicago (tandis qu'il est en réalité haïtien), Jean-Marcel Nicolas qui va permettre à Ruben et à son oncle de se sortir de ce guêpier mortel, non seulement en lui redonnant espoir mais en permettant à quelques courriers essentiels de sortir de ce camp pourtant presque parfaitement hermétique. Ainsi, grâce à son ancien mentor en médecine, voila le neveu et l'oncle à nouveau libre mais contraints de partir le plus rapidement possible vers d'autres horizons.

Leurs pas, ou plus exactement la mer va les emporter vers les rivages cubains, où l'oncle amerrira de la plus farfelue des façons, tandis que l'infortuné paquebot devra, pour de sombres motifs administrativo-politiques, faire machine arrière avec l'infortuné Ruben. Voilà donc notre "juif errant" débarqué au Havre, dont il découvre l'existence à l'occasion, pour prendre presque aussitôt la direction de la "Ville Lumière" : Paris ! Quoi que relativement échaudé par ce qu'il y découvre - on est très loin du rêve littéraire et poétique que sa chère maman a entretenu au fil des années au sein de cette famille gentiment foutraque -, il va y vivre certains des plus belles heures de son existence, une fois qu'il aura rencontré la communauté haïtienne de la capitale, toujours sur les vifs conseils de celui qui, au bout du compte, lui aura sauvé la vie : ce faux américain mais vrai commensal de Port-au-Prince, Jean-Marcel Nicolas, un homme assurément hors du commun que le futur médecin "nègre-juif" regrettera toute sa vie durant de n'avoir pu sauver de la monstruosité. Mais l'histoire poursuit son oeuvre de destruction et il s'en faudra encore de peu que notre narrateur ne termine une fois de plus dans un camp de rétention, dans un premier temps (on imagine ce qu'eût été la suite si elle avait eu lieu). le narrateur se permettant d'ailleurs une espèce de comparatif aussi truculent que macabre entre l'efficacité carcérale industrielle des allemands opposée au capharnaüm organisationnel des français ! Fort heureusement, le jeune Docteur sera sauvé in-extremis par un diplomate haïtien haut en couleur dont Ruben s'était fait l'ami.

La troisième partie du roman nous conte l'installation du docteur en Haïti : le retour de Cuba du tonton qui va pouvoir y assumer son goût immodéré pour les affaires et trouver enfin une certaine sérénité liée à son homosexualité qu'il ne sera plus obligé de cacher autant que lorsqu'il habitait la vieille Europe ; la rencontre avec sa future épouse dont le tempérament de feu ne le cède en rien à cette tante partie s'installer en Terre Sainte ; et, bon an mal an, "l'haïtisation" du narrateur, reconnu pour être l'un des ces "nègres polychromes" qui constitue cette population caribéenne, devenant par ailleurs une sorte de célébrité locale, un genre de Dr Schweitzer haïtien, vivant de peu et donnant tout à ses malades, à commencer par les plus déshérités, tant sa reconnaissance pour ce pays qui l'a accueilli sans aucun faux semblant, ni contrepartie, ni hypocrisie, tant cette reconnaissance, donc, est immense et lui est impossible à rassasier tout à fait.

