Pièce manquante

Pièce manquante - Roman - Claire de Viron - Éditions Academia - Lu en octobre 2022.

Je remercie chaleureusement les éditions Academia pour l'envoi de Pièce manquante et Babelio Masse Critique Littératures, la rentrée littéraire à l'honneur de m'avoir fait confiance pour la lecture de ce livre.

Un roman qui nous parle de la création de l'Union Européenne vue par quatre amis qui ont participé au fabuleux travail de sa construction. Ils se nomment les quatre mousquetaires et ont pris chacun le nom de ceux-ci.

Ils sont passionnés par leur travail, ils ont vécu les grands événements qui se sont succédés au fil du temps, Mr de Gaulle qui ne voulait pas de l'Angleterre, jusqu'au début du Brexit. Ils se sont rencontrés lors de la conférence de presse du Général de Gaulle en 1963 et ne sont plus quittés de vue.

Fort âgés tous les quatre dans ce roman, Charles à nonante ans, il se trouve dans une maison de repos à Etterbeek (commune bruxelloise proche de chez moi) à ronger son frein dans un fauteuil roulant, n'acceptant pas d'être ainsi dépendant physiquement d'un personnel soignant. Il se lance avec acharnement dans l'écriture d'un dossier de plus de vingt pages pour essayer de convaincre que le Brexit serait une erreur.

Une histoire d'amour vient s'imbriquer dans la vie de ces quatre mousquetaires, une histoire de trahison, une histoire de secret, une histoire de pardon, une histoire de la vie en maison de repos que l'autrice Claire de Viron à distillé subtilement par petites touches tout au long des chapitres jusqu'au mystère qui entoure les principaux narrateurs, Charles et David. David vit à Aberdeen, mais à la mort d'Anna son épouse, il décide de venir voir Charles.

Que s'est-il passé de si grave entre ces deux-là ?
Quel est ce secret que Charles va découvrir et qui a causé tant de souffrances ?
Quelle est la pièce manquante ?

J'ai été particulièrement touchée par l'avant-dernier chapitre dont voici un petit extrait :
"Il entend son rire rebondir sur l'eau, elle porte en elle tous les printemps de la terre. Qu'elle est belle, grande et gracile, avec cette frange blonde et ses yeux de chatte, un minois rose framboise...
Avec elle, tout un monde au-delà de son monde nait.
Et Charles entend ses mots comme les galets de la rivière qui vous entraînent jusqu'à la mer." Page 122

Claire de Viron a réussi à me charmer par son écriture fine et si poétique dans ses descriptions et pour cela je la remercie.

Si j'ai aimé cette lecture ? Et bien oui évidemment.

Ce récit nous plonge dans la dure réalité de la fin de vie en EPHAD. Charles a 90 ans et toute sa tête, ce qui est peut être pire d'ailleurs car il prend la réalité de sa condition en pleine figure et ça fait mal. Dégradation du corps, de l'autonomie, conscience de la fin proche et impuissance à lutter contre cela.

Charles a passé sa carrière comme conseiller au sein de l'Union européenne. Il faisait partie des 4 mousquetaires : 4 diplomates européens ayant agit de concert pour préparer l'entrée du Royaume Uni dans l'UE, 4 amis qui partagent une vision européenne commune.

Dans le quotidien de Charles/Athos, tout est prétexte à s'extraire de la réalité immédiate (et dégradante) pour se plaire dans la convocation des souvenirs. Néanmoins ceux ci ne sont pas toujours heureux et l'on apprend ainsi que son amour de toujours (son premier et seul vrai amour, même s'il s'est marié ensuite) est partie avec un autre, qui n'est autre que Porthos/David.

Quoi de plus émouvant que ce vieux monsieur, dont le cerveau affuté carbure à longueur de journée, sans but, sans objectif. Mais c'était sans compter la force de vivre de Charles, qui va faire de la lutte contre l'éventualité épouvantable pour lui d'un futur Brexit, son nouveau cheval de bataille.

