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EAN : 9782363082381
158 pages
Arléa (20/08/2020)
3.86/5   7 notes
Résumé :
L'été 1953. Une femme fuit avec sa petite fille et se réfugie chez sa soeur, mère d'une fillette, épouse d'un soldat en guerre en Indochine. Un quatuor féminin dans une maison isolée du sud de la France tourmenté au quotidien par les maris/pères, absents mais d'une présence obsédante. Un huis clos familial et estival où s'entrecroisent mystères et rebondissements, amours et haines, espoirs et désespoirs, douleurs d'enfants et douleurs d'adultes, jeux et interdits. U... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
«Mon oncle fait la guerre, mon père ne fait rien»

Des hommes absents sont au coeur du second roman de Céline Debayle. Après Baudelaire et Apollonie, elle change de registre pour retracer les souvenirs d'une fillette dans la France des années cinquante.

En une phrase, la première du roman, le lecteur a tout à la fois le résumé du livre et l'état d'esprit de la narratrice: «Mon oncle fait la guerre, mon père ne fait rien». Cet oncle est parti vers l'Indochine pour défendre les miettes de l'Empire, tandis que son frère passe son temps dans les cafés à s'acoquiner à la pègre, à jouer, à boire.
Nous sommes à Marseille, en 1953, au moment où la mère de la narratrice décide de quitter ce père devenu totalement ingérable, de partir se réfugier à Antibes.
Sa fille ne comprend pas vraiment ce qui se passe, suit le mouvement sans imaginer qu'elle ne reverra plus ce père qu'elle aime tant. Dans son esprit, il reste sa vedette de cinéma ressemblant à Clark Gable dans «New York-Miami, sans moustache mince ni chapeau mou», celui qui la «secouait de rires avec un rien, une singerie, le mot Honolulu, le bruit du moustique». À sept ans, elle est déjà nostalgique de cette époque où son père marchait droit, lorsqu'il était maître d'hôtel au restaurant Lou Pescadou.
«Le siècle était pile à mi-course. La France se remettait debout, l'Europe naissait. Insouciance, croissance, espérance, l'horizon dégagé jusqu'à l'an 2000. La Guerre froide n'inquiétait pas encore. C'était l'époque de la cigarette reine, des bouteilles consignées, du beurre à la coupe, des agents aux carrefours avec le bâton blanc. L'époque des bals à javas et des blagues à Toto, des tabliers d'écoliers et des opérettes de Luis Mariano.»
Le soleil se couchant sur la Méditerranée au large d'Antibes ne pourra effacer les larmes de la fille, ni celle de sa mère. Toutes deux n'imaginaient pourtant pas que leur destin avait déjà basculé, que leur ex-mari et père était déjà «en route vers le noir. Terrible noir. Irréversible noir.»
C'est tout à la fois cette descente aux enfers et l'évolution psychologique de la narratrice que Céline Debayle réussit fort bien à rendre dans ce roman à l'atmosphère singulière. En dressant un parallèle entre les deux frères, le voyou et le soldat, le moins que rien et le héros qui défend son pays, elle accentue le gouffre qui va emporter une enfance. Dans cette France qui se métamorphose, la peur va alors faire place à l'insouciance. Et si son père ne la retrouvait pas? Et si sa mère disparaissait elle aussi? Et si elle devait alors vivre chez cette tante et cet oncle qu'elle aurait tant aimé voir mourir à la place du si joli couple formé par ses parents?
Le choix de la romancière de confier le récit du drame qui se noue au fil des pages à une fillette permet de donner lui donner davantage d'intensité, de violence. Saisissant!


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Tout le livre est une forme de monologue intérieur de Josette, 7 ans, arrivée dans cette maison en Provence un jour d'été avec sa mère, loin de tout, surtout loin de Marseille, pour ne plus être avec le père, devenu alcoolique et assurant les basses besognes des malfrats du milieu marseillais, qui aurait pu les emporter dans une tourmente dangereuse.

La maison, c'est celle d'Emma, la tante d'Odette, qui a aussi une fille de sept ans.