Même si nombre des faits relatés ici sont en prise avec L Histoire, la vraie, il s'agit bel et bien d'une oeuvre d'imagination, parfaitement assumée et même revendiquée, que nous donne là Louis-Philippe Dalembert, dans un style d'une grande maîtrise, d'une vigueur vivifiante et d'une justesse jamais mise en défaut, y compris lorsqu'il s'essaye, avec truculence, au parler pointu de l'argot parigot de ces années-là. Les intentions quasi-homériques de l'ensemble, la force de conviction avec laquelle tous ces événements - parfois bouffons, souvent cruels, plus loin drolatiques, ici et là tendre, poétiques et enamourés - nous sont contés constitue l'essence même de cet ouvrage. Superbe déclaration d'amour à un pays, le sien, que l'auteur porte assurément en son coeur où que ce véritable globe-trotteur puisse-t-il se trouver, Dalembert nous donne à découvrir une autre Haïti, très éloignée de cette vision systématiquement tragique, misérabiliste, miséreuse, chaotique, irrémissible que l'on rencontre tant dans les médias que dans nombre d'oeuvres la décrivant. À travers cet espèce de récit confession - c'est un vieux docteur Schwarzberg que nous découvrons vers le mitan du livre, au détour d'un bref chapitre intitulé "répit", et qui conte l'histoire de sa vie et de ses proches à la petite-fille de sa défunte tante Ruth, elle aussi médecin et venue avec l'aide d'urgence envoyée par Israël suite au tremblement de terre qui défigura l'île en 2010 - c'est ainsi un autre portrait de cette terre Caraïbe que l'auteur nous donne à découvrir, à savourer, à aimer. L'ensemble est savoureux, profond dans la légèreté et léger dans la profondeur, il illumine d'un zeste de grâce l'une des pires périodes de l'histoire de notre monde en mettant sous les feux de la rampe ce petit pays trop souvent considéré comme presque rien mais qui eut ce courage un rien bravasse mais tellement noble de déclarer la guerre au Japon dès après Pearl-Harbour, au IIIème Reich dans la foulée, non sans avoir offert, dès 1939, à tous les juifs qui le demandaient, la nationalité haïtienne ipso facto et sans même y avoir jamais mis les pieds afin de les soustraire à l'inhumain des lois génocidaires ! Un livre qui, malgré les thèmes et la période abordée, apporte une véritable bouffée d'air frais dans ce flots quasi ininterrompu de textes consacrés à cette période fantastiquement monstrueuse, avec ces personnages et ces destins qui débutent comme certains romans d'un Joseph Roth ou d'un Leo Perutz, qui se poursuit comme si l'on se trouvait chez Mac Orlan avec son Paris de l'entre-deux guerre, peut-être aussi un hommage au Paris est une fête d'Ernest Hemingway (Paris, ce sont peut-être ses visiteurs étrangers qui en parlent le mieux...), pour terminer du côté de certains auteurs sud-américains (plus que spécifiquement antillais, nous semble-t-il), baroque, enthousiaste, amoureux, fantasque et délicatement décalé.

