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EAN : 9782864244264
224 pages
Editions Métailié (08/04/2002)
3.91/5   11 notes
Résumé :
L'industrie du design corporel s'épanouit. Le corps est devenu la prothèse d'un moi éternellement en quête d'une incarnation pour sursignifier sa présence au monde, pour adhérer à soi. Tatouage et piercings sortis de la marginalisation sont devenus les accessoires de la mise en scène de soi.
Partant du constat que le "corps marqué" a, depuis l'Antiquité, et dans les sociétés traditionnelles, été l'expression d'un parcours, d'un message et surtout d'une identi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Voici, sur le thème des marques corporelles dans l'Occident contemporain, une étude sociologique assez classique, comportant cependant suffisamment d'idées originales et inattendues pour ne pas être conventionnelle ni scolaire. Comme son titre l'indique, l'angle d'analyse consiste dans le postulat que la modification volontaire du corps est un processus relevant de la construction, par l'individu, d'une identité, choisie en vue d'être affirmée au regard d'autrui.

L'introduction, « Le corps inachevé », ainsi que le ch. 1, « La fabrique de l'identité », dans leur manière de poser les notions, font preuve d'une approche plutôt philosophique.
Les deux chapitres suivant, par contre, sont caractérisés par une démarche historique. En particulier le ch. 2 : « Les marques corporelles […] : histoire d'un malentendu », montre que, depuis l'interdit des modifications du corps qui rassemble les monothéismes, jusqu'au-delà de la Seconde Guerre mondiale, les tatouages ont été soit des marques d'infamie soit des stigmates associés à des catégories socio-professionnelles reléguées : marins, soldats, prostituées, détenus, internés... Spécifiquement, les fameuses études criminologiques d'un Lombroso se sont délectées du « type » quasi biologique du/de la tatoué.e... le ch. 3, de façon pour moi très originale, s'attarde sur les quelques dernières décennies du XXe s. où les tatouages ont marqué des formes de dissidence liées aux mouvements hippy d'abord, puis punk, non sans relation avec deux autres univers artistiques : les arts graphiques avec les tags muraux et la musique avec les « looks » rattachés au rock, au heavy metal à la techno etc. : le ch. se termine par un premier aperçu de la mouvance des Modern Primitives. Ces deux chapitres tendent donc à insister sur le côté discriminant et stigmatisant des modifications corporelles de jadis, qui, et c'est là un point fort de la démonstration de l'auteur, les opposent résolument à celles d'aujourd'hui.
Le ch. 4, « L'identité à fleur de peau », est à la fois le plus long et le plus purement sociologique. Tous les moments et les implications des pratiques du tatouage, du piercing, des scarifications, etc. dans nos sociétés contemporaines sont analysés séparément, avec une profusion de citations tirées d'un corpus d'entretiens. Bien que certaines répétitions apparaissent, la proportion entre matériau brut et son interprétation m'a paru équilibrée. le ch. 5, « Événement ou avènement : la question des rites de passage » m'a semblé être un approfondissement d'un aspect spécifique du précédent : le traitement sociologique de la question des motivations est identique au ch. 4. Si l'évocation du terme de « rite de passage » aurait pu faire penser à une argumentation anthropologique ou au moins à une comparaison avec les sociétés traditionnelles où la notion a toute sa pertinence, ici, précisément, l'auteur s'empresse de nier que le tatouage occidental contemporain, en dépit de ses prétentions, soit un rite de passage : éventuellement un « rite personnel » de « prise de possession de soi » ; de ce fait, il s'exonère de tout exposé anthropologique ou comparatiste.