Alors, les voilà toutes les quatre en huis clos de l'été à vivre la même séparation d'avec les hommes, un qu'on ne veut plus voir, et l'autre, engagé en guerre d'Indochine, qu'on espère par-dessus tout voir revenir. L'un est le maudit pour son comportement, l'autre, béni pour son engagement.

Odette ne semble pas comprendre l'attitude de sa mère, le rejet qu'elle a pour son père, lui qui l'emmenait découvrir un monde merveilleux aux yeux de la petite fille, mais qui en réalité n'était qu'une longue suite de bistrots, de verres vidés sans soif, de lieux de débauche, peuplés d'hommes peu fréquentables et de femmes qui fréquentaient beaucoup ces hommes-là et bien d'autres…Pourtant, Odette a été témoin de la descente dans les bas fonds de son père, des effets de l'alcool, mais il restait son père merveilleux qui la serrait dans ses bras.

La narration oscille entre les pensées et les souvenirs d'Odette pour son père qui ne sont que tendresse et amour et l'atmosphère de plus en plus lourde, oppressante de la maisonnée dans l'attente du héros parti à l'autre bout du monde, chez « les Viets », dans la crainte d'un télégramme ou de la visite de gendarmes venus annoncer LA mauvaise nouvelle, surtout qu'au fil du temps, les lettres arrivent de plus en plus espacées. Qu'il soit un salaud ou un héros, pour une fillette de sept ans, un père est toujours un homme merveilleux.

On oscille aussi entre le regard présent d'Odette et celui qui, avec le recul du temps, permet de comprendre cette période de son enfance et les faits qui lui auraient échappé, comme la réalité de la relation de ses parents, des amis de son père, de la crainte de sa mère et son instinct de préserver sa fille.

Si le résumé de l'éditeur en dit long sur le fond, ce qu'il n'évoque pas, c'est la plume de Céline Debayle, fine, poétique, fluide. Il fallait bien cela pour descendre dans la fosse abyssale de la déchéance d'un père. On frôle le pathos sans jamais le toucher. Nous sommes dans le réalisme cru, à la frontière de l'écriture figurative tant les images courtes mais répétées traduisent les situations, les gestes, les attitudes et les regards qui ne trompent pas. Tous les couples ne sont pas heureux, mais tous les parents malheureux ont du mal rendre heureux leurs enfants.

Difficile de tenir tout un texte dans cette ambiance, dans ce regard. Peut-être cela vient-il de moi, mais j'ai trouvé la deuxième moitié du livre moins captivante, qu'elle avait moins de rythme et de tension… ce n'est qu'un avis, mais cela ne m'a pas empêché d'apprécier l'écriture de Céline Debayle.
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Vers un autre destin, dans une autre vie... l'espérance

Ma Chère Lectrice, Mon Cher Lecteur, je vous embarque une nouvelle fois dans le délice de l'écriture de Céline Debayle. C'est doux à l'oreille et ça pique le coeur. L'auteure nous transporte en 1953, dans le sud de la France, où le soleil chauffe le corps et les esprit s'envolent... Merci Céline pour ta confiance renouvelée.

Nous glissons dans la conscience de Josette, cette petite fille de sept ans. Sa mère, Odette, a fait la valise, elle l'a remplit de leurs affaires. Papa est resté là, sans rien dire. Il ne peut pas de toute façon, il ne sait que faire d'autre que le tour des comptoirs et des bordels à Marseille.
Toutes deux vont rejoindre Emma, la soeur de sa maman et sa fille Alice près d'Antibes, dans un lieu qu'on appelle les Pins-Verts.
Deux petites fillettes de sept ans, l'un attend un père qui combat du Viet dans l'empire colonial français qui se fissure peu à peu et l'autre espère la voiture bleue de Paulo le Merlu...

Que ce soit pour Alice ou pour Josette, ce père tant chéri est un héros à leurs yeux. Qu'il soit, selon l'étiquette, bon ou mauvais, c'est un père...