Alors, si un certain souffle épique ou lyrique manque peut-être à l'ensemble pour que ce très bon livre - n'en doutons point - puisse être un réel chef-d'oeuvre, si l'on y sent un professionnalisme parfois presque trop roué pour être humble, un rien trop calculé dans l'art - absolument indéniable au demeurant - de conter de Louis-Philippe Dalembert, il n'en demeure pas moins un très beau titre, grave et gai, sombre et optimiste qui portera le lecteur tant à la réflexion sur notre temps, nos civilisations, qu'au seul et sincère plaisir de se laisser embarquer quelques paires d'heures pour des ailleurs captivants, chatoyants et extraordinaires !
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Si les péripéties du docteur Ruben Schwarzberg n'étaient pas situées pendant la période nazi et, celle de l'extermination des juifs : ce roman de Louis-Philippe Dalembert serait un " feel good" tant il est optimiste, drôle et réjouissant !
En prologue , l'auteur tient à souligner que Haïti a été le premier pays à avoir aboli l'esclavage et, qu'il a dès 1939 fait adopter un décret-loi pour accorder la nationalité haïtienne à tous les juifs ..pour enfin 3 ans après, se payer le luxe de déclarer la guerre à l'Allemagne et à l'Italie !
Le héros du roman de Louis-Philippe Dalembert est né en 1913 en Pologne entouré d'une famille chaleureuse, aimante, mais très vite : ils sont obligés de fuir à Berlin ou Ruben va faire ses études de médecine ! Hélas, Hitler intensifie les persécutions à leur égard et après la nuit de Cristal : ( novembre 1938 ) ils vont se disperser : tante Ruth part en Israël, Salomé sa soeur bien aimée se marie et part aux US ! Ruben et son oncle Joe sont cueillis et envoyés à Buchenwald et, après une tentative de fuite à Cuba : Ruben va s'installer à Paris !
C'est là, qu'il va rencontrer Ida Fauvert qui le protège, Camille Roussan qui lui fait découvrir la capitale et ses plaisirs ( le Bal Nègre, Joséphine Baker, le double rhum, et les endroits branchés.. ), c'est là que Marie-Carmel Guitterez , femme délaissée d'un diplomate l'initie aux plaisirs de la chair et c'est là aussi qu'il prépare son départ pour Haïti et prend la nationalité de ce pays .
C'est un médecin sérieux qui va vite devenir célèbre et apprécié , il va s'occuper surtout des populations défavorisées de l'Île et, célibataire convoité : il va y rencontrer la femme de sa vie qui est "goy " et arabe et c'est avec elle qu'il va construire à Port-au-Prince sa lignée !
En 2010 : un grand séïsme ravage Haïti et, c'est à Deborah la petite fille de Ruth qui est venue en qualité de médecin avec les équipes de secours aider le pays, qu'il va raconter la saga familiale !
Un roman lumineux, optimiste, flamboyant et léger sur un sujet difficile ! Mais surtout une leçon sur le racisme et la tolérance que ce petit pays a donné au monde en devenant une république démocratique autonome et, en appliquant les principes du médecin et intellectuel Anténor Firmin sur " l'égalité des races humaines ".
L.C Thématique de juillet 2021 : les voyages.
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Le vendredi 12 décembre 1941, la république démocratique d'Haïti déclara les hostilités au troisième Reich et au royaume d'Italie. On aurait pu penser à un canular il n'en était rien, l'honneur d'Haïti était en jeu, depuis la réponse Anténor Firmin, au comte Joseph Antoine de Gobineau, et à son livre de l'inégalité des races humaines.


L'article gravé à la baïonnette au numéro 14 de la constitution était clair le vocabulaire de l'île précisait que " les êtres humains étaient tous nègres, nègres noirs, nègres blancs, nègres cannelle, nègres juifs, nègres chinois aux yeux déchirés... ".
" Dans la foulée, tout individu, ou nègre polychrome, peut trouver refuge sur le territoire sacré de la nation qu'il soit persécuté pour sa foi ou son ethnie, il sera sous la protection des esprits Vaudou".

Ce roman, Avant que les Ombres s'Effacent, rend hommage, par la voix d'un haïtien Louis-Philippe Dalembert, à cette constitution, et désigne la moustache d'Hitler comme son ennemi N°1. Louis-Philippe Dalembert souligne que nazi en créole signifie grippe-sou.


La famille du docteur Ruben Schwarzberg, notre héros, n'imaginait pas trouver refuge sous le soleil des Caraïbes. Entre la première rencontre avec un ressortissant haïtien à Berlin, au cours d'une nuit de cauchemar et son installation définitive sur l'île en 1939 se déroule un exode tumultueux qui donne toute sa saveur au coeur du roman.

Cette nuit terrible à Berlin au cours de laquelle les magasins juifs avaient été souillés, saccagés, sous l'oeil parfois goguenard de gendarmes en patrouille, cette soudaine haine, orchestrée, allait précipiter les décisions de quitter cette ville infamante. L'intervention de diplomates haïtiens ayant permis de sauver in-extremis de la vindicte raciste, Ruben et son père encore coiffé de sa kippa.

Quand Ruben et l'oncle Joe se font rafler en pleine rue par des hommes aux brassards éloquents, c'est l'enfer qui s'invite sous nos yeux, il se nomme Buchenwald. C'est Johnny l'Américain qui dans ce camp de la mort les persuade d'aller à la rencontre d'une petite communauté haïtienne de Paris et de la belle Ida Faubert.

