Ni l’un ni l’autre ne me voit. Pourtant, je suis là, toujours, tout près. On peut presque me toucher. Si. Si on a les doigts assez sensibles, quand ils glissent sur moi, on peut sentir un velours, ou une fraîcheur, ou parfois une chaleur, le chatouillis d’une plume, le trait râpeux d’une langue de chat.
Si on a la joue assez réceptive, on peut frissonner sur mon passage.
Si on a l’oreille assez tendue, on peut s’arrêter de penser, tout bonnement, en entendant mon chant. Si le goût ne nous manque pas, on peut me goûter, parfois sucrée, parfois amère, parfois salée. S’il nous reste un tant soit peu d’odorat, on peut se soûler de mon parfum.
Si on a des yeux pour voir, on ne se lasse pas de mon éclat.
On peut même m’atteindre dans les rêves.
Je suis juste à côté d’eux. L’un a grandi dans mes bras, mais ne m’a pas encore vue. L’autre… l’autre m’a tant aimée, mais ne me regarde plus. Et pourtant, je les suis et les devance, sans cesse.
Dans des temps très anciens, en Chine, lorsque les armées impériales en campagne ne pouvaient plus avancer, épuisées à l’extrême, les médecins chauffaient chez chacun des soldats un point d’acupuncture situé près du tibia, sous le genou. Ce point d’énergie, une fois traité, permettait à l’armée de reprendre la route et d’avancer encore de trois lieues.
D’où son nom :
le pint des Trois lieues.
Je n’ai jamais tenté de montrer que j’étais plus intelligent que j’en avais l’air. Confusément, je savais que ça me servirait d’une manière ou d’une autre.
Pour les Inuits, le monde des songes est aussi réel que le monde éveillé.
Dessine-moi une âme, papa.
Sylvie Desrosiers présente Les Trois Lieues
En décembre 2008, l'auteure Sylvie Desrosiers a remporté le prix du gouverneur général pour son roman Les Trois Lieues. Visionnez cette capsule pour connaîtr...