Grâce à son style poétique, Céline Debayle nous enivre de paysages, de passions déchaînées et d'émotions. Quelles soient fortes et belles ou sombres et décadentes. Elle nous glisse doucement dans une ambiance ambivalente chez ces deux minottes, chez ces deux gosses qui n'ont que sept ans et pourtant. L'atmosphère de deux femmes avec enfant, sans homme à leurs côtés. L'ambiance de ces femmes qui doivent travailler, fuir ou attendre. Ces enfants qui grandissent trop vite sans comprendre réellement ce qui se passe mais qui pourtant comprennent certaines choses, à leur manière.
Cette ambivalence, faite en cadence dans la décadence nous transporte aux portes des temps. Aux portes des familles qui ont traversées maintes galères, maintes préjugés, alors que les sentiments sont là, rayonnants et perturbants.

Deux gamines qui n'ont de cessent que d'attendre leur propre père. Pour l'un monté sur un piédestal, pour l'autre roulé dans la fange. Les sentiments de l'une et de l'autre vont doucement se calquer pour ou contre ces pères. Quand Alice peut bénir le sien, Josette doit taire son Dubois pourri...

Je me suis attaché à cette gamine, elle m'a crevé le coeur à plusieurs reprises ! Elle aime tellement son père, même s'il est déconnant, même s'il n'est pas à la hauteur de ce qu'Odette attendait pour sa famille. Un enfant ne voit pas les choses de la même manière... Cette histoire nous chamboule, nous renverse et nous entraîne dans d'intenses réflexions sur la place des enfants et de leurs parents, quand bien même ils ne suivent pas le chemin tracé.
Céline Debayle m'a transportée (le Bibou me murmure de dire que lui aussi, il a même pris un coup de soleil ;) ) dans les méandres de cet été dans le sud de la France. Mais voilà, en 1953, entre le soupçon de la pègre Marseillaise et le soldat contre le Viet-minh, le choix était vite établi...

Les grandes poupées, ce sont ces deux petits filles, âgées de sept ans qui ont du grandir bien plus vite que ce qui leur avait été accordé...

Ma Chère Lectrice, Mon Cher Lecteur, je vous invite à vous délecter de la plume exquise de Céline Debayle dans « Les grandes poupées ». C'est poignant, renversant ! Emplie de beauté et de souffrance, dans un sud de la France un été en 1953. Grâce à sa plume délicate elle vous touchera en plein coeur.
Lien : https://linstantdeslecteurs...
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Un huit clos familial le temps d'un été

Un livre assez court qui se lit très bien - c'est une lecture qui peut se lire comme le journal intime de la fille, cette fille qui relate l'absence de deux hommes - son père et celui de sa cousine

