"On m'appelle le peintre des danseuses", on ne comprend pas que la danseuse a été pour moi un prétexte à peindre de jolies étoffes et à rendre des mouvements."
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Un jour, dînant chez Berthe Morisot avec Mallarmé – rapporte Paul Valéry dans Degas Danse Dessin –, il se plaignait du mal extrême que lui donnait la composition poétique : « Quel métier ! criait-il, j’ai perdu toute ma journée sur un sacré sonnet, sans avancer d’un pas… Et cependant, ce ne sont pas les idées qui me manquent… J’en suis plein … J’en ai trop… » Mallarmé de lui rétorquer gentiment : « Mais, Degas, ce n’est point avec des idées que l’on fait des vers… C’est avec des mots. »
Là, s’est dit Degas, tout est faux : la lumière, les décors, les chignons des danseuses, leur corset, leur sourire. Seuls vrais, les effets qui en découlent, la carcasse, l’ossature humaine, la mise en mouvement ; arabesques de toutes sortes. Que de force, de souplesse et de grâce ! À un certain moment, le mâle intervient avec série d’entrechats, soutient la danseuse qui se pâme. Oui, elle se pâme, ne se pâme qu’à ce moment-là. Vous tous qui cherchez à coucher avec une danseuse, n’espérez pas un instant qu’elle se pâme dans vos bras. Ce n’est pas vrai. La danseuse ne se pâme que sur la scène.
Degasana sur l’art _ « -ana », disent les dictionnaires, terminaison que l’on ajoute, depuis le XVII siècle, à un nom propre pour titrer un recueil de pensées détachées, de bons mots, d’anecdotes relatives à sa vie que l’on attribue à son auteur.
_« Mon cher Boldini, quel grand talent vous avez ; mais quelle drôle d’idée vous avez de l’humanité. Quand vous faites un homme, vous le ridiculisez, et quand vous faites une femme, vous la déshonorez. »
_Mary CASSATT
« Elle a tellement de talent »… « Il n’est pas permis à une femme de peindre comme cela. » (Devant sa toile Un enfant devant la glace) : « La plus belle peinture du XIX siècle ! »… « Elle peint le petit Jésus avec sa nurse anglaise. »
_Marcellin DESBOUTIN (1823-1902) (Décoré de la Légion d’honneur en 1895) :
« Une tache de plus sur son veston. »
_Albert DUBOIS-PILLET (1846-1890) :
« Le meilleur pointillisme, c’est du bois pilé. »
_ Henri FANTIN-LATOUR (1836-1904) :
« Il a beaucoup de talent, Fantin. Mais je parierais qu’il n’a jamais vraiment regardé des fleurs au corsage d’une femme. »
_ Paul GAUGUIN :
« Aux Batignolles, ne peut-on pas faire d’aussi bonne peinture qu’à Tahiti ? »
_ Impressionnisme-impressionnistes ;
« Cela ne signifie rien, l’impressionnisme. Tout artiste consciencieux a toujours traduit ses impressions. »
_ Henri MATISSE (une de ses natures mortes) :
« Joli, c’est une nature ivre-morte. »
_ Degas rencontrant Puvis arborant ses décorations – chevalier de la Légion d’honneur en 1867, officier en 1877, commandeur en 1889]:
« Vous m’humiliez, tellement vous êtes constellé. »
_ Odilon REDON :
« Ce qu’il veut dire, je n’y comprends pas souvent grand’chose… mais pour ses noirs !… oh ! ses noirs ! impossible d’en imprimer d’aussi beaux… »
S’il y a un homme qui cherche peu à passer pour un artiste, c’est bien celui-là : il l’est tellement ! Et puis, il déteste toutes les livrées, même celle-là.
Il est très bon, mais, spirituel, il passe pour être rosse.
Méchant et rosse, est-ce la même chose ?
(P. Gauguin)
Introduit à l’Opéra grâce à un voisin de palier qui se trouvait être basson de la fosse, Désiré Dihau – bientôt l’un de ses fidèles –, Degas obtint même, à partir de 1885, une place exemptée d’abonné permanent.
Edgar Degas était inséparable de ses carnets de dessins, qui l'ont accompagné partout. Il a laissé près de 2500 pages annotées et dessinées au crayon, à la plume ou au lavis, dans lesquelles il a consigné tout ce qui a pu nourrir son oeuvre.
Très rarement exposées, plusieurs de ces pages sont présentées simultanément dans notre exposition « Degas en noir et blanc », à la BnF jusqu'au 3 septembre 2023 : https://c.bnf.fr/RZG