Ou sera le petit-homme vert la prochaine fois ?
L'Amérique comme un cliché, un tableau de
Norman Rockwell ou une image d'Épinal (bon, pas très américain comme référence), une diapo lumineuse en tout cas avec sa famille type qui se faufile dans les artères encombrées de grosses Buick ou Cadillac grâce à sa vieille coccinelle-Volkswagen (comme un air de Disney)!
L'âge d'or du consumérisme naissant.
Kodachrome, 24x36, 64 asa, 50 mm, filtre polarisant, couleurs saturées. Clic-clac !!
Le quartier middle-class bien rangé:
pavillon 1 : Victor, Margo et leur fils Sam ;
pavillon 2 :Les Black, Bill et Junie, le jeune couple de voisins (un rien envahissant) ;
pavillon…
Margo héberge Ragle, son frère dont l'unique mais lucrative activité est de s'ensevelir sous une tonne de documents pour résoudre quotidiennement le concours édité par la gazette locale qui, gagnant d'exception, lui permet d'engranger dollars et notoriété.
Puis apparaît le bizarre, le surprenant, l'incongru, le cheveu sur la soupe, la couille dans le pâté ! Comme l'impression d'être hors du monde. le grain de sable s'immisce dans la belle mécanique photographique bien lubrifiée.
La pellicule se raye, un éclat dans le vernis, le décor s'évapore. Qu'y-a-t-il derrière l'image parfaite du bonheur quotidien ?
Fantasme ou réalité ?
Folie ou normalité ?
Quand la machine s'emballe (cent balles c'est pas cher), le schizo freine!
Certains masques tombent et laissent apparaître les véritables personnalités qui semblent tirer des ficelles !
Mais lesquelles ?
Clic-clac, Kodak, l'affaire n'est plus dans le sac mais se détraque !
Ground control for major Tom….
Bien qu'écrit en…1959, ce récit est très actuel voire prémonitoire et aujourd'hui transposable qui critique la manipulation (fake news hurlerait la perruque orange), la boulimie médiatique (télévision alors naissante pourtant) ou évoque la crainte d'une troisième guerre mondiale (la guerre froide échauffait les esprits) quand la notion de blocs ressurgit dramatiquement avec la guerre en Ukraine et la course (sans échalote) à l'armement nucléaire qui tourne au vinaigre.
Produit à l'aube des sixties, ce récit nous interpelle sur la nature du régime qui nous régit, la démocratie ou la dictature, le libre arbitre ou le totalitarisme, la liberté de penser ou la manipulation à la manière d'un big brother.
C'est un reflet du contexte géopolitique mondial d'alors, ballotté entre paranoïa et schizophrénie. Contexte tristement réanimé aujourd'hui quand menacent Poutine et Kim Jong-un (liste non exhaustive)
Au-delà du sentiment de manipulation qui règne tout le long de son récit, le roman préfigure déjà les futures silhouettes fantomatiques de la téléréalité et de ses gloires fulgurantes et, hélas pour elles, éphémères que feront surgir les décennies suivantes à grands coups de projecteurs survoltés et de coups montés pendards qui précipiteront leurs victimes initialement consentantes vers des abîmes sans fond où il sera encore possible d'exploiter cyniquement leur déchéance.
Il y est également question de vacuité :
- Celle des gains ‘faciles' à des jeux concours éventuellement truqués, gains parfois supérieurs aux salaires gagnés moyennant un ‘réel travail' et à temps complet.
- Celle ressentie par les travailleurs dits manuels pour les activités intellectuelles considérées souvent par eux comme récréatives (la fameuse valeur travail et la pénibilité).
- Celle, encore, de cette notoriété acquise et assise sur une seule vague existence médiatique et les jalousies qu'elle engendre (jeux télé, influenceurs, peoples…)
Mais ce sont surtout notre équilibre mental et notre capacité à percevoir le monde qui nous entoure dans l'adversité qui sont au programme de ce livre surprenant dont on tourne les pages avec frénésie:
impatients que nous sommes
de savoir si le destin de Ragle Gumm
se doit d'être vécu ou si, en somme
ce n'est, qu'une histoire à la…gomme !
Entre ‘le prisonnier', ‘Truman show' et …'la ferme célébrité', ce roman à su m'emporter même si la fin singulièrement datée m'a quelque peu perdu en chemin mais il est vrai que se sont les femmes qui viennent de Vénus, sans doute pour le lire aurais-je dû attendre le mois de Mars mais aurais-je alors décroché la lune?
Merci à mon fils de m'avoir conseillé cette lecture à des années lumière de mon répertoire habituel.