Un grand merci aux
Editions Gallimard et à Babelio de m'avoir permis de découvrir un nouvel auteur, qui m'a donné une furieuse envie de relire «
La Promesse de l'Aube » de
Romain Gary. En effet dans
Un Certain M.Piekielny, roman écrit à la première personne, le narrateur-auteur se présente comme un admirateur de ce livre et de son auteur. C'est son point de départ, une phrase en particulier : « Eh bien ! quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets-moi de leur dire….. Promets-moi de leur dire : au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait M.Piekielny… »
Le narrateur décide donc de mener une enquête sur ce curieux personnage secondaire afin de découvrir s'il a bel et bien existé. Au départ, il ne sait absolument rien de lui sauf que ce juif de Vilnius (Lituanie) est mort dans un four crématoire et quelques phrases de Gary le décrivant physiquement (comme une souris triste) aussi entame-t-il son investigation avec le sentiment qu'elle n'aboutira probablement jamais. Il prend le parti de se fier à son imagination, son instinct, et il en dresse un portrait tout à fait personnel.
Je me suis lancée dans la lecture de ce roman, le troisième de
François-Henri Désérable, avec un a priori favorable car j'aime l'écriture et les romans de
Romain Gary, en particulier
La Promesse de l'Aube. de plus, l'idée me semblait originale et trouvait quelques échos dans ma propre vie, à commencer par l'enquête que j'avais moi-même menée pour établir mon arbre généalogique. En effet, tout comme l'auteur, j'avais fait des recherches mais aussi échafaudé des histoires à partir de simples détails comme des dates et des lieux. Tout cela s'apparentait à un puzzle, à un jeu.
La lecture de cet ouvrage a également évoqué pour moi un petit livre de
Philippe Besson intitulé « L'arrière –saison » dans lequel il raconte une histoire qu'il a imaginée à partir du célébrissime tableau d'
Edward Hopper, « Nighthawks ». C'est à mon sens un procédé assez semblable que nous avons ici puisque F.H. Désérable imagine la vie de ce M.Piekielny qui est un personnage de roman.
Ce que j'ai aimé chez cet auteur-narrateur, c'est sa ténacité, qui est aussi un de mes traits de caractère. Il ne se laisse ni démoraliser ni arrêter par des réponses négatives ou une absence de réponse.
Par ailleurs, j'ai aimé son écriture fluide, agréable à lire, en dépit de quelques mots peu usités à chercher dans le dictionnaire. Mais surtout, l'aspect captivant de ce roman, c'est que l'imagination est au pouvoir. On y découvre comment un auteur peut construire un roman à partir d'un détail choisi dans un autre roman. Comme il le dit lui-même page 168 : « mille histoires peuvent être tramées » ou page 189 : « On pourrait tisser mille romans ». Alors finalement, F.H.Désérable est un tisserand : il tisse des histoires comme l'a fait
Romain Gary avant lui. Ne dit-il pas de lui qu'il a tissé lui aussi, beaucoup de mensonges : page 188, "Voilà, on est réduit à le croire, dis-je, ou non".Page 201, il en fait même un caméléon.
Quand je dis que l'imagination est au pouvoir, je pense au sens propre du terme « pouvoir » : l'auteur a tous les droits ; il décide du sort de son personnage, lui fait faire ou dire ce qu'il veut, puisque de toute façon, il ne sait rien de lui (le lecteur non plus), pas même s'il n'est qu'un personnage de fiction ou un homme qui a réellement existé. F.H.Désérable le crée de toutes pièces, à coups de « peut-être » et de verbes au conditionnel. Comme un enfant qui joue en parlant à ce mode, il nous fait part de ses élucubrations : « il m'aurait donné rendez-vous, il m'aurait dit…. ».
Vous l'aurez compris, j'ai aimé ce livre original qui devrait faire aimer la littérature à ceux qui ne la côtoient pas encore et donnera envie de découvrir les romans de
Romain Gary à ceux qui n'ont pas encore eu le plaisir de le lire.