Le ch. 6, « Une culture naissante », renverse la perspective, des tatoués aux tatoueurs. Il traite, un peu rapidement, les questions relatives à l'évolution récente de la profession, y compris le profil sociologique de ceux qui l'exercent. Enfin le ch. 7, « Les marques corporelles et le nouveau débat du "primitivisme" » en revenant sur les Modern Primitives, concède un peu aux côtés philosophique et anthropologique appliqués à « l'engouement occidental pour les marques "tribales" », dans un discours très opportunément sans concession pour ce qui apparaît être ni plus ni moins qu'une forme de néocolonialisme qui va de pair, hélas, avec l'éradication des significations traditionnelles de simulacres devenus creux : en somme le sous-produit de ce qui eût pu être une hybridation des cultures...
Ce chapitre véhément m'a plu pour plusieurs raisons : on y trouve une plus grande distanciation du chercheur par rapport à son objet de recherche que dans d'autres chapitres – en particulier le 4 - ; un minimum d'anthropologie émerge enfin, même si elle n'est utilisée que « en négatif » (c-à-d. pour infirmer) ; les thèmes post- et néo-coloniaux me tiennent à coeur dans toutes leurs implications.

Mon envie est renforcée de lire d'autres essais de le Breton, qui, s'il se cite plusieurs fois (trop souvent, certains diront...), semble avoir créé un tracé original pour relier des thèmes assez différents : la marche, le corps, le silence, les conduites à risque des jeunes, le rapport entre douleur et souffrance, le visage...
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Sociologue reconnu pour ses travaux sur la mal-être de la jeunesse, il aborde ici le versant positif des modifications corporelles.
Il a cherché à en savoir plus sur cet engouement pour le tatouage et le piercing, en menant plus de 400 entretiens avec des clients et des professionnels. Certains sont "simplement" dans une démarche de singularisation. D'autres, les gros "consommateurs", sont dans une démarche plus spirituelle, la recherche d'un autre mode de vie que celui proposé par l'occident. Sans délaisser le confort que nous offre notre société, ils se retrouvent également dans des pratiques "importés" de sociétés dites premières ou primitives (n'y voyez aucun jugement de valeur, j'essaie d'éclairer ma pensée) le piercing, le tatouage, les scarification, le marquage au fer rouge sont des moyens pour eux d'atteindre l'extase spirituelle et de s'inscrire contre la société occidentale sans avoir besoin de l'abandonner ou e changer radicalement de mode de vie. Ils sont appelés "primitifs modernes" ("modern primitives") et le plus emblématique de tous est fakir Mufasar (ça vaut le coup d'oeil)
Cette enquête sociologique passe aussi par une enquête historique et montre la lente mais inexorable légitimation du corps marqué. Et la lente mise au jour de cette culture particulière du corps, avec ses expériences parfois limites. Les tatoueurs et perceurs font souvent eux-mêmes partie des expérimentateurs et veulent par leur mise en application ultérieure permettre à d'autres de se retrouver, voire parfois de devenir soi, de se compléter. Cependant, si leur démarche est honnête, ils peuvent aussi décourager certains de leurs clients : les modifications sont irréversibles, la démarche y menant doit être mûrement méditée et littéralement incorporée par le candidat.
Un éclairage bienvenu et accessible au grand public sur un univers et une culture encore souvent regardés avec peur et mépris.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Les modifications corporelles (tatouages, scarifications, etc.), même si elles miment parfois de manière explicite celles des sociétés traditionnelles, en sont bien éloignées en dépit du discours enthousiaste de ceux qui en revendiquent la filiation. La marque contemporaine est individualisante, elle signe un rejet singulier dont le corps n'est pas relieur à la communauté et au cosmos comme il l'est dans ces sociétés où l'homme cherche à se dissoudre dans le groupe, elle est à l'inverse une affirmation de son irréductible individualité.
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Américains parfaitement intégrés, entendant bien ne renoncer à aucun des avantages de leur société, ils transforment les anciens rituels en performances, en techniques, en y recherchant une intense mise en jeu corporel où la douleur est souvent un ingrédient essentiel. ils s'efforcent de concilier un mode de vie américain qu'ils ne souhaitent en aucun cas perdre, avec des échappées imaginaires leur permettant d'explorer d'autres virtualités d'existence. Ils ne se soucient guère que les modifications corporelles soient faites pour sursignifier a nudité et non pour être dissimulées sous les vêtements.