Comment on se construit sans son père ? Avec un héros de guerre et l'autre, dit comme moins que rien ?
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Présenté dans la quatrième de couverture comme « un huis clos familial et estival », Les grandes poupées de Céline Debayle respire une atmosphère où la présence et surtout l'absence des êtres chers tente tant bien que mal à maintenir un équilibre précaire, quasi inatteignable dans l'âme de Josette, l'inconsolable narratrice de sept ans. Elle se dit « intoxiquée au père » pour nommer en réalité l'obsession du possible retour de son héros paternel tombé dans les affres de l'alcool. Va-t-il se relever ? Sinon, comment va-t-elle accepter une défaite tout aussi impénétrable que l'ombre qui s'installe sur son monde ? Céline Debayle construit ici un récit d'une force rare et d'une vérité poignante, s'agissant en fait de décrire « les premiers bonheurs, les bonheurs inoubliables » qui se refusent à une enfance blessée.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Le siècle était pile à mi-course. La France se remettait debout, l’Europe naissait. Insouciance, croissance, espérance, l’horizon dégagé jusqu’à l’an 2000. La Guerre froide n’inquiétait pas encore. C’était l’époque de la cigarette reine, des bouteilles consignées, du beurre à la coupe, des agents aux carrefours avec le bâton blanc. L’époque des bals à javas et des blagues à Toto, des tabliers d’écoliers et des opérettes de Luis Mariano.
L’époque où mon père marchait droit.
Il était maître d’hôtel au restaurant Lou Pescadou. Je suis maître, disait-il, se rêvant puissant. Maître de lui, en tout cas. L’alcool ne l’imbibait pas, et le lait coulait dans ma bouche, pas encore figé sur l’ardoise de l’épicière avec la piquette Kiravi, et le malt en guise de café. p. 33
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INCIPIT
Mon oncle fait la guerre, mon père ne fait rien.
François Maxence Belair réussit tout, même son nom. Robert Dubois rate les marches, et le reste. Il ne sait pas porter un fusil, planter un clou, plier un drap. Mais il chante Le Chapeau de Zaza, imite la sauterelle, invente des histoires de cul-de-jatte. Pas longtemps…
À sept ans je le quitte.
Nous ne le savions pas, sinon mon père m’aurait cachée chez Paulo le Merlu. Et j’aurais appelé à l’aide Mlle Baisérieux, vieille fille qui sirote la Jouvence de l’Abbé Soury. Elle me donne des caramels mous. Je préfère les durs, on les suce plus longtemps. Les caramels durs durent, je dis pour m’amuser, oublier les torchons qui volent avec les fourchettes, et le petit oiseau mort dans ma menotte.
Ma mère me réveille tard, je me rappelle l’ampoule allumée.
– Dépêche-toi on s’en va!
– Où?
– Ne pose pas de question!
– On va chercher papa à La Carapace?
– Ne prononce plus ce nom du diable, plus jamais!
C’est la nuit, la Ville est encore chaude, ma mère me traîne. Je pense sans doute à mon père, aux belles dames. ]e transpire en robe du dimanche, trop serrée. Ma culotte colle. Sur un mur une réclame, je la lis: «Dubo, Dubon, Dubonnet». Ma mère s’agace.
– Tais-toi! Il n’y a pas du bon!
J’aime lire tout haut, et tout: les étiquettes de vin, la notice du Phenergan, les paquets de cuisine, Maïzena, bouillon Kub, coquillettes Rivoire & Caret, malt Kneipp – difficile à dire, impression de cracher comme un garçon.
Un chat noir passe, ma mère s’agace encore.
– Décidément c’est la poisse!
Je connais ce mot et aussi vice, détraqué, salopard.
Ma mère porte une valise, moi un poupon. Mince la valise, à son image. Des miettes du passé: des habits, le napperon dc sa marraine, un recueil de Rimbaud, ma médaille de baptême gravée Josette Violette Lisette… Ma mère ne m’explique rien, elle m’emporte comme une seconde valise. J’ai ce souvenir, elle avec deux fardeaux. Et la ville vide, et le ciel plein d’étoiles.
À la gare Saint-Charles, l’éclairage du guichet est verdâtre, le même qu’à l’hôpital où pépé Léonard m’a dit: «Adieu ma poupette».
Deux billets pour Antibes en troisième classe!
– C'est où Rantibe?
Ma mère ne me répond pas.
Troisième parce qu’on est trois, moi, toi et le poupon?
Mot d’enfant qui amusera longtemps ma famille aux repas de fête. Pas moi…
Dans le compartiment, une passagère nous questionne:
– Vous allez en vacances sur notre belle Riviera ? La promenade des Anglais? La Croisette?
Ma mère éclate en sanglots. Le train part, me secoue, m’arrache à mon père. Je sanglote aussi.
Près d’Antibes. Un lieu-dit, les Pins-Verts, où gémissent cigales et abeilles. Une maison égaré: entre pins et lavandes, avec un jardinet assoiffé tel un paillasson. Il y a deux femmes et deux fillettes. La blondes, tante Emma et Alice – sept ans aussi –, et les brunes, ma mère Odette et moi. Plus d’hommes à la maison, plus de mégots ratatinés dans le cendrier, de résultats de football 31 la TSF le dimanche soir. Plus de blaireau à la crème, de casquette, de chaussettes dc géant que je bourrais de papier journal pour jouer à Gulliver.
Depuis un an, mon oncle François combat en Indochine.
Undochine, Deuxdochine…
Emma me gronde, on ne plaisante pas avec la guerre! Elle prononce «guerrrre», plus tragique, et ça m’apeure. Elle répète, le cercueil guette mon mari. Ma cousine martèle, je veux pas papa dans la boîte, comme pépé. Seul à Marseille, le mien m’inquiète aussi, il a faim. Il ne sait pas cuire les coquillettes ni le bouillon Kub.
Soleil brûlant, saison glacée.
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