Cet immense Johnny ironie du sort les aidera à trouver une faille pour quitter le camp !Mais pas lui.

Le déroulement de cette saga familiale tient du rocambolesque, et aux concours de circonstances fortuits, des dénouements miraculeux se déclenchent , mais la délivrance viendra avant tout de l'accueil si chaleureux de belles haïtiennes du club, le Bal Nègre, où Johnny lui-même allait à la chasse aux oies blanches.
La belle Ida Faubert sera une compagne bien au-delà de tout ce que Rubén pouvait imaginer de grâces féminines, poétesse si imprégnée du désir des hommes, entre parenthèse, flamboyante.' "au lendemain d'une nuit de rêve, l'une lui avait fait miroiter des jours entiers plus étoilés encore dans les bras de ses compatriotes."


La magie du style de Louis-Philippe Dalembert éclate dès les premières pages, elle ne quittera pas le lecteur jusqu'à ses dernières lubies, et nous verrons le docteur Schwartzberg retrouver sa tante après le séisme de 2010, qui dévasta l'ile d'Haïti.

Le Roman, est captivant, drôle parfois, émouvant, un hymne à Haïti et à l'hospitalité des Haïtiennes.


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2010 port-au Prince, un séisme dévastateur, parmi les médecins et secouristes accourus du monde entier Déborah, la petite fille de la tante de Ruben. Âgé de quatre-vingt-quinze ans le docteur Ruben Schwarzberg a fait son temps, il a dépassé la date de péremption. Installé avec Déborah face à la baie, Ruben accepte de dérouler la bobine du fil de sa vie.

Lódz sa ville de naissance, Berlin où toute la famille s'est réfugiée, le camp de Buchenwald, Paris et ses plaisirs, Haïti enfin, puisque depuis 1939, ce petit pays accord la naturalisation à tous les juifs qui le demandent.

L'extraordinaire destinée du docteur Ruben Schwarzberg, un homme qui préfère la compagnie des gens de peu. Un récit parsemé de personnages savoureux, Johnny l'américain le compagnon de captivité, l'intrépide oncle Joshua , Roussan son guide dans les nuits chaudes parisiennes, Ida sa généreuse bienfaitrice, Marie-Carmen, épouse d'un diplomate, qui sait jouer de son corps comme d'un instrument de musique, Zule sa gouvernante haïtienne adepte du vaudou et madame Sara hédoniste bon teint qui attrapera Ruben dans ses filets.

Mais ce roman est surtout le témoignage d'amour d'un homme pour le pays où il est né. Un pays où les racines des uns se sont entremêlées à celles des autres pour obtenir un seul tronc. Des habitants qui n'ont jamais été pauvres en générosité à l'égard des autres peuples. Un pays où tous les lettrés sont poètes, où l'on boit du thé seulement en cas de maladie, où les épouses s'accommodent des maîtresses et acceptent à leur table les « fils du dehors », les enfants naturels de leurs maris. Malgré la gravité du sujet, grâce à son écriture enjouée et légère, l'auteur nous délivre un récit très agréable à lire .


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Première incursion de ma part dans la littérature haïtienne mais je savais un peu d'avance où je mettais mes yeux. En effet il m'est arrivé d'entendre dans des reportages, émissions etc... la qualité de la langue pratiquée par les écrivains de ce pays.

Histoire de Ruben Schwarzberg, d'origine polonaise mais que les événements du 20ème siècle vont conduire à être citoyen de différents pays suite aux chasses contre la communauté juive en Pologne, en Allemagne, en France pour se terminer à Haïti.