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« Les sociétés occidentales sont caricaturées sous les auspices du négatif, même si, paradoxalement, les "modern primitives" s'y épanouissent et ne témoignent d'aucune intention de les quitter. En contrepoint, les sociétés de la tradition, dans leur infinie complexité et diversité, sont stéréotypées sous la forme du "primitivisme" et du "tribalisme" muées en refuges, en ressources à utiliser pour conjurer nos insuffisances. Une mythologie évolutionniste renaît de ses cendres, mais au détriment cette fois du monde occidental. Transformées en fictions idéalisées comme "premières", ces sociétés des "origines" seraient, bien entendu, plus proches de la "nature", plus "authentiques", et donc révérées comme modèle à opposer à une insupportable modernité. On retrouve sous une forme contemporaine un épisode inédit de la longue postérité du thème du "bon sauvage" […] En outre, le lien symbolique est aisément fait entre ces sociétés "primitives" et les marques corporelles des populations "marginales". » (pp. 198-199)
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« Le questionnement autour du corps était cohérent, inévitable sans doute à ce moment où l'individualisme occidental connaissait une autre étape de son développement. Le corps, e tant qu'il incarne l'homme, est en effet la marque de l'individu, sa frontière, la butée en quelque sorte qui le distingue des autres. Il est donc le lieu de la séparation et non celui de l'alliance comme dans nombre de sociétés traditionnelles où il relie l'homme aux autres, au monde, au cosmos, à l'univers invisible. À l'inverse, dans les sociétés occidentales, depuis la Renaissance, le corps implique que l'homme soit séparé des autres (le corps comme lieu de démarcation de l'individu), de la nature (la nature est autre que l'homme, elle n'est plus cosmos mais simple environnement), et coupé de lui-même (le dualisme entre l'âme ou l'esprit et le corps, ou aujourd'hui entre l'homme d'une part et son corps de l'autre). » (pp. 16-17)
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« Même si le tatouage et le piercing sont aujourd'hui relativement bien intégrés dans la société, nombre de gens aiment entretenir la légende maudite du rejet et du mépris dans un discours d'autant plus désespéré qu'il est souvent en contradiction radicale avec les faits. […] Mais une sorte de nostalgie inconsciente se fait parfois jour pour cette histoire ancienne qui associait tatouage et marginalité. » (p. 79)
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Vidéo de David Le Breton
Emois et résonances de la première toilette des élèves aides-soignants
Avec la participation de Éric FIAT, David LE BRETON, Pascale MOLINIER, Patricia PAPERMAN Voir plus [+]
La combinaison de récits de toilettes par des apprenants aides-soignants et d'articles réflexifs par des universitaires reconnus rend cet ouvrage innovant et incontournable pour comprendre les enjeux du respect de la pudeur dans le soin de la toilette aussi bien du côté du patient que de celui du soignant.

La première toilette constitue un rite initiatique à l'issue duquel on devient soignant. Si le respect de la pudeur des patients représente un enjeu majeur de l'enseignement du soin, qu'en est-il de la pudeur des soignants ? Cette thématique inédite est au coeur de cet ouvrage où, grâce au travail du récit, chaque fois unique et singulier, des élèves engagent leurs mots et représentations dans la confrontation de leur propre pudeur avec celle de l'autre. Ils et elles participent à l'émergence d'une voix, d'une culture, d'un discours sur le soin qui contribue à la reconnaissance de leur métier et de sa complexité psychique.
Ces savoirs expérientiels combinés à des savoirs d'experts reconnus en sciences humaines révèlent les dimensions aussi bien éthiques qu'existentielles présentes dans la pratique du soin de la toilette. Loin d'être une tâche simple aux techniques vite apprises et acquises, celle-ci participe à ce geste éthique majeur : le respect de la dignité humaine.
Avec la participation des élèves de l'IFAS.
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Trames
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