Il est à noter quelques longueurs au niveau des échanges entre les personnages sur l'entrée du Royaume Uni dans l'Union européenne, même si l'européenne convaincue que je suis a apprécié ces joutes verbales enrichissantes.

Le thème de la fin de vie est habilement distillé dans le roman, sans jamais être dans le tape à l'oeil ni l'étalage morbide et j'ai apprécié ce point. Néanmoins, il est toujours quelque peu difficile de se confronter à ce sujet en ce qu'il nous renvoie à notre future condition ou à celle future ou même peut être actuelle de nos proches.

Outre le Brexit, le combat de Charles est aussi celui de la dignité. Il va déplacer des montagnes pour améliorer les choses dans sa résidence, pour que la directrice et les
soignants changent de perspective. Mais dans la vrai vie, combien de Charles ? Qui se bat pour la dignité de nos aînés quand ils ne peuvent plus le faire eux mêmes ? C'est tous les scandales récents que nous pouvons avoir à l'esprit en lisant ce texte qui nous rappelle que derrière les gens il y a surtout l'argent.

« Elle lui rappelait seulement que ces dames étaient comme toutes celles de la résidence, et comme lui, des « presque » mortes, un élément du décor qui allait disparaître et être remplacé par un autre. »

#massecritique

Genre : Littérature Blanche
Avis : INTERPELLANT

Quand le romanesque se marie au marché européen…
Il y a mille façons de parler d'une histoire d'amour, mais ici, il est particulièrement intéressant d'en vivre une s'enchevêtrant dans une histoire d'amitié et de travail à consolider l'Europe ! C'est pourtant cette gageure qu'a relevée Claire de Viron, avec un roman qui apporte l'oeil des coulisses sur un projet de construction européenne qui se fait et se défait.
Charles est vieux, retiré en maison de soins ; il s'interroge sur sa fin de vie. Sa bande d'amis, constituée lors des combats pour l'entrée du Royaume-Uni dans l'Europe, ne le laisse pas tomber mais il y en a un, absent depuis longtemps, et qui lui manque car il détient bien des secrets. Charles va-t-il se rebeller, chercher, oser ? Peut-il encore jouer un rôle important avant de quitter cette vie ?
Il y a des romans-bouchées-de-plaisirs, des livres courts qui pèsent lourd. Il faut pour cela un savant mélange entre des pages suscitant l'intérêt et d'autres suscitant le rêve. C'est le cas ici puisqu'une belle histoire d'amour en fait la trame, tout autant que les secrets du travail de fourmi qui a porté le personnage principal durant toute sa carrière.
Rencontrer Michel Barnier ou la Sweet Juliet au détour des lignes exprime le parti pris de l'auteure de mettre au même niveau des histoires d'amitié, de responsabilité, de passion qui s'entrelacent. La construction du livre en est la preuve puisque les moments d'aujourd'hui se mêlent dans un même chapitre avec les souvenirs, réalité et imaginaire.
Ce roman est vite lu mais il reste des sensations qui flottent, qui accompagnent et que l'on sait pouvoir emmagasiner pour garder l'espoir de pouvoir toujours être surpris par « demain ».
le visuel de couverture est dynamique et évocateur d'un mystère, à l'image de cette longue nouvelle qui réserve plus d'une surprise. Tout comme le traitement du thème principal, à savoir le besoin de dignité des personnes âgées.
Je remercie Babelio et sa Masse Critique de septembre ainsi que les Editions Academia pour avoir souhaité me confier en Service Presse « Pièce manquante » de Claire de Viron.

Lien : https://www.facebook.com/Lya..

Les thèmes s'entrecroisent dans ce bel ouvrage de Claire de Viron: la vieillesse, l'amour, l'amitié, les coups durs de la vie...l'histoire, celle de l'Europe qui se construit avec l'entrée du Royaume-Unis. Charles vit dans une maison de retraite. Il a pour lui une brillante carrière, des souvenirs et une volonté de vieillir dans la dignité. Les thèmes sont brillement travaillés au travers d'une écriture maîtrisée, à la fois tendre, touchante, révoltée et parfois drôle. Un livre d'une grande humanité.