Le passé d'un individu, c'est comme son ombre : on le porte toujours avec soi. Il faut apprendre à vivre avec et à s'en servir pour avance. (p150)

Ruben a 97 ans retrace son parcours avec sa nièce venue dans son pays d'adoption, Haïti, suite au séisme de 2010, médecin comme son oncle, afin de porter assistance à la population.  C'est l'occasion d'un voyage à travers le temps, car il est de son devoir de parler de ses racines, de ses périples ainsi que de sa famille disséminée aux quatre coins du monde.

C'était comme un chapitre de son enfance qui lui était renvoyé en cadeau, avant que les ombres s'effacent, qu'il ne redevienne poussière ou néant. (p194)

J'ai aimé le personnage de ce médecin taiseux,bégayant quand les émotions ou les situations s'accélèrent, discret, mais affectueux en particulier dans sa relation avec sa soeur Salomé, son oncle Joshua et sa femme Sara en toute fin du livre, personnage qui, il me semble, n'a pas été assez développé (mais elle fait partie de l'intimité de Ruben) et qui pourrait je crois faire l'objet d'un autre roman.

Cette épopée dans une famille juive avec tous les courants : ultra, modéré, mère omniprésente, Bobe rassurante etc.... traversant les événements avec courage mais surtout avec un lien familial très fort est retracée dans une langue ciselée de toute beauté. 

Que ce soit pour parler de sa naissance, de sa déportation à Buchenwald, de ses folles nuits à Paris et de son éblouissement pour Haïti, l'auteur nous berce, dans la dodine (fauteuil figurant sur la couverture), au rythme des souvenirs de cet homme, médecin humaniste, fidèle en amitié et profondément amoureux de sa terre d'adoption.

D'ici, de ce bout d'île écrasé de soleil, de misère et de générosité, il ne s'en irait plus que les deux pieds devant, afin que sa chair désormais en fin de parcours devienne chair de cette terre qui l'avait accueilli, en avait fait un de ses fils comme s'il fut né de sa propre matrice. (p270)

Car le personnage principal tout au long de la narration est Haïti : ses couleurs, ses douleurs, ses douceurs, son accueil et ses habitants (que j'avais déjà côtoyés dans le roman de Laurent Gaudé "Danser les ombres".

L'écriture est fluide, poétique et amoureuse : amoureuse de son pays, de ses personnages mais aussi de l'histoire, d'un pan peu connu de l'immigration dans cette île des Caraïbes.

LIVRE LU DANS LE CADRE DU PRIX DU MEILLEUR ROMAN POINTS 2018
Lien : http://mumudanslebocage.word..
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Quelle drôle d'histoire !

Un long voyage partant de Pologne , passant par Berlin puis Paris pour finir en Haïti, sur les pas du Docteur Schwarzberg, nous permet de revisiter l'histoire et particulièrement celle de la seconde guerre mondiale.

Juif et Allemand, l'avenir ne s'annonçait pas radieux en 1939 pour Schwarzberg et sa famille. Les uns partant en Amérique, d'autre en Palestine, les Haïtiens seront les sauveurs du docteur. Ce sont eux les vrais héros du roman, jouisseurs, buveurs, jamais sérieux mais fiers, généreux et fidèles à leurs amis. Que ce soit les exilés de Paris où ceux du pays , l'auteur dresse de très beaux portraits d'hommes et de femmes, qui donnent envie de découvrir le pays et ses habitants.

Cocasse, drôle, émouvant, pudique, ce texte est une belle invention pour relire la période noire de la chasse aux juifs en Europe et comprendre, un peu l'histoire de ce pays qu'est Haïti, un si grand pays dans le texte et un pays tellement malmené dans la réalité mais peut-être Haïti est-il les deux...

A lire pour découvrir un autre visage d'Haïti.
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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Un roman très agréable à lire, malgré un sujet tragique: l'exil forcé d'un homme juif à travers le monde.
Ruben Schwarzberg, le héros de ce récit, a "vu le jour dans un pays (la Pologne), passé son enfance et son adolescence dans un autre (l'Allemagne), quitté les deux sans qu'il ait choisi lui-même de s'en aller", puis a trouvé refuge quelques temps à Paris après avoir tenté de rejoindre Cuba, et enfin, a passé sa vie d'adulte à Haïti. le fait qu'il soit médecin lui a permis de franchir des barrières facilement mises en travers de la route de ces Juifs qui se sont retrouvés exilés de toutes parts durant le règne du IIIe Reich et du "petit caporal à moustache". Et cette histoire nous éloigne un peu de tout ce que l'on a pu déjà lire sur ce sujet. La langue créole de Louis-Philippe Dalembert ajoutant un peu de légèreté au contexte du récit.
Et j'en viens au point noir, selon moi, de ce roman, que j'ai trouvé plaisant à lire, mais parfois trop léger, à tel point que je n'ai pas vraiment réussi à m'en imprégner.
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Avant que les ombres s'effacent - Louis-Philippe Dalembert

Qu'un petit pays comme Haïti déclare la guerre au fascisme, notamment à l'Allemagne nazie et à l'Italie de Mussolini peut porter à sourire. Mais quand on sait que ce petit pays a ouvert son territoire à tout les juifs qui en feraient la demande cela ne peut que porter au respect.

Pendant toute une nuit le vieux Docteur Schwarzberg raconte à sa petite cousine venue d'Israël pour aider les Haïtiens au moment du terrible tremblement de terre de 2010, ce qu'il n'a jamais dit à personne. Il lui raconte le long périple qui le conduisit des bords de la Lodka, en Pologne, à Port-au-Prince en Haïti.

C'est un très beau roman d'où l'humour n'est pas absent. C'est un livre plein d'espoir. Malgré la noirceur de cette terrible période des hommes et des femmes ont pu s'échapper et trouver aide et refuge auprès d'un peuple ouvert et accueillant. Haïti semble peuplé de poètes et d'âmes simples mais fières de leur Histoire.
J'ai vraiment beaucoup apprécié ce roman, l'écriture et l'histoire, à lire absolument.
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(...)
L'auteur s'est inspiré d'événements historiques méconnus pour retracer le destin, sur près de cent ans, d'un médecin juif haïtien d'origine polonaise. Lorsqu'il rencontre en Haïti sa petite cousine Deborah arrivée d'Israël parmi les médecins du monde entier venus secourir les centaines de milliers de victimes du séisme qui a ravagé l'île en janvier 2010, le Dr. Ruben Schwarzberg décide de se confier à elle et de raconter, pour la première fois et avant qu'il ne soit trop tard, la destinée tragique de sa famille éparpillée aux quatre coins du monde.

L'écriture de Louis-Philippe Dalembert, riche et élégante, truffée d'humour et de dérision, permet de relater avec une certaine légèreté des évènements empreints de gravité. Nous suivons ainsi le Dr. Ruben Schwarzberg depuis sa naissance à Łódź en 1913, la fuite de sa famille vers Berlin où il grandit et fait ses études, la Nuit de Cristal, sa déportation à Buchenwald, son embarquement à bord du Saint Louis, son séjour à Paris et puis, enfin, son départ pour Haïti en 1939 où il sera accueilli et naturalisé en vertu du décret-loi de la même année voté par l'Etat haïtien permettant à tous les Juifs qui le souhaitent de bénéficier de la naturalisation in absentia.

Si la seconde moitié du roman m'a semblé un peu moins aboutie que la première, Avant que les ombres s'effacent reste une très bonne découverte et un bel hommage à Haïti, cette petite République des Caraïbes qui non seulement osa déclarer la guerre à l'Allemagne et ses alliés mais fit également preuve de beaucoup de générosité et d'humanité en accueillant des réfugiés juifs à une période où les frontières internationales se fermaient systématiquement à eux.

(Chronique complète sur le blog)
Lien : https://livrescapades.com